Dans le Burundi traditionnel, le soir, au coin du feu, la famille réunie discutait librement. Tout le monde avait droit à la parole et chacun laissait parler son cœur. C’était l’heure des grandes et des petites histoires. Des vérités subtiles ou crues. L’occasion pour les anciens d’enseigner, l’air de rien, la sagesse ancestrale. Mais au coin du feu, les jeunes s’interrogeaient, contestaient, car tout le monde avait droit à la parole. Désormais, toutes les semaines, Iwacu renoue avec la tradition et transmettra, sans filtre, la parole longue ou lapidaire reçue au coin du feu. Cette semaine, au coin du feu, Dr Christine Mbonyingingo.
Votre qualité principale ?
La conscience que je ne peux être sans l’autre, comme l’autre ne peut être sans moi.
Votre défaut principal ?
Je jette mes perles aux cochons avec récidive. Mes filles confirment.
La qualité que vous préférez chez les autres ?
La joie de vivre. J’aime les personnes qui dégagent la joie de vivre et qui ont conscience de la valeur des autres et les respectent pour ce qu’ils sont, sans calcul.
Le défaut que vous ne supportez pas chez les autres ?
Je ne supporte pas les personnes dont les propos dégagent des ondes négatives.
D’où vous vient votre vocation pour la cause féminine ?
On ne naît pas féministe. On le devient. Mon engagement pour la défense des droits des femmes prend racine à la permanence nationale de l’Union des Femmes Burundaises (UFB) en 1974. J’étais en deuxième candidature à l’Ecole Normale Supérieure (ENS). Je devais faire un exposé sur la condition de la femme au Burundi dans le cadre du cours de civisme. Mon professeur, M. Kidomo Clément, m’a orienté vers l’UFB pour me documenter. J’y ai trouvé Mme Clémence Nahimana que je salue affectueusement. Elle m’a parlé de l’UFB, de la motivation de son action, de ses ambitions pour la femme, de sa contribution à la politique du pays pour que son image soit radieuse dans le concert des nations. Chaque fois qu’elle parlait de la condition de certaines femmes, je voyais des illustrations par milliers dans la commune où j’étais née. En même temps, un esprit de révolte, une sorte de colère grandissaient en moi. Je lui ai demandé si l’UFB pouvait accepter des étudiantes en son sein. Elle m’a dit oui. Sur le coup, j’ai introduit ma demande d’adhésion à l’UFB. Et quand je me suis mariée en 1975, j’ai adhéré également à la section des épouses des officiers et c’était parti pour la vie.
Pensez-vous que l’UFB (Union des femmes Burundaises) a contribué à faire évoluer la condition de la femme burundaise ?
Je ne le pense pas, c’est une évidence. Je peux le certifier. L’UFB a contribué à faire évoluer et changer les relations entre les hommes et les femmes au Burundi. Toutes les personnes de mon âge vous le diront. A titre d’illustration, l’UFB a lutté pour la mixité dans les écoles afin que les filles ne soient plus cantonnées aux écoles ménagères et aux écoles d’institutrices et ainsi pouvoir accéder à l’université et embrasser d’autres carrières. Des lois ont changé, d’autres, élaborées et votées pour plus d’égalité, entre les hommes et les femmes surtout dans le secteur du travail. C’est l’UFB qui a négocié l’ouverture de l’ISCAM aux filles. C’est elle qui a porté le plaidoyer pour toutes les décisions des conférences internationales de Mexico et de Copenhague sur la condition de la femme. C’est elle qui a fait la pépinière des femmes leaders en général et en politique en particulier. Je suis fière d’être membre de l’UFB et de continuer à faciliter son action d’inspiration aux autres associations et groupements citoyens de défense des droits de la personne humaine, particulièrement des femmes.
L’adage rundi : « Niko Zubakwa (la femme doit tout endurer dans le foyer,NDLR) ». Votre commentaire.
