Dans le Burundi traditionnel, le soir, au coin du feu, la famille réunie discutait librement. Tout le monde avait droit à la parole et chacun laissait parler son cœur. C’était l’heure des grandes et des petites histoires. Des vérités subtiles ou crues. L’occasion pour les anciens d’enseigner, l’air de rien, la sagesse ancestrale. Mais au coin du feu, les jeunes s’interrogeaient, contestaient, car tout le monde avait droit à la parole. Désormais, toutes les semaines, Iwacu renoue avec la tradition et transmettra, sans filtre, la parole longue ou lapidaire reçue au coin du feu. Cette semaine, au coin du feu, Dominique Ndayiragije.
Votre qualité principale ?
L’amour du prochain, la générosité et la compassion. Des qualités que je tiens de mon père Paul Mushatsi.
Votre défaut principal ?
Des fois, je fais une confiance aveugle à autrui. Plus d’une fois, cela m’a causé des ennuis.
La qualité que vous préférez chez les autres ?
La bonté, la générosité.
Le défaut que vous ne supportez pas chez les autres ?
L’hypocrisie.
La femme que vous admirez le plus ?
Cette femme intelligente. Plus que tout qui craint l’Eternel.
L’homme que vous admirez le plus ?
Courageux, juste. Qui se soucie des siens.
« Molière ». D’où vient ce surnom ?
C’est un ami congolais qui me l’a donné, nous étions en 8e année au lycée du Saint-Esprit et j’aimais faire rire à l’instar de l’écrivain français. Aussi, j’étais à l’aise sur scène lorsque je jouais une pièce de théâtre ou déclamais un poème.
Votre plus beau souvenir ?
Les deux grandes dates qui ont changé ma vie : le 12 avril 1998. C’était à Pâques, ce jour-là. Pour la toute première fois, je me suis agenouillé devant l’autel et j’ai accepté Jésus comme mon sauveur. Une joie indescriptible m’a traversé. Mon autre grand souvenir est le 7 septembre 2002. La nuit de ma délivrance. Sans le savoir, j’avais fait une alliance avec le démon de l’alcoolisme. Et, ce jour-là, durant mon sommeil, Jésus Christ s’est révélé à moi de manière spectaculaire et miraculeuse. Ma vie a complètement changé. Je suis devenu une nouvelle créature. « L’ivrogne, alcoolique Molière », était désormais derrière moi.
Comment cela s’est passé ?
Vers les années 1982, je présente mon travail de fin d’études universitaires. A cette époque, j’enseigne au lycée normal de Rutovu. Jeune licencié, avec en poche un mémoire reçu avec mention grande Distinction, la terre est sous mes pieds. A cette époque, je dois avouer que j’ai un goût immodéré pour l’alcool. Et un bon dimanche, après une beuverie, je me rappelle que j’ai pris une Primus comme si j’étais en train de prendre une douche. Je me suis lavé au niveau des bras en prononçant ses mots: « Seigneur, fais en sorte que je ne puisse jamais mourir de soif.» Une bourde sans nom. En fait, sans le savoir, j’étais en train de faire un pacte avec le démon de l’alcoolisme. Deux ans après, je décide d’arrêter l’alcool, en vain.
Pour revenir à cette nuit tant mémorable. Je me rappelle que je m’étais disputé avec ma femme. Une fois endormi, dans mes songes, j’ai vu trois fantômes (des êtres sans yeux ni oreilles) gambadant, tentant de m’étrangler. A ce moment, je me suis réveillé en les chassant au nom de Jésus Christ.
Comme un électrochoc, après les avoir chassés, j’ai senti une libération totale. Une paix intérieure m’a envahi.
L’instant même, je me suis agenouillé pour demander pardon à ma femme pour les nombreux torts que je lui ai causés.
Sur le coup, vous avez décidé d’arrêter l’alcool ?
Bizarrement, le goût pour l’alcool a disparu. Je vous jure, depuis cette date, je n’ai plus pris une goutte d’alcool. En passe d’être limogé de mon poste, j’ai repris en main ma vie. J’ai pu de nouveau jouir de la confiance de mes supérieurs hiérarchiques qui m’ont réintégré dans la liste des journalistes de la RTNB accompagnant les hautes autorités dans leurs déplacements officiels à l’étranger.
