Vendredi 22 novembre 2024

Ils sont venus au coin du feu

Au coin du feu avec Faustin Ndikumana

19/08/2018 Commentaires fermés sur Au coin du feu avec Faustin Ndikumana
Au coin du feu avec Faustin Ndikumana

Dans le Burundi traditionnel, le soir, au coin du feu, la famille réunie discutait librement. Tout le monde avait droit à la parole et chacun laissait parler son cœur. C’était l’heure des grandes et des petites histoires. Des vérités subtiles ou crues. L’occasion pour les anciens d’enseigner, l’air de rien, la sagesse ancestrale. Mais au coin du feu, les jeunes s’interrogeaient, contestaient, car tout le monde avait droit à la parole. Désormais, toutes les semaines, Iwacu renoue avec la tradition et transmettra, sans filtre, la parole longue ou lapidaire reçue au coin du feu. Cette semaine, au coin du feu, Faustin Ndikumana.

Votre plus beau souvenir ?

Le jour où en tant que Président du Conseil National de la jeunesse, j’ai pu m’approcher et saluer Nelson Mandela lors de sa visite en 1999 au Burundi.

Votre plus triste souvenir ?

Le jour de la disparition inopinée de ma mère, on avait été ensemble toute la journée.

Quel serait votre plus grand malheur ?

Si le Burundi continuait à s’enfoncer dans les crises politico-socio-économiques qui font le lit de la pauvreté extrême.

Le plus haut fait de l’histoire burundaise ?

Le recouvrement de l’indépendance du Burundi.

La plus belle date de l’histoire burundaise ?

Le 1er Juillet 1962, le jour où mon pays a eu son indépendance.

La plus terrible ?

Le 21 Octobre 1993, la date à laquelle le premier président élu démocratiquement a été assassiné.

Le métier que vous auriez aimé faire ? Pourquoi ?

J’ai la chance de faire ce que j’aime : celui que j’exerce aujourd’hui : être analyste et parler au nom des autres.

Votre passe-temps préféré ?

J’aime faire du sport, la lecture, la méditation. Quelques fois, le partage d’un verre avec les amis intimes.

Votre lieu préféré au Burundi ?

Les bords du Lac Tanganyika avec ses plages.

Le pays où vous aimeriez vivre ? Pourquoi ?

Le Burundi, j’aime trop mon pays pour dire qu’il me serait difficile de le quitter.

Le voyage que vous aimeriez faire ?

Je veux visiter les lieux saints en Israël. Par exemple, j’aimerais visiter le Mont Golgotha.

Votre rêve de bonheur ?

Je rêve de voir un Burundi stable politiquement et émergent économiquement.

Votre plat préféré ?

J’aime manger des légumes frais et poisson.

Votre chanson préférée ?

Le Reggae de Bob Marley et les chansons des anciens orchestres Impala du Rwanda.

Quelle radio écoutez-vous ?

J’écoute toutes les radios qui s’intéressent à l’actualité burundaise.

Avez-vous une devise ?

Oui j’en ai : justice et leadership fort pour servir.

Votre souvenir du 1er juin 1993 ?

C’était une surprise mélangée d’inquiétude : à l’époque j’étais à l’université du Burundi. Surprise d’abord, car je n’imaginais pas une seule seconde que le président Pierre Buyoya pouvait accepter sa défaite.

Aussi, j’étais inquiet, car ni les vaincus, ni les vainqueurs n’étaient prêts à cette alternance. On sautait vraiment dans l’inconnu.

Votre définition de l’indépendance ?

La souveraineté des citoyens, pas des dirigeants. Je m’inscris en faux contre certains dirigeants au monde qui brandissent la carte de souveraineté de leur pays pour asservir leurs peuples ou violer massivement les droits de l’homme. Ensuite, c’est un minimum d’autonomie économique car l’indépendance économique est toujours idéale, elle n’est jamais atteinte.