Le sens social de cet adage, il faut l’avouer, a une peau très dure et qui traverse gaillardement nos siècles. « Niko zubakwa » hier, aujourd’hui et demain est un signe d’impuissance, un appel aux femmes à la résignation face aux diverses difficultés au sein de leur ménage. C’est aussi une invitation à transcender la réalité douloureuse d’une vie de couple pleine d’inégalités, source de frustration et de regret. Au-delà de ces considérations, « Niko zubakwa » a permis de garder beaucoup de couples en place. Hier, surtout avant l’avènement des écoles, les filles se mariaient très jeunes. Dès l’apparition des menstruations, le signal était donné, la fille était à marier. Cela se passe généralement entre 14 et 15 ans, alors qu’en principe une adolescente de 16, 17 souhaite vivre sa métamorphose et se projeter dans l’avenir. Comme tout le monde, elle a envie d’apprendre des choses de la vie, de profiter au mieux des plaisirs que la vie offre en compagnie de ses copines.
A ce propos, je vous dirais qu’être mariée est différent de se marier. Pour affronter les nombreuses et éprouvantes responsabilités d’une femme mariée, dont la procréation à 17 ans, il fallait du courage, de la persévérance et du soutien.
Concrètement…
Je dirais que « Niko zubakwa » est un piège millénaire tendu aux femmes. En effet, aujourd’hui, on réalise que la soumission aveugle, forgée et forcée, n’est pas l’unique option. De mon temps déjà, je me suis mariée en mai 1975, l’école formelle en classe était déjà arrivée et « Niko zubakwa » avait déjà perdu de sa superbe. J’ai eu le choix du garçon qui me plaisait le plus, qui me rassurait le plus. Mes parents n’ont pas choisi pour moi, mais ils étaient ravis, car mon choix leur convenait parfaitement. Ils connaissaient le garçon, qu’ils avaient eu chez nous pendant deux ans de sa scolarité.
Aujourd’hui, même à la campagne, cet adage ne peut pas être invoqué et faire effet. Cependant, les règles du patriarcat restent toujours tenaces. Face à cette situation, la majorité des femmes qui ont des difficultés dans leurs ménages, car elles refusent la soumission aveugle, restent élégantes, mais contraintes de transcender beaucoup d’aléas pour rester aux côtés de leurs enfants. C’est cela qui intrigue.
La femme burundaise, la trouvez-vous suffisamment représentée dans les instances de prise de décisions nationales ?
Absolument, non. La volonté politique reste encore en deçà des attentes des femmes. Aujourd’hui, aucun argument raisonnable et objectif ne peut justifier les inégalités observées au niveau de la représentativité des hommes et des femmes dans les instances de prise de décision. Quand la volonté politique est sincère, les bonnes décisions sont prises. Le Frodebu a donné le ton. Il a osé. Il a nommé une femme au poste de Premier ministre, en tant que chef du Gouvernement. Si on n’avait pas eu le malheur de l’assassinat du Président Melchior Ndadaye, je reste persuadée que Mme Kinigi Sylvie aurait fait beaucoup d’impact : économiste de renom, qui avait dirigé le secteur des réformes économiques et qui de ce fait facilitait le dialogue entre le gouvernement et les institutions de Bretton Woods, elle avait toute la carrure pour conduire l’action du gouvernement à bon port. Le CNDD/FDD a aussi fait montre d’une audace qui a plu beaucoup aux femmes. Nous avons tous apprécié la nomination d’une femme vice-présidente de la république, une femme présidente de l’Assemblée nationale. Regardez aujourd’hui. Ce pays regorge de femmes aux compétences multiformes. On ne peut pas dire que le Président de la République, n’a pas trouvé des femmes qui peuvent être nommées Vice-Présidentes ou Premières ministres ou Présidentes de l’Assemblée nationale ou du Sénat.
Mais si on regarde les chiffres, les femmes sont représentées ?
L’important, ce ne sont pas les chiffres. Je suis intéressée par l’équité et donc par la parité. Je suis intéressée par les positions utiles, qui donnent aux femmes la possibilité d’influencer les décisions et de changer les choses. Je suis intéressée par la situation si le président de l’Assemblée nationale est un homme, le sénat est dirigé par une femme. Je sais qu’à l’Assemblée nationale 41% des députés sont des femmes, mais je constate que l’Assemblée nationale a 8 commissions et parmi elles, une seule commission a une présidente et 2 ont des vice-présidentes et cela n’est pas équitable. Je constate que la parité n’est pas garantie au niveau du gouvernement et que l’on se complaît au niveau de 30% et ceci n’est pas juste.
