Dans le Burundi traditionnel, le soir, au coin du feu, la famille réunie discutait librement. Tout le monde avait droit à la parole et chacun laissait parler son cœur. C’était l’heure des grandes et des petites histoires. Des vérités subtiles ou crues. L’occasion pour les anciens d’enseigner, l’air de rien, la sagesse ancestrale. Mais au coin du feu, les jeunes s’interrogeaient, contestaient, car tout le monde avait droit à la parole. Désormais, toutes les semaines, Iwacu renoue avec la tradition et transmettra, sans filtre, la parole longue ou lapidaire reçue au coin du feu. Cette semaine, au coin du feu, Gaston Sindimwo.
Votre qualité principale ?
La patience.
Votre défaut principal ?
Etre trop bon.
La qualité que vous préférez chez les autres ?
La rigueur.
Le défaut que vous ne supportez pas chez les autres ?
La méchanceté. Faire à autrui ce que tu n’aimerais pas que l’on te fasse.
La femme que vous admirez le plus ?
Je ne sais pas si on peut dire que ma fille aînée est une femme, mais c’est elle que j’admire le plus.
L’homme que vous admirez le plus ?
Le président Pierre Nkurunziza est la première personne que j’admire le plus. C’est lui qui a fait de moi ce que je suis aujourd’hui. Je lui en serai toujours reconnaissant ! En écoutant la voix de Dieu et en plaçant sa confiance en moi, le président Pierre Nkurunziza a fait découvrir au monde mes talents.
Votre plus beau souvenir ?
Mon premier jour en Russie, en 1981. Je participais, en tant que pionnier du parti Uprona, aux camps de vacances estivales des enfants dans la ville d’Artek. Sous le régime Bagaza, chaque année, beaucoup d’enfants du mouvement pionnier affilié au parti Uprona participaient à ce genre d’événement. En 1981, j’ai eu la chance de faire partie du groupe d’enfants qui devaient se rendre en Russie. Pour un enfant de la sixième année primaire que j’étais, ça doit être un moment inoubliable. Je garde toujours de ce voyage un souvenir d’une joie intense.
Votre plus triste souvenir ?
La mort de ma mère en 2001. Elle m’a particulièrement touché parce qu’elle m’avait élevé seule et elle est partie jeune.
Quel serait votre plus grand malheur ?
Mon plus grand malheur serait de partir en laissant mon parti au rancard. Il vient de sortir du gouffre, il avait été enfoncé par les siens. Néanmoins, nous avons pu redorer son image et continuons de le faire. Mon plus grand malheur serait donc de partir en le laissant encore une fois au rancard.
Le plus haut fait de l’histoire burundaise ?
L’indépendance du Burundi.
La plus belle date de l’histoire ?
Le 20 aout 2015, le jour de mon investiture à la première vice-présidence de la République.
La plus terrible ?
Le 13 août 2004, date à laquelle ont été perpétrés les massacres des Banyamulenge à Gatumba. Quand j’ai vu les cadavres de ces innocents, j’ai été sidéré. Cette scène m’a beaucoup marqué.
Votre passe-temps préféré ?
Avant mes obligations actuelles, mon passe-temps préféré était le sport. Je faisais le volleyball et la marche. Actuellement, je ne fais plus du sport, faute de temps. J’ai consacré mes heures supplémentaires aux études et à l’entretien avec des gens pour diverses raisons. J’ai sacrifié le gros de mon temps hors-travail aux études de master que je fais à distance dans une Ecole Doctorale d’études de stratégie de développement et de management basée à Paris.
Votre lieu préféré au Burundi ?
Je me sens très bien dans tous les coins du Burundi. Mais je dois avouer que j’ai une préférence particulière pour la zone Nyakabiga. Je me sens particulièrement bien quand je suis à Nyakabiga.
Le pays où vous aimeriez vivre ?
Au pays des Mille et une collines certainement, le Burundi. Ma vie, c’est au Burundi.
Le voyage que vous aimeriez faire ?
Je n’ai jamais été à Dubaï, j’aimerais bien m’y rendre.
Votre rêve de bonheur ?
J’ai une grande soif de voir et de participer au mariage de mes filles. Ça sera certainement mes plus grands moments de bonheur.
Votre plat préféré ?
Je mange généralement tout. Mais, mon plat préféré reste la banane plantain, (Mizuzu en Kiswahili) et du poisson.
Votre chanson préférée ?
Ma chanson préférée est le morceau Sagamba de Léonce Ngabo. C’est une chanson patriotique et nationaliste. J’aime aussi écouter les chansons africaines en général.
Quelle radio écoutez-vous ?
En principe, j’écoute toutes les radios. Néanmoins, la radio que j’écoute le plus actuellement c’est RFI (Radio France Internationale).
Avez-vous une devise ?