Votre définition de la démocratie ?

Garantir l’Etat de droit fondé sur les deux principes : personne n’est au-dessus de la loi et la loi protège les droits fondamentaux des citoyens surtout les libertés civiles et politiques. Et puis, la souveraineté populaire à travers l’organisation des élections libres, crédibles et transparentes, la séparation des pouvoirs : exécutif, législatif et judiciaire. L’existence des contre-pouvoirs, le constitutionnalisme et le respect des règles de jeu. Bref, je suis contre la démocratie formaliste et procéduraliste qui se limite à l’organisation des élections elles-mêmes souvent controversées. Mais la démocratie culturaliste centrée sur un changement de comportement dans la gestion du pouvoir avec des valeurs démocratiques.

Votre définition de la justice ?

Pour moi, la justice c’est la protection des droits des citoyens, meilleur arbitrage des différends, une lutte sans merci contre l’impunité dans un contexte de l’Etat de droit.

Si vous étiez ministre de l’Economie, quelles seraient vos deux premières mesures ?

D’abord, j’introduirais la réforme du budget programme et puis, je renforcerais la transparence et la rigueur dans le contrôle de gestion des finances publiques.

Si vous étiez ministre de l’Environnement, quelles seraient vos deux premières mesures ?

Une meilleure gestion des ressources en eaux en général et la protection effective du Lac Tanganyika et sa biodiversité en particulier. La 2ème mesure que je prendrais serait l’aménagement de l’espace qui épargne les terres fertiles agricoles.

Croyez-vous à la bonté naturelle de l’homme ?

L’homme, c’est un être complexe qui renferme d’une manière manichéenne le potentiel du bien et du mal. Alors, selon son éducation, le contexte, sa spiritualité, il peut agir correctement ou être nuisible à la société.

Pensez-vous à la mort ?

J’y pense, d’ailleurs moi, j’aime la mort sur un certain aspect : elle nous rappelle que la vie est très brève et que nous avons le même dénominateur commun ; du petit citoyen de Cankuzo au président par exemple de la première puissance mondiale. Naturellement, personne n’est au-dessus de l’autre, nous sommes tous vulnérables d’une façon ou d’une autre. Ce qui nous différencie, c’est nos capacités de contribuer pour rendre meilleur ou pire (pour certains) le monde tel que nous l’avons trouvé.

D’ailleurs actuellement, je considère que je ne vis plus pour l’intérêt de moi-même c’est- à- dire jouir des plaisirs mais je vis pour l’intérêt des autres (la famille, les amis, les collègues, la nation, l’Afrique, pourquoi pas le monde). Autrement dit, il ne me reste que servir les autres autant que faire se peut ou se pourra. Ce qui est sûr, le temps que je viens de passer sur cette terre est supérieur à celui qui me reste, je ne dois pas perdre une seconde pour servir.

Si vous comparaissez devant Dieu, que lui direz-vous ?

Je demanderai à Dieu de recommencer à punir les hommes directement comme dans le temps, surtout les dictateurs qui asservissent leurs peuples en violant massivement les droits de l’homme et leur infliger une sanction sévère.

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Bio express

Faustin Ndikumana est né en 1970, à Kinyami dans la commune et province de Ngozi. Il est économiste de formation (licence en économie depuis 1997). Dans les années 1990, il fut particulièrement actif dans les organisations des jeunes, il a représenté le comité national des jeunes (1998-1999-2000), il est parmi les initiateurs de la création de l’actuel collectif pour l’association des jeunes (CPAJ). En 2000, il est engagé comme cadre de la Banque à l’Interbank Burundi, rattrapé par sa passion de servir et de parler au nom des autres surtout les opprimés, il quitta le secteur bancaire en 2008 pour se consacrer à la société civile en fondant avec ses amis une ONG locale PARCEM active dans la bonne gouvernance et le développement économique. Il fait régulièrement des analyses pertinentes dans ce secteur.

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