Je suis frustrée quand je constate que depuis que la CENI existe, elle ne supporte pas d’être présidée par une femme. Je suis en colère quand j’observe que ce qui a été appelé la structure légère de la CENI, les gardiens des CEPI sont des hommes dans 15 provinces sur 18 et demain on va dire aux femmes qu’elles n’ont pas l’expérience de diriger les CEPI et les CENI. Cela fait un moment que je réfléchis à ces inégalités, je retombe chaque fois à une faible volonté politique de promouvoir les femmes.
Un mari idéal, selon vous ?
Cela dépend de qui cherche un mari et de quel mari la personne cherche. Un mari c’est un amoureux, mais c’est avant tout un ami, ensuite un partenaire sur lequel compter en tout temps et en tout lieu.
Chaque fille cherche un compagnon selon sa personnalité et selon ce qu’elle veut que la vie lui donne par le truchement de ce compagnon pour la vie. Donc un mari idéal pour toutes les femmes n’existe pas. Même Dieu qui incarne la perfection ne fait pas l’unanimité. Dans tous les cas, pour moi, un mari c’est un être humain comme la femme. Pour vivre en harmonie, l’homme comme la femme doivent faire preuve d’un amour entier et fort, d’une compréhension et d’une tolérance des défauts de l’un et de l’autre, d’un soutien mutuel pour s’aider à grandir dans l’amour et dans la vertu, d’une complicité positive dans l’éducation des enfants, d’un respect mutuel.
La dot, est-elle nécessaire ?
A ma connaissance, la dot n’est pas une obligation légale aujourd’hui. D’ailleurs, elle a été déjà supprimée par le président Bagaza. La pratique plaît bien aux Burundais, et beaucoup continuent à en user et en abuser au détriment des jeunes. C’est un autre piège dont il faut se défaire et cela est à la portée des jeunes qui se marient.
De plus en plus de divorces chez les jeunes couples, surtout citadins, pourquoi d’après vous ?
Cette situation mérite une observation minutieuse et un dialogue avec les jeunes couples d’aujourd’hui. Je ne voudrais pas supposer ou deviner les causes de cette situation. C’est un phénomène inquiétant qu’il faut appréhender correctement pour ne pas globaliser. Ma lecture est que cela est un indicateur d’un mal être social, car beaucoup de problèmes ont été exacerbés et les jeunes n’ont pas été préparés à la vie qu’ils mènent aujourd’hui. J’aurai pensé à la pauvreté, mais il y a des couples pauvres, mais heureux ensemble.
Un conseil aux futur(es) marié(e)s dans l’antichambre du mariage…
Je leur dirais tout simplement ceci : quoi qu’il arrive, là sur les grandes avenues, les longs boulevards, les petits sentiers et les profondes vallées de la vie, on est fort à deux. Si vous vous engagez à vivre ensemble, vous vous engagez à vous écouter et à vous soutenir mutuellement pour le meilleur et pour le pire. Le respect mutuel va être un pilier fort de leur union. La domination sert de lit aux frustrations et à la haine. L’amour se construit à deux. Le mariage est aussi consommé à deux devant l’officier de l’Etat civil, car la polygamie est aussi prohibée au Burundi. Si une troisième personne s’invite ou est invitée dans votre vie de couple, cela est le point de départ d’une déchirure qui risque de vous coûter cher. Sinon, trouver une âme sœur pour la vie, c’est une grande bénédiction.
Dans votre vie, avez-vous toujours eu le soutien nécessaire de votre mari, de vos proches ? A aucun moment, il n’y a eu des tensions ?