Votre plus triste souvenir ?
Mes années dans le péché en tant qu’alcoolique. L’autre événement, c’est le décès inopiné de ma mère. Dans des circonstances non encore élucidées.
Quel serait votre plus grand malheur ?
Retomber dans le péché.
Le plus haut fait de l’histoire burundaise ?
La longue lutte pour que le Burundi recouvre son indépendance.
La plus belle date de l’histoire burundaise ?
Le 1er juillet 1962.
La plus terrible ?
Les massacres qui ont suivi l’assassinat de feu président Ndadaye, le 21 octobre 1993.
Le métier que vous auriez aimé faire ?
En 8e année, un professeur de géographie nous dit que les trois maux dont souffre l’Afrique sont la faim, l’ignorance et la maladie. Et depuis, je décide que pour venir à bout de ces problèmes, la seule façon est que je devienne un ingénieur agronome. Hélas, un rêve qui part vite en fumée. Ayant fait les lettres modernes, je n’ai pas pu être orienté dans la faculté des sciences agronomiques.
Votre passe-temps préféré ?
Servir Dieu. En plus d’être choriste, par moment, je prêche la bonne nouvelle dans les hôpitaux, dans les prisons, etc.
Votre lieu préféré au Burundi ?
Chez moi, à la campagne. Le bon air, l’hospitalité des gens. C’est revivifiant.
Le voyage que vous aimeriez faire ?
Israël et sa capitale Jérusalem. Je rêve de fouler mon pied sur la terre qui a vu grandir Jésus Christ, le Roi des Rois.
Votre rêve de bonheur ?
S’asseoir un jour à côté du Père Céleste et de son fils bien-aimé, Jésus au ciel.
Votre plat préféré ?
Un mélange de haricots ou de petit pois avec de la banane, des grains de maïs et avec du haricot. Aussi, j’ajouterai que j’aime par-dessus tout, les fruits.
Votre chanson préférée ?
Les chansons religieuses. Je suis beaucoup attiré par le contenu que la mélodie.
Ancien présentateur de l’émission Itanguriro ry’Ubwenge (une émission religieuse). Quel est le témoignage qui vous a le plus marqué ?
Des toxicomanes repentis, aux prélats en passant l’ancienne Première Dame de la République, Denise Nkurunziza. Ils sont nombreux.
Cependant, je me rappelle qu’un jour j’ai eu comme invité Mgr Ntamwana et Pr Venant Bamboneyeho de l’AC Génocide. Des hommes avec un franc-parler et des convictions bien tranchées .Une fois dans le studio, les collègues ne cessaient de se demander si je vais pouvoir garder le fil conducteur de l’émission. Le thème était sur la réconciliation. Un sacré exercice. Au finish, l’émission s’est bien passée.
Sinon le témoignage de feu Terence Sinunguruza, ancien 1er vice-président de la République, révélant combien il était obsédé par la sorcellerie. Quand bien même vice-président, pour rester puissant, il faisait recours à la sorcellerie. Cet entretien m’a marqué.
Comment analysez-vous l’évolution du métier de journaliste au Burundi ?
Les faits sont têtus. Tellement de fautes professionnelles, peut-être par ignorance. Actuellement, les journalistes ont tendance à oublier qu’ils servent avant tout le peuple. Des améliorations s’imposent.
Croyez-vous à la bonté humaine ?
Absolument. Le problème, c’est que de nos jours, les gens épris de cette vertu se raréfient.
Pensez-vous à la mort ?
Même le Seigneur nous le conseille: « Si vous étiez intelligents, vous penseriez à la mort.»
Si vous comparaissez devant Dieu, que lui direz-vous ?
Pour abonder dans le même sens que Saint Paul, l’apôtre, simplement je lui dirais : « Merci d’avoir envoyé votre seul et bien-aimé fils afin qu’il meure à notre place pour nous sauver de nos péchés.»
Propos recueillis par Hervé Mugisha