Dans le Burundi traditionnel, le soir, au coin du feu, la famille réunie discutait librement. Tout le monde avait droit à la parole et chacun laissait parler son cœur. C’était l’heure des grandes et des petites histoires. Des vérités subtiles ou crues. L’occasion pour les anciens d’enseigner, l’air de rien, la sagesse ancestrale. Mais au coin du feu, les jeunes s’interrogeaient, contestaient, car tout le monde avait droit à la parole. Désormais, toutes les semaines, Iwacu renoue avec la tradition et transmettra, sans filtre, la parole longue ou lapidaire reçue au coin du feu. Cette semaine, au coin du feu, Japhet Legentil Ndayishimiye.
Votre qualité principale ?
Je suis accessible et coopératif. La détermination, la courtoisie et la diplomatie font également partie de mes qualités.
Votre défaut principal ?
Il est difficile de connaître ses défauts. Mais je reconnais que je suis impatient surtout face à un travail d’intérêt général. Heureusement que je suis entouré par des conseillers. Je suis également trop ouvert aux gens, un défaut que je reconnais aussi.
La qualité que vous préférez chez les autres ?
La sincérité. Parler sans hypocrisie. Une qualité qui existe réellement chez peu de gens.
Le défaut que vous ne supportez pas chez les autres ?
L’égoïsme est un défaut blâmable que je remarque chez pas mal de gens. C’est pourquoi la confiance n’existe presque plus, même envers les membres de sa famille.
La femme que vous admirez le plus ?
La mienne. Nous nous aimons sincèrement. Non seulement parce qu’elle supporte mes caprices et vice versa, mais aussi Dieu l’a choisie pour être la mère de mes enfants.
L’homme que vous admirez le plus ?
Nelson Mandela. C’est l’homme qui a su changer les cœurs les plus durs sans rancune des nombreuses années d’emprisonnement à Robben Island. Sans lui, le Burundi ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui. J’ai même décidé de créer une organisation à son honneur : « Mandela Peace Center » pour que les générations futures le connaissent.
Votre plus beau souvenir ?
Ma jeunesse à Bujumbura. Elle m’a tellement marqué. De Kamenge, Nyakabiga, Bwiza à Cibitoke… J’étais un grand fan des films indiens au Ciné Caméo. Jouer au foot, participer dans des groupes de loisirs et tous les caprices avec mes amis… un souvenir qui reste gravé dans mon cœur. C’est comme ça que je suis devenu « Mtoto wa mjini » (un enfant de la ville).
Votre plus triste souvenir ?
L’on dit souvent que la mémoire d’un enfant ne s’efface jamais. Vivre la guerre étant enfant est traumatisant. J’ai assimilé les évènements horribles de 1972.
J’ai connu l’exil à 10 ans. J’ai appris qu’avoir des parents appartenant aux ethnies différentes peut être un avantage ou un calvaire. J’ai vécu réellement la crise. Il fallait choisir mon mode de vie actuel pour essayer d’oublier : suivre la voie de Mandela.
Quelle serait votre plus grand malheur ?
Je l’ai déjà connu. La mort de mes plus chers parents et frères dans la crise de 72.
Le plus haut fait de l’histoire burundaise ?
L’accord d’Arusha a été pour moi un évènement qui a marqué l’histoire et le début de la fin des atrocités qui ont toujours frappé le Burundi.
La plus belle date de l’histoire burundaise ?
Quand le président Ndadaye a pris les rênes du pouvoir. C’était pour moi une date historique qui a marqué le monde, malgré le climat d’insécurité qui existait et les différentes interprétations des uns et des autres.
La plus terrible ?
Le 21 octobre 1993, l’assassinat du président Melchior Ndadaye. C’est l’une des tragédies les moins connues de l’histoire africaine. Cet ancien chef d’Etat a été assassiné dans l’indifférence totale des Africains et de la communauté internationale.
Le métier que vous auriez aimé faire ?
Je l’ai déjà pratiqué : le journalisme. J’ai fait la section soudure au Centre de Formation Artisanale de Jabe sans en avoir l’ambition. Déterminé, j’ai pu obtenir diverses formations en communication. J’ai alors embrassé la carrière de journaliste tant rêvée depuis mon enfance. J’ai eu l’occasion de travailler comme journaliste-réalisateur du journal le Renouveau du Burundi, puis animateur de l’émission « Kundane » à la RTNB comme collaborateur extérieur.