Je dirais comme les Québécois que j’ai été une « maudite chanceuse » sur ce plan-plan. Oui, mon mari m’a soutenu durant ma vie académique. Il a accepté de garder les petits pour que j’aille parfaire mes études à Londres. Les enfants étaient petits. Pour anecdote, à un moment, nous avions été la risée de nos proches. Notre décision a alimenté les conversations de la ville de Bujumbura. Mon mari a tout fait pour que je vienne en visite quatre mois après mon départ, ce qui m’a permis de refaire le plein d’affection et de repartir aux études le cœur léger. Il a aussi tout fait pour venir me rendre visite aussi là-bas. Mes hôtes m’appelaient « Burundi » et ce prénom m’allait très bien, car j’aime mon pays. Au niveau professionnel, mon mari a été un soutien inestimable, car il ne s’est jamais opposé à mes choix. Il m’encourageait. Certaines de mes camarades membres de l’UFB me confiaient les tâches les plus difficiles de plaidoyer, elles disaient qu’elles étaient sûres que ce sera fait, car mon mari me soutiendrait. Pour mes proches, je n’ai jamais eu de soucis du fait de mes proches parents, car j’étais une référence pour plusieurs. Quant à mes proches collaborateurs, dans le monde du travail, les tensions ont été enregistrées bien entendu. Cependant, elles font partie de la vie de groupes. Celles que j’ai connues m’ont fait grandir.
Un jour une femme présidente de la République ?
Absolument. Rien n’empêche. Il suffirait que les femmes parlent d’une seule voix, décident d’aller crever ensemble le plafond de verre qui les séparent de cette fonction et le tour sera joué.
Beaucoup d’associations qui militent pour les droits de la femme, mais, peu sont implantées à l’intérieur du pays. Un handicap ?
C’est un handicap certes, mais qui sera contourné si les coopératives communautaires sont multipliées, si les associations villageoises d’épargne et de crédit se généralisent sur toutes les collines du pays et si le code électoral est revu pour tracer des avenues claires et nettes pour les femmes afin qu’elles soient à 50%-chefs de collines. Aujourd’hui, elles sont à 8%
Suite aux grossesses non désirées, de jeunes filles abandonnent l’école. Qu’est-ce qui doit être fait ?
Cette situation est une honte pour le Burundi. Encore une fois, c’est un indicateur d’un mal-être social. Pour juguler ce fléau, je vois deux solutions. D’une part, il faut armer les parents pour qu’ils puissent parler de la sexualité et du sexe à leurs enfants ouvertement et casser les tabous autour du sexe. Pour cela, il faut leur donner des livrets portant des informations claires et précises dans du Kirundi aussi clair et précis. Dans un deuxième temps, il faut aider les écoles à assumer leurs responsabilités. Les enfants passent les 4/5 de leur journée à apprendre les différentes sciences aux écoles. Ces lieux doivent être des havres de sécurité pour les filles. Les cours en rapport avec la santé sexuelle et reproductive devraient être dispensés adéquatement sans que la religion de l’enseignant ou l’enseignante pèse dans le cours. Les enseignants qui contribuent aux grossesses des jeunes adolescentes devraient être punis de façon exemplaire. Si cela est fait, on partirait de là pour évaluer et prendre d’autres mesures.
Que faire pour maîtriser la problématique de la natalité au Burundi ?
Le gouvernement recommande trois enfants par femme. Il faut qu’il se donne les moyens de cette politique. 90% de la population burundaise vivent du fruit de leur terre, la population continue à croître alors que la terre ne s’agrandit pas. Aujourd’hui, on assiste à des assassinats en famille à cause de conflits fonciers, estimés à 85% des plaintes déposées dans les cours et tribunaux.
Une première décision s’impose : il faut une base légale pour la santé sexuelle et reproductive. Une deuxième décision, il faut une politique claire de la population. Avec ces références, les interventions diverses seront cadrées pour avoir de l’impact. Il faut aider les leaders locaux à faire le lien entre les problèmes économiques et sociaux et la forte croissance démographique ainsi que les conséquences de cette situation. Il faut encourager les confessions religieuses à contribuer dans la prise de conscience de ce problème. Il faut trouver une stratégie d’encouragement des familles modèles du planning familial.
La femme que vous admirez le plus ?
« Gendarme », c’est une femme chef d’une colline de Bujumbura (Rural) pour son action d’encadrement des jeunes. Son leadership est plein d’inspiration. Elle est respectée et aimée par toute sa communauté et les jeunes lui obéissent au doigt et à l’œil. Ils la craignent, car elle fait un travail de veille comme une pédagogue.
L’homme que vous admirez le plus ?
Mon père qui a bravé les stéréotypes culturels et m’a légué ses biens par un testament.
Votre plus beau souvenir ?
