Dans le Burundi traditionnel, le soir, au coin du feu, la famille réunie discutait librement. Tout le monde avait droit à la parole et chacun laissait parler son cœur. C’était l’heure des grandes et des petites histoires. Des vérités subtiles ou crues. L’occasion pour les anciens d’enseigner, l’air de rien, la sagesse ancestrale. Mais au coin du feu, les jeunes s’interrogeaient, contestaient, car tout le monde avait droit à la parole. Désormais, toutes les semaines, Iwacu renoue avec la tradition et transmettra, sans filtre, la parole longue ou lapidaire reçue au coin du feu. Cette semaine, au coin du feu, Jessie Ngaruko.
Votre qualité principale ?
De nature, je suis une personne très joyeuse. Quand bien même, autour de moi tout semble « se ternir », difficile de changer mon humeur ou de m’atteindre mentalement.
Votre défaut principal ?
Je suis introvertie. Je vais difficilement vers les autres, mais j’y travaille.
La qualité que vous préférez chez les autres ?
La transparence, l’honnêteté.
Le défaut que vous ne supportez pas chez les autres ?
L’hypocrisie et le mensonge.
La femme que vous admirez le plus ?
Elles sont plus d’une. Mais, ma mère et ma grand-mère sont les femmes qui sortent du lot. La raison : leur mental d’acier. De par leur détermination, leur courage, je pense que les mots abandon et échec ne font pas partie de leur registre de vocabulaire.
Et pourquoi cela ?
Ne dit-on pas que derrière chaque grand homme, il y a une grande femme ? A travers, leurs sacrifices, esprit d’écoute. Comme de vraies cheffes d’entreprises, elles maintiennent et ont maintenu leurs foyers, gardant « le navire » au-dessus de la ligne de flottaison.
L’homme que vous admirez le plus ?
Sans aucune hésitation, mon père. Sa douceur, sa bienveillance hors du commun m’ont permis d’avoir une idée du type d’homme que je devais épouser (rires).
Dites-nous en plus …
De par ses conseils, j’ai compris comment un homme doit parler à sa femme, la soutenir, l’aimer, le lui montrer, prendre soin d’elle, être un père aimant et doux avec ses enfants…
Votre mari remplit-il toutes ces qualités ?
Oooh que si ! Même après 10 ans de relation, cet homme m’impressionne chaque jour. Son leadership, sa propension à prévoir, sa capacité à anticiper m’étonnent…En tout cas, je suis tellement redevable envers lui. Aujourd’hui, tout ce que je sais en rapport avec les relations interpersonnelles, la façon de saisir les opportunités, la vision du travail, le management, et surtout l’intelligence financière, je le lui dois.
Votre plus beau souvenir ?
Mon mariage en 2016. Après plus de six ans de relation, enfin, nous nous disions « oui » pour la vie. Autour de nous, nos proches nous taquinaient, nous disant que nous avions célébré « Un jubilée » et non un mariage (rires).
Votre plus triste souvenir ?
Par la grâce de Dieu, je n’en ai pas.
Quel serait votre plus grand malheur ?
Mourir sans avoir accompli ce pour quoi le Seigneur m’a créée.
Le plus haut fait de l’histoire burundaise ?
La victoire de l’Uprona, le 18 septembre 1961. Unis, les Burundais ont montré qu’ils étaient capables de beaucoup de choses.
Durant votre vie, quel est votre plus grand regret ?
Le fait de ne pas avoir connu mes deux grands-pères paternels. Deux leaders qui ont marqué l’histoire du pays. Bref, j’aurais bien voulu tirer des leçons de leur sagesse. (Pierre Ngendandumwe, c’est son grand-père maternel, Ndlr).
Selon vous, quelle est la plus belle date de l’histoire burundaise?
La proclamation de l’indépendance du Burundi, le 1er juillet 1962.
La plus terrible ?
L’assassinat du président Ndadaye, le 21 octobre 1993. Les conséquences de ce terrible événement sont encore vivaces.
Le métier que vous auriez aimé faire ?
Psychologue. Comprendre l’autre, c’est mon domaine de prédilection.
Une femme dont le mari est un fervent croyant, qui sert Dieu, qu’est-ce que cela vous fait ?
En vérité, la façon dont un homme sert Dieu détermine la façon dont il servira sa femme. Pour ceux qui ne le savent pas, un mari doit servir sa femme. A ce niveau, même la Bible est formelle :(Celui qui sert, c’est lui le plus grand (Math 23:11 ). Un homme a la responsabilité de protéger sa femme, de veiller à son épanouissement, de la soutenir dans ses projets… Après tout, un mari qui sert Dieu avec tout son cœur prendra soin du don que le Seigneur lui a donné… (Celui qui trouve une femme trouve le bonheur. C’est une grâce qu’il obtient de l’Eternel.)