Plus tard après avoir immigré en Scandinavie où j’ai suivi la formation en journalisme à l’Université de Bodø en Norvège, j’ai pratiqué ce métier à la télévision norvégienne Lifestyle.
Votre passe-temps préféré ?
Regarder les informations télévisées ainsi que le tourisme.
Votre lieu préféré au Burundi ?
Les plages du lac Tanganyika.
Le pays où vous aimeriez vivre ?
La Norvège auparavant. Mais finalement c’est le Burundi.
Le voyage que vous aimeriez faire ?
J’ai déjà visité plus d’une vingtaine de pays à travers le monde. J’aimerais cette fois-ci découvrir Israël et la Palestine.
Votre rêve de bonheur ?
Travailler avec la jeunesse et les personnes les plus démunies à commencer par les femmes.
Votre plat préféré ?
Le poisson et la salade.
Votre chanson préférée ?
J’aime les chansons de Lionel Richie et le blues américain. J’aime aussi les chansons gospels adventistes.
Quelle radio écoutez-vous ?
J’écoute cinq radios : RFI, RT France, RTNB et Isanganiro. Le vendredi et samedi j’écoute uniquement la radio burundaise Agakiza.
Avez-vous une devise ?
Comme je suis le leader de la diaspora, c’est simple : « One Burundi, One Diaspora, One Destination » (un Burundi, une diaspora, une destination). Si non en général, ma devise est « aimez-vous les uns les autres ».
Votre souvenir du 1er juin 1993 ?
Quand le parti Frodebu a remporté les élections, j’étais journaliste au Renouveau du Burundi. Nous travaillions jour et nuit. Des reportages partout. La peur, la joie se lisaient sur les visages des uns et des autres.
Votre définition de l’indépendance ?
Une liberté de décider, avoir une identité. Mais avec le peu d’élites universitaires que le Burundi connaissait au moment de l’indépendance, il fallait s’attendre à ce qui est arrivé. En réalité, le Burundi n’a jamais connu la vraie indépendance. C’est aujourd’hui qu’elle se manifeste avec les programmes de moralisation.
Votre définition de la démocratie ?
Le mot démocratie est importé et désigne un système de gouvernance. Dans un pays démocratique, tous les citoyens ont le droit de participer dans la vie du pays, de près ou de loin.
En démocratie, il y a des concepts communs et d’autres qui s’adaptent avec la culture de chaque pays. Le Burundi a compris qu’il ne faut pas tout accepter. Certains pays ont adopté des stratégies pour s’accaparer des richesses des autres. Il faut être vigilant. Aux Etats Unis, on dit « American first », En Russie la même chose et en France… Pourquoi pas au Burundi ? Il faut gérer notre économie et éviter les ingérences.
Votre définition de la justice ?
La justice c’est la distinction essentielle du bien et du mal, dans les relations des hommes entre eux.
Si vous étiez ambassadeur du Burundi en Norvège, quelles seraient vos deux premières mesures ?
Transformer l’ambassade en un lieu de rencontre, d’échanges et de représentation. Permettre aux membres de la diaspora qui le souhaitent de promouvoir positivement l’image du Burundi par les investissements.
La deuxième mesure est de mettre en place un poste non requérable par un membre de la diaspora pour appuyer là où le besoin se fait sentir pour la promotion du fonctionnement de l’ambassade. Les membres de la diaspora peuvent participer au niveau de l’équipement et la mobilisation des investisseurs.
Si vous étiez ministre Burundais des Relations extérieures, quelles seraient vos deux premières mesures ?
Renforcer la diplomatie active pour l’image positive du Burundi. Encourager le retour et l’embauche des membres de la diaspora qui ne travaillent pas.
Croyez-vous à la bonté humaine ?
Bien sûr. Mais sans généraliser, l’homme est plutôt méchant. Le passé nous hante. Nous devrions travailler pour l’amour et la bonté.
Pensez-vous à la mort ?
Elle ne me préoccupe pas. Je sais que la mort m’aime trop, mais moi je ne l’aime pas. C’est pourquoi je suis très combatif, tu m’attaques je t’attaque.
Si vous comparaissiez devant Dieu, que lui diriez-vous ?
Je ne sais pas quand la fin du monde viendra. Je prie donc chaque jour, le matin et le soir.
Propos recueillis par Clarisse Shaka