Ma décoration par la République centrafricaine. Je me sentais très honorée. Je m’y attendais le moins et je n’avais jamais vu une cérémonie de décoration d’une personne par un Gouvernement. La haie des militaires m’avait impressionnée. J’ai fait le service militaire, je me rappelle qu’une partie de moi voulait répondre aux saluts des militaires, mais une autre me disait que non. J’étais la Directrice pays de ONUSIDA et pas « Clairon ». C’est le sobriquet que mes camarades m’ont donné durant le service militaire.
Votre plus triste souvenir ?
La longue et douloureuse nuit du décès de mon fils.
Quel serait votre plus grand malheur de votre vivant ?
Perdre un autre enfant
Le métier que vous auriez aimé exercer ?
Etre médecin
Votre souvenir du 1er juin 1993(le jour où le président Ndadaye a été élu) ?
Une double déception. J’ai même écrit ma déception dans le journal Le Renouveau. J’avais sillonné quelques provinces du pays pour expliquer que le multipartisme valait la peine et que notre engagement au parti Uprona était de renforcer la démocratie et laisser parler la voix plurielle de la démocratie. J’étais déçue, car mon parti n’a pas eu l’occasion de faire vivre son engagement. J’étais déçue, car j’avais espéré être élue et faire valoir les demandes des femmes au Parlement. J’étais tellement déçue que j’ai refusé le poste de Secrétaire générale du gouvernement qui me semblait d’ailleurs de petite pointure.
Votre passe-temps préféré ?
Danser et chanter
Votre lieu préféré au Burundi ?
J’aime les chutes de Karera, qui comptent une chute appelée Mwaro en réplique aux chutes de Gasumo de mon enfance. Ces dernières furent un des lieux de tournage du film sur la percée du Christianisme au Burundi dans lequel mon papa a été l’acteur principal.
Le pays où vous aimeriez vivre ?
Si le Burundi n’existait plus et qu’on me disait de choisir une autre destination, ce serait le Brésil.
Le voyage que vous aimeriez faire ?
Un voyage dans un pays qui pourrait m’apprendre comment fabriquer des outils aratoires malins pour remplacer la houe au Burundi
Votre rêve de bonheur ?
On ne rêve pas de bonheur. On travaille pour son propre bonheur, en famille avec ses enfants, ces petits enfants, en visitant les contrées voisines et lointaines ensemble.
Votre plat préféré ?
La banane verte accompagnée de Ndagala frais
Votre chanson préférée ?
Aujourd’hui, c’est le crédo africain
Avez-vous une devise ?
Fidèles à mes principes, je suis.
Croyez-vous à la bonté humaine ?
Oui. Elle se manifeste chaque jour. Elle tisse les liens d’amitié entre des grands et des petits. Elle transforme les gens. Elle est essentielle pour faire vivre la solidarité humaine.
Pensez-vous à la mort ?
La vilaine est tout le temps dans les parages, je n’ai même pas de temps de penser à elle, elle s’invite tout le temps, elle fait partie de nos vies. C’est une certitude. J’y penserai si elle était rare ou si elle me manquait.
Si vous comparaissez devant Dieu, que lui direz-vous ?
S’il était en visite au Burundi et que je le voyais de mon vivant, je lui dirais de vive voix merci d’avoir fait les choses si bien et m’avoir épargné d’être une femme rurale.
Propos recueillis par Hervé Mugisha
Bravo à Dr Christine, un parcours exceptionnel surtout depuis l’époque où ce n’était pas évident. Mais quelques observations tout de même: Éduquée mais pas sage: dénigrement de la femme rurale sans avoir vraiment réussi à améliorer la condition de vie de cette dernière. Carriériste, oui, mais sûrement une qui a été intéressée beaucoup plus par son salaire que par l’amélioration de la situation des vulnérables. Orgueilleuse aussi, toujours croyant que son parti avait raison, ne voulut pas se réjouir de la victoire de la démocratie en 1993 et refus de servir comme Secrétaire Générale du Gouvernement, encore une fois une preuve qu’elle voulait se servir et non pas Servir la Nation.