Oui, ma devise est stipulée comme suit : Aimer et éviter de faire du mal aux autres. Comme la Bible le dit bien, nous devons nous aimer les uns, les autres. Nous devons aussi éviter de faire du mal aux autres.
Votre souvenir du 1er juin 1993 ?
Le 1er juin 1993 a été pour moi le jour de grande tristesse, de grande déception. A l’époque, je travaillais à l’imprimerie du parti Uprona et comme tout Uproniste, j’avais aussi participé à la propagande du parti. C’est moi qui concevais et imprimais les papiers de propagande du parti.
Je m’étais donc investi et avais participé activement dans la propagande de mon parti. Son échec ne pouvait que créer en moi, une grande déception. Il m’a fallu du temps pour « guérir » de la déception de 1993.
Votre définition de l’indépendance ?
Selon moi, l’indépendance doit être conçue comme une lourde responsabilité pour le peuple qui y aspire. L’indépendance est beaucoup plus un devoir qu’un droit. Au-delà du droit des peuples de disposer d’eux-mêmes, l’indépendance doit se consolider par des principes chers tels que l’unité et le développement. Sans l’unité du peuple, le pays retombe dans la dépendance. On ne peut pas se réclamer indépendant alors que son peuple n’est ni uni ni développé. L’indépendance est donc pour moi, l’unité et le développement.
Votre définition de la justice ?
La justice pour moi, consiste à donner à quelqu’un ce à quoi il a droit. Elle est une façon de rendre justice aux faibles. Ce sont les faibles qui sont généralement dans des situations d’injustice et le plus souvent à cause des riches. Ainsi, la justice devient une façon de rendre la justice aux faibles dont les droits ont été violés par les riches.
Si vous étiez président de la République, quelles seraient vos deux premières mesures ?
Si je devenais président de la République, ma première mesure consisterait à décréter une amnistie générale pour tous les crimes commis dans le passé. Il s’agirait de remettre le chrono à zéro pour tous les Burundais. L’objectif serait de rassembler tous les Burundais dans leurs diversités ethniques et politiques. Pour moi, les morts sont déjà morts, cette fois-ci, l’important est de tout faire pour que les survivants ne tombent plus dans les mêmes bêtises du passé.
La deuxième mesure serait de restaurer l’autorité de l’Etat afin que les mesures prises par l’autorité de l’Etat soient respectées et appliquées. Il s’agira aussi de permettre à la justice d’être plus indépendante que maintenant.
La troisième mesure consisterait à tout faire pour que le Burundi soit une ville. Une ville, c’est-à-dire que, sur les quatre point du pays, il n’y ait plus question de distance. Afin que quelqu’un qui travaille à Bujumbura puisse rentrer à Muyinga sans problème et celui de Muyinga pouvant travailler à Bujumbura et rentrer à Muyinga sans problème.
Quelles sont vos deux principales réalisations à la Première vice-présidence ?
Ma première réalisation en tant que Premier vice-président de la République a été de ramener l’espoir là où il y avait le désespoir. Je suis arrivé à ce poste au moment où tous les Burundais se regardaient en chiens de faïence. Mais depuis notre arrivée, nous n’avons rien ménagé pour que les Burundais travaillent ensemble et transcendent leurs diversités ethniques. Aujourd’hui, les Hutu et les Tutsi sont unis, il y a une amélioration extraordinaire dans la cohabitation des Hutu et des Tutsi. J’ai donc contribué à bannir l’ethnicisation dans la société burundaise. Je suis satisfait de cette réalisation même si ce n’est pas encore totalement terminé.
Ma deuxième réalisation a été le rajeunissement des cadres du parti Uprona. Aujourd’hui la jeunesse burundaise a de la ferveur au sein du parti Uprona à cause de cette réforme. J’ai aussi favorisé la répartition équitable des postes de responsabilité au profit des jeunes du parti venant de tous les coins du pays.
Ce que vous regrettez d’avoir échoué?
Il y a eu des cas d’injustice notoire que je n’ai pas pu régler et je le regrette. Il y a certainement des exemples, mais je ne voudrais point les étaler ici.
Croyez-vous à la bonté humaine ?
Bien évidement oui. La bonté humaine est notoire dans beaucoup de Burundais.
Pensez-vous à la mort ?
Bien sûr que je pense à la mort. C’est pourquoi je dis que nous devons nous aimer les uns, les autres parce que personne ne connaît le sort qui lui est réservé. Que l’on soit riche, pauvre ou autorité, on devrait être bon du fait que nous ne savons pas le sort de chacun. Raison pour laquelle nous devons préserver la vie des autres.
Si vous comparaissiez devant Dieu, que lui diriez-vous ?
Je lui dirais que tout ce que je devais faire, je l’ai fait.
Propos recueillis par André-Patience Koribirama