Vous vous estimez donc chanceuse ?
Ce n’est pas pour me vanter. Mais, modestement, je pense que je compte parmi celles qui jouissent de ce privilège. Voir mon mari servir Dieu au quotidien m’est une source d’inspiration. Cela me booste. Un challenge qui me pousse à grandir spirituellement, à devenir la meilleure version de moi-même. Honnêtement, c’est mon cœur qui est rempli de gratitude, et j’en suis heureuse. Dieu est fidèle.
Influenceuse sur You Tube, comment vous est venue l’idée ?
Ne dit-on pas que : « L’homme sage apprend de ses erreurs, l’homme plus sage apprend des erreurs des autres ». Mon but, c’était d’éviter que l’autre tombe dans les mêmes erreurs que moi. Et pour ceux qui y sont déjà, partager avec eux des astuces qui m’ont aidée à m’en sortir.
Quels sont les grands thèmes que vous partagez avec vos abonnés sur You Tube ?
Tout ce qui est en rapport avec la santé mentale, le développement personnel, le cosmétique et bientôt l’intelligence financière.
Beaucoup de personnes créent des chaînes sur You Tube pour se faire de l’argent. C’est votre cas ?
Je pars du principe que tout travail mérite un salaire. Faire des vidéos sur You tube est un investissement en temps et en matériel. Même si ma motivation première reste d’instruire et d’impacter sur ma génération, il est bon que chaque influenceur touche une rémunération.
Analyste en crédit bancaire, dans un pays comme le Burundi, qu’est-ce que le gouvernement peut faire pour permettre aux jeunes d’accéder facilement aux crédits ?
Un jeune peut accéder au crédit dès lors qu’il est crédible, solvable et stable. La 1ère chose à faire serait donc de favoriser le secteur privé, faciliter la création d’entreprise.
Avoir des institutions prêtes à financer ou à donner des crédits aux jeunes entrepreneurs.
Des crédits à taux d’intérêt raisonnables pour des sociétés pouvant embaucher plus de 100 jeunes par exemple, etc.
Votre lieu préféré au Burundi ?
J’hésite entre chez mes parents (quartier Zeimet) ou chez mamy (à Kiriri). Je suis casanière de nature.
Le pays où vous aimeriez vivre ?
Au soleil, l’île Maurice peut-être …
Le voyage que vous aimeriez faire ?
Israël, visiter la terre sainte.
Votre rêve de bonheur ?
Vivre une vie sans être esclave de mon compte. Vivre ma liberté financière avec ma famille au complet.
Votre plat préféré ?
Ubuswage et de petits ndagala. Je viens de l’Imbo.
Votre chanson préférée ?
Comme je n’écoute que du gospel, j’aime beaucoup Tasha Cobbs, William McDowell, Dena Mwana…
Quelle radio écoutez-vous ?
Je n’écoute pas la radio.
Avez-vous une devise ?
Dusenga, Dukora / Dukora, Dusenga (Prions en travaillant, travaillons en priant)
Actuellement résidant en France, les envies d’un retour au bercail pour y faire carrière. Cela ne vous tente pas ?
Je ne suis pas fermée à l’idée.
De par votre expérience professionnelle, quel est le secteur d’activités inexploré au Burundi dans lequel on devrait investir ?
L’agriculture sans aucun doute!
Votre définition de l’indépendance ?
C’est quand un pays ou un peuple jouit d’une souveraineté absolue dans tous les domaines (politiques, sociales, économiques,..)
Votre définition de la démocratie ?
C’est lorsque la population a le pouvoir de choisir ses élus, et de participer aux prises de décisions politiques engageant toute la nation entière.
Votre définition de la justice ?
Un Traitement équitable de tout un chacun devant la loi sans pour autant tenir en compte de sa classe sociale, de son ethnie ou de son appartenance politique ou religieuse.
Si vous étiez ministre de la Planification et des Finances. quelles seraient vos premières mesures ?
Il y a tellement de choses à révolutionner. Au risque de me faire des ennemis, la sagesse veut que je n’en dise pas plus.
Croyez-vous à la bonté humaine ?
Oh que si! En tant que Burundais, c’est d’ailleurs ce qui nous reste comme vertus.
Pensez-vous à la mort ?
Non, je vis le moment présent. Je pense à l’avenir, rarement à la mort.
Si vous comparaissez devant Dieu, que lui direz-vous ?
Merci pour tes bienfaits. Par ta grâce, je n’ai manqué de rien.
Propos recueillis par Hervé Mugisha