Merci d’abord au journal Iwacu qui, à travers ce témoignage, me permet de découvrir davantage la sagesse de Dr Christine MBONYINGINGO. Si ma mémoire est encore fidèle, j’ai eu connaissance de Mme Christine depuis l’année 2007 à travers son engagement caritatif au sein de l’Association SOS Indigent Malades en faveur des femmes vivant avec le VIH/SIDA.
La lecture de votre témoignage, Dr Christine, me rappelle votre simplicité et votre humilité qui, je trouve, cachent bien des connaissances et des expériences qui ont forgé la personne que vous êtes. Votre modestie témoigne d’une grande noblesse d’âme.
Une question toutefois: Vous avez mentionné que vous auriez aimé être médecin. Si cela avait été le cas, comment auriez-vous agi différemment pour promouvoir les droits des femmes en tant que médecin ? En espérant que vous n’avez aucun regret concernant vos choix académique et professionnel.
« Ako Kanyuma Niko Kabi » Mme Dr.
Il Me Semble Que Cette Dernière Phrase Résonne Comme Un Dénigrement Des Droits Ou Statut Dont Tu Prétends Défendre. Comme Si Une Femme Rurale N’a Pas Raison D’être.
Dans la recherche de l’émancipation de la femme, il faut qu’elle soit parallèle en même temps aux hommes avec des droits, des lois et des constitutions favorables pour tous sans oublier la sensibilisation en ignorant certaines cultures et mœurs, c’est le développement durable par tous et en tous. Le jour où l’émancipation de la femme sera grande, de l’homme chute ça serai un développement en récurrence. Merci Dr Christine
Merci pour ce temoignage de ta sagesse ta profondeur et ta grâce.
Continuer de partager tes conseils et ton expérience afin d’inspirer des générations futures et contribuer à la croissance des femmes, des couples et des mentalités.
On t’aime beaucoup.
LM, Merci. Votre commentaire a de la force. Grâce à lui, une idée vient de germer dans mon esprit. Quand je vous connaîtrais, au delà de LM, je pourrais partager l’idée avec vous. Gardez cette force d’un langage qui crée et qui sème des idées dans les esprits des gens. JE VOUS AIME AUSSI.
@ Mme Mbonyingigo
Vous dites:
« Je suis fière d’être membre de l’UFB et de continuer à faciliter son action […] »
Je pensais qu’à l’instar des mouvements tels que la JRR/UJRB, les pionniers, l’UTB,…l’UFB était un mouvement intégré au parti UPRONA du temps du parti unique, que partant, elle s’est éclipsée depuis le milieu des années 1990. Je suis surpris d’apprendre que vous êtes toujours membre de cette organisation !
La volonté politique reste encore en deçà des attentes des femmes. Aujourd’hui, aucun argument raisonnable et objectif ne peut justifier les inégalités observées au niveau de la représentativité des hommes et des femmes dans les instances de prise de décision.
Et plus loin, vous poursuivez : « Je suis intéressée par l’équité et donc par la parité. »
Je suis d’accord avec vous sur la quasi-totalité de ce que vous dite mais je déplore que vous fassiez référence à cette prétendue « volonté politique » qui, selon vous reste en deçà des attentes. Alors que vous dites avoir lutté pour l’égalité et l’équité entre les citoyens, vous ne parlez pas des échecs de votre mouvement (i.e. UFB) qui aurait dû parler à l’électorat féminin, majoritaire de surcroît, de refuser la Constitution qui lui privait ses droits d’être citoyenne à part entière.
Enfin, si la parité peut être souhaitable, je pense qu’un système qui donne les mêmes chances ne doit pas forcément reposer sur la parité mais sur les compétences. S’il y a plus de femmes compétentes, il n’y a pas de raison qu’elles ne soient pas majoritaires et inversement. À mon avis, la parité ne devrait être que fortuite.
Cher Arsène, merci d’avoir lu mes propos et m’avoir donné des pistes de réflexion et de partage additionnelles. J’y réfléchis. Cependant, je parlerai de nos échecs en dernier.
Oui, l’UFB EST TOUJOURS LÀ. Le changement majeur qui a suivi les élections de 1993 c’est qu’elle a été enregistrée en 1994, comme une association autonome ayant sa personnalité légale contrairement à l’époque du parti unique.
