Dans le Burundi traditionnel, le soir, au coin du feu, la famille réunie discutait librement. Tout le monde avait droit à la parole et chacun laissait parler son cœur. C’était l’heure des grandes et petites histoires. Des vérités subtiles ou crues. Une occasion pour les anciens d’enseigner, avec l’air de rien, la sagesse ancestrale. Mais, au coin du feu, les jeunes s’interrogeaient et contestaient, car tout le monde avait droit à la parole. Désormais, toutes les semaines, Iwacu renoue avec la tradition et transmettra sans filtre, la parole longue ou lapidaire reçue au coin du feu. Cette semaine, au coin du feu, Gioia Kayaga alias Joy Slam.
Votre qualité principale ?
Curieuse.
Votre principal défaut ?
Trop impulsive. Parfois, je peux avoir des réactions un peu à chaud, mais au Burundi, j’apprends à être plus diplomate. Mon mari m’aide beaucoup dans cet apprentissage.
La qualité que vous préférez chez les autres ?
L’ouverture d’esprit. Je trouve que c’est quelque chose de précieux chez les gens.
Les défauts que vous ne supportez pas ?
L’intransigeance et le fait de vouloir imposer sa manière de croire ou de penser aux autres.
Dans le domaine artistique, qu’est-ce qui vous motive ?
Moins le slam en ce moment. Avant, c’était motivant de pouvoir partager ce que j’écrivais parce que je le gardais pour moi. Voir que cela plaisait aux gens et faisait écho avec leurs propres expériences était très gratifiant.
Votre point de vue par rapport au slam ?
J’aime quand le slam raconte des histoires intimes, la vie réelle des gens. Je ne suis pas passionnée par les grands discours très politiques ou généraux. Je trouve que c’est plus puissant quand on raconte l’histoire d’une personne ou son parcours de manière directe, cela touche le cœur des gens. Les slameurs ne sont pas des politiciens ou des hommes d’Église, notre rôle est de raconter la vie des gens, ce qui les met en colère ou les rend heureux.
Si le président était un artiste-slameur, qu’est-ce que vous lui demanderiez ?
Je ne parle pas Kirundi, mais quand je le vois s’exprimer, je trouve qu’il a quelque chose d’artistique. Comme slameuse, je lui demanderais d’écouter. Parfois, comprendre la réalité de certaines personnes éloignées peut ouvrir les yeux et révéler beaucoup.
Votre plus beau souvenir dans la vie ?
La première fois où je suis allée voir le village de naissance de mon grand-père à Buraza, dans la province de Gitega. Ne pas savoir d’où je viens m’avait toujours manqué. J’avais 13 ans la première fois que j’y suis allée, et ce souvenir m’a vraiment marquée.
L’homme que vous admirez le plus ?
C’est une question difficile. Toutefois, je voudrais citer Pitcho, un artiste congolais qui m’a énormément aidée. Il a été l’un des premiers à croire en moi, mon directeur artistique et un soutien majeur dans mes projets créatifs.
Il m’a dit que je pourrais devenir artiste de manière professionnelle et m’a encouragée. Il est également engagé auprès des jeunes, en plus de ses propres créations.
Le métier que vous auriez aimé exercer à part le slam ?
À part peut-être être journaliste, je me voyais bien avocate, mais l’aspect rigide du droit et l’obligation d’étudier beaucoup ne m’attiraient pas du tout. Par contre, plaider pour des causes m’aurait certainement plu.
Votre passe-temps préféré ?
Avant, je lisais beaucoup. Maintenant que je suis maman, je lis moins (rire). Cependant, avec nos projets pour la Kibira, j’ai découvert une passion pour la nature. Mais la littérature reste toujours dans mon cœur.
Votre lieu préféré ?
La Kibira. Ça pourrait encore changer, mais pour le moment, c’est la Kibira.
Le voyage que vous aimeriez faire ?
Si je dois choisir, j’en ai deux. J’aimerais beaucoup aller au Gabon pour la forêt et les pratiques ancestrales et spirituelles. En second lieu, j’aimerais aller en Jamaïque parce que j’écoute énormément de musique jamaïcaine, mais c’est un voyage coûteux (rire).
Votre rêve de bonheur ?
Je rêverais d’avoir une sorte de mini-village où je pourrais appliquer certaines visions en matière d’écologie et de vie en communauté !
Votre plat préféré ?
La cuisine italienne, notamment les cannellonis.
Votre slameur préféré ?
Évidemment, je suis obligée de citer Gaël Faye. Mais il y a aussi Lisette Lombé, une slameuse belgo-congolaise.
Votre devise ?
Il faut tenir debout tout seul. Les amis, la famille, c’est du bonus. Une autre devise est que si on a la chance de monter les marches, il ne faut pas oublier de se retourner pour aider les autres à monter derrière soi. Cela ne sert à rien d’arriver tout seul au sommet.
Croyez-vous à la bonté humaine ?
Heureusement, sinon, je ne vois pas à quoi d’autre je pourrais croire (rire) ! C’est même la seule chose qui me fait tenir. Face à un monde souvent tyrannique et violent, il est essentiel de se rappeler qu’il y a des personnes bonnes et généreuses.
C’est cela qui m’inspire et que j’essaie de reproduire à ma petite échelle. En aidant sans attendre en retour, on peut créer des chaînes de solidarité. Sans cela, on pourrait juste attendre tranquillement la mort.
Pensez-vous à la mort ?
C’est drôle parce qu’avant, même si cela ne m’angoissait pas trop, je trouvais triste de savoir que je manquerai à ceux qui m’aiment. Depuis que j’ai des enfants, cela devient plus compliqué. Surtout quand ma fille me dit souvent : « Un jour, tu vas mourir », cela me donne des angoisses parce que je veux être là pour eux.
Propos recueillis par Stanislas Kaburungu
Bon Courage Madame.
Les Burundais = Diplomates pour ne pas dire le vrai mot ! C’est partout.
Même dans les comments Iwacu aussi nous y oblige aussi souvent.