De votre perspective la parité devrait être fortuite et la participation basée davantage sur les compétences. Oui. vous avez raison.. A un moment, j’y ai cru. Maintenant plus, car cette stratégie ne donne pas de résultats. Aujourd’hui, comme les compétences débordent au masculin comme au féminin, si la volonté politique est sincère, qu’est ce qui empêcherait la parité à votre avis?
@Madame Mbonyingingo
Merci pour votre réaction.
Ce que j’ai voulu dire, c’est qu’à mon avis, il faudrait faut considérer les hommes et les femmes comme des individus humains indifféremment. Certes, la revendication des féministes peut être comprise. Je me rappelle des débats nourris que nous avons eus lors du cours sur les relations de genre que j’ai suivis il y a quelques années. Notre professeur, féministe, plaidait pour une inversion qui ferait qu’il y ait chaque fois plus de femmes que d’hommes dans les instances de décision afin dans un premier temps.
Je comprends que les hommes ne peuvent pas toujours parler au nom des femmes qui doivent pouvoir faire valoir à partir de leur réalité, leurs préoccupations, leurs analyses, leurs intérêts et la société en a besoin. Comme je le disais dans mon commentaire concernant l’électorat, la représentation est similaire sur le plan démographique.
Cependant, on observe souvent que le fait de nommer des femmes aux instances dirigeantes n’est pas fondamentalement plus bénéfique que la nomination d’un homme. Le pourcentage fixé par la Constitution est de 30% de femmes au moins. J’ai posé la question à une femme ministre ce qui empêche qu’on fixe au moins 30% d’hommes. La réponse m’a surpris : pourquoi voulez-vous parler au nom des femmes ? Je suis moi-même femme et je trouve très réjouissant nous ayons la garantie de 30% au minimum. »
Il est certes difficile de sortir des logiques où un monde d’hommes, calibré par eux et pour eux domine la vie politique mais l’on ne doit pas oublier que, particulièrement dans nos pays où la notion de liberté d’opinion reste perfectible, l’expérience montre que les femmes s’inscrivent dans la logique de la domination masculine. Je me réfère au concept de « violence symbolique » développé par P. Bourdieu et à celui de tokenisme (ici je pense aux cas des Mesdames Kinigi et Nzomukunda).
Je n’ai personnellement pas vu de changement significatif après la nomination de femmes ministres ou quelque chose qui ait changé après que des femmes aient été élues parlementaires.
Je vis dans un pays où tant le président que les ministres sont élus. Il arrive que le gouvernement compte plus de femmes que d’hommes. Par ailleurs, comme le président a un mandat d’une année et que chaque ministre finit par avoir son tour, il y a au moins une femme président environ tous les trois ans. Ceci est une autre réalité qui, néanmoins, me laisse croire que l’égalité des chances est plus préférable que la parité.
Pour revenir à votre question, ce qui empêcherait la parité est, sans aucun doute, la domination masculine au travers du système patriarcal tant au Burundi qu’ailleurs. Ce système est universel et date des millénaires mais il a été renforcé par différentes pratiques telles que la division sexuée du travail et les théories qui l’ont justifiée. Un des éléments essentiels qui fait partie des variables sinon explicatives, du moins intervenantes, c’est le discours qui vise à légitimer la séparation entre production et reproduction. Je me réfère ici au discours du président du parlement burundais, G. Ndabirabe, notamment quand il évoque la question d’héritage foncier. Quand on sait que le parlement burundais ne va jamais à l’encontre de la vision de son président, on peut très bien comprendre que la parité ne serait pas la panacée.
‘apprécie énormément les personnes qui défendent mordicus leur conviction. Docteur Christine Mbonyingingo figure sur la liste. J’ai géré un projet en rapport avec le plaidoyer des droits des personnes vivant avec le VIH/SIDA dans les prisons de Ngozi femmes, Rumonge et Gitega sous financement de l’ONUSIDA . Dr Christine était à l’époque Représentante Résidente au Burundi.
A la prison de Rumonge où elle est allée se rendre à l’évidence de la réalité sur terrain, elle a fortement décrié le calvaire que vivent des personnes discriminées et/ ou stigmatisées à cause de leur statut sérologique lié au VIH/SIDA.
J’ai eu personnellement l’occasion d’observer sa compassion et son empathie, et surtout sa combativité en faveur des faibles et vulnérables notamment des femmes incarcérées parfois avec des nourrissons. .
Dr Christine Mbonyingingo a une oreille attentive aux autres et nul doute qu’elle fait du bon usage de l’ICUMU lui transmis par son adorable père en présence de la famille élargie. C’est un grand honneur pour une fille dans notre société. Je lui souhaite plein succès dans tous ses chantiers surtout celui en rapport avec les maladies mentales.
Cher Jean Pierre, merci pour ces bons souvenirs de notre engagement commun pour la protection des personnes vivant avec le VIH incarcérées. Merci pour vos encouragements aussi. La solidarité humaine doit agir en tout temps et en tous lieux. Restons mobilisés au mieux de nos capacités. Bien cordialement.
Les propos de cette femme delivrent des messages multiples, aux hommes, aux femmes, aux jeunes et à ceux qui le sont moins, aux differentes generations qui ont vu le Burundi des annees 70, 80, 90 ou 2000… et celles qui ont le vent en poupe actuellement. Moi qui ai eu la chance de travailler avec elle depuis janvier 2023 sur le profil egalite de genre au Burundi, j’estime que cette interview traversera les ages car elle est une invite â un changement radical de paradigme dans les rapportts homme-femme. Et surement les retombees sur le developpement des menages et du pays ne tarderont pas à se manifester. Mais comme elle le dit, ceci ne se fera que le jour oû le concept de mariage aura la meme signification pour les deux conjoints.
Madame Mbonying7 go,
Merçi beaucoup de votre interview.You are really smart.
Je vous connaissais au Campus à partir des ragots de vos étudiants.
Je faisais les Sciences, mais je vous admire.
Moi aussi , votre dernière phrase me fait rire.
Mais, sérieusement, tu remercierais seulement Dieu.
Tu ne lui dirais rien des calamités qu’illaisse s’abattre sur le Burundi?
I am really disappointed
Ririkumutima de mon pays, je suis désolée de vous décevoir. Mais ne vous en faites pas, si tout ce qui nous arrive est du fait de Dieu, alors, il me reste à penser qu’Il assume la responsabilité de ses actes comme je le fais pour les miens. Attendons qu’il vienne, ensemble, on saura quoi lui dire sur les calamités. Merci d’avoir apprécié mon partage au coin du feu de Iwacu. Cela m’encourage. Merci à Iwacu de m’avoir donné l’opportunité de me connecter aux autres sans lesquels je ne serai guère.
Ave Madame Mbonyingingo! Mon parcours ne m’a malheureusement jamais permis de vous rencontrer bien que je connaisse et apprécie beaucoup votre mari. Je suis fort impressionné par votre cursus et votre personnalité.
Votre derniêre phrase a retenu toute mon attention: Le fait de remercier Dieu de vous avoir épargnée d’être une femme rurale. J’en ai fort ri ce matin! Vous avez entièrement raison. Un consultant originaire de la même région natale que vous me parlait un jour de l’abîme qui sépare le travail physique du travail intellectuel: Ubudasa!
@Muda
« Un consultant originaire de la même région natale que vous me parlait un jour de l’abîme qui sépare le travail physique du travail intellectuel: Ubudasa! »
L’abîme qui sépare le travail physique et le travail intellectuel! Tout dépend! Il existe des travaux physiques qui peuvent être intéressants. Il y a quelques jours j’ai appelé un plombier pour m’installer quelque chose qui lui a pris un jour de travail. Il m’a facturé l’équivalent de mon salaire mensuel, moi qui fais un travail qui n’est pas du tout physique. Je peux t’assurer que je me suis dit que si c’était à refaire, je ferais bien ce genre de boulot car il rapporte plus que le mieux, en acceptant de se salir un peu durant son job.
Merci Muda de votre appréciation. Comme la terre continue de tourner selon les savants, nos routes pourront se croiser un jour. Ma prière qui vous fait rire est dite deux fois par jour. La femme rurale est une championne de la résilience. J’imagine les miracles qu’elle ferait si elle avait accès et contrôle de beaucoup de facteurs de production et je suis étonnée que les chargés du développement ne le voient pas. Merci aussi de porter mon tendre époux dans vos bons souvenirs.