Dans le Burundi traditionnel, le soir, au coin du feu, la famille réunie discutait librement. Tout le monde avait droit à la parole et chacun laissait parler son cœur. C’était l’heure des grandes et des petites histoires. Des vérités subtiles ou crues. L’occasion pour les anciens d’enseigner, l’air de rien, la sagesse ancestrale. Mais au coin du feu, les jeunes s’interrogeaient, contestaient, car tout le monde avait droit à la parole. Désormais, toutes les semaines, Iwacu renoue avec la tradition et transmettra, sans filtre, la parole longue ou lapidaire reçue au coin du feu. Cette semaine, au coin du feu, Dieudonné Nahimana.
Votre qualité principale ?
D’après ma famille et mes amis, j’aime être au service des autres, surtout les victimes de l’injustice sociale.
Votre défaut principal ?
Tout le monde me dit que je m’oublie facilement et que je prends beaucoup de risques pour le bien des autres. La bible dit qu’on doit aimer les autres comme soi-même, mais souvent j’ai l’impression d’aimer les autres plus que moi-même.
La qualité que vous préférez chez les autres ?
La justice dans les actions et les paroles des autres, je ne tolère pas des personnes qui pensent qu’elles sont supérieures aux autres et qui les exploitent.
Le défaut que vous ne supportez pas chez les autres ?
L’égoïsme, je ne comprends pas comment une personne peut tout faire pour tout avoir jusqu’à faire souffrir les autres.
La femme que vous admirez le plus?
Mon épouse, c’est mon amie, ma confidente et mon soutien dans tout ce que je fais. Elle m’a toujours soutenu même quand je prenais des décisions difficiles à comprendre.
L’homme que vous admirez le plus ?
Martin Luther King Jr, son charisme, son amour et son engagement à la non-violence, aujourd’hui ses paroles ont toujours de l’impact aux Etats-Unis d’Amérique et il a changé le cours de l’histoire de son pays. Je suis partisan de la non-violence active.
Votre plus beau souvenir ?
Le jour quand un enfant que j’ai recueilli de la rue a gagné la première médaille d’Or dans les Jeux olympiquex à Rio au Brésil et qu’ils ont entonné l’hymne national ’’Burundi Bwacu’’. C’était un sentiment d’exaltation et je me suis dit : mission accomplie, tout est possible à celui qui croit .
Cet événement m’a montré que le Burundi peut monter sur la scène de l’histoire de l’Humanité si seulement, on marchait dans la solidarité et l’amour.
Votre plus triste souvenir ?
Le jour où les élèves de mon établissement, le lycée de Bururi, se sont entretués alors que nous avions tout fait pour éviter que cela se produise. Mais ce jour fatidique est arrivé alors que j’étais parti pour prendre part aux cérémonies de levée de deuil de mon père. La même soirée, des élèves ont été tués. Il m’a été difficile de me pardonner comme si je pouvais arrêter le destin.
Quel serait votre plus grand malheur ?
Ne jamais voir le Burundi pacifique, digne et prospère. J’ai investi plus de 25 ans de ma jeunesse à servir ce beau pays, à éduquer des jeunes et à les outiller pour qu’ils soient bons leaders. Je garde foi qu’un jour le Burundi sera stable et prospère à tous égards.
Le plus haut fait de l’histoire du Burundi ?
Quand le Burundi a recouvré son indépendance. Bien qu’il était encore jeune, le Prince Louis Rwagasore a pu unir les Burundais dans leurs diversités derrière une même cause et face à un adversaire puissant. Ils en sont sortis victorieux et il n’y a pas eu de sang versé. Je rêve de voir les Burundais tous unis derrière un même idéal pour faire face au grand défi de la ’’mentalité de pauvreté’’.
La plus belle date de l’histoire du Burundi ?
Le 1er juillet 1962, c’est le jour où les Burundais ont été fiers de l’être et se sont imposé comme un peuple digne de respect.
La date la plus terrible ?
Le 13 octobre 1961, avec l’assassinat de Rwagasore, c’était la mort d’une vision commune dans l’avenir du Burundi. Après sa mort, les opportunistes ont profité de l’absence d’un leader visionnaire pour réveiller les démons de la politique de diviser pour régner que Rwagasore et son équipe venaient d’enterrer en 1962 .
Le métier que vous auriez aimé faire ?
Pilote. J’aime être aux commandes .. J’aime anticiper, voir avant les autres ce qui peut arriver et prendre de bonnes décisions pour le bien de tous. Je crois que le pilote est très heureux à l’atterissage après un long voyage. Quand les autres dorment, mangent et s’assoient confortablement dans leurs sièges, lui, il est tendu, il lui faut les amener tous à destination. J’aime cela, c’est un engagement, un défi, une grande responsabilité.
Votre passe-temps préféré ?
Nager avec mes enfants, la piscine est un endroit de liberté et de loisir, être avec ma famille dans la piscine nous rapproche. J’aime aussi passer du temps à louer Dieu.
Votre lieu préféré au Burundi ?
Le bord du lac Tanganyika. Regarder au dessus des eaux me permet de voir loin. C’est un de mes moments paisibles. Quelques fois le lac est tranquille et soudain des vagues viennent et s’en vont. J’aime tout cela et c’est beau à voir.
Le pays où vous aimeriez vivre ?
C’est sans nul doute le Burundi, c’est un pays encore vierge où tout est encore possible et où je me sens valorisé.
Le voyage que vous aimeriez faire ?
Visiter l’Australie, je voyage souvent et j’ai déjà visité les quatre continents, j’aimerai visiter le cinquième. Il me semble paisible et pacifique.
Votre rêve du bonheur ?
Voir les Burundais unis , fiers et prospères dans tout ce qu’ils entreprennent. Cela pourra me permettre de me reposer.
Le plat préféré ?
Le mukeke grillé avec des frites de banane, c’est unique et c’est burundais.
Votre chanson préférée ?
J’adore la chanson, ’’Imana niyo buhungiro’’ d’Appolinaire Habonimana, c’est une chanson qui a changé ma façon de voir le monde et de comprendre que c’est Dieu seul qui procure la paix, la joie et la securité.
La radio écoutée ?
Isanganiro, c’est une radio qui a donné depuis longtemps une place à la jeunesse et qui a essayé d’éviter le sensationnel ou l’extrême.
Avez-vous une devise ?
Oui : Vivre pour la gloire de Dieu et le salut du monde.
Votre souvenir du 1er Juin 1993.
J’étais en train de donner des conseils aux jeunes Frodebu de célébrer la victoire de leur parti en dehors de l’internat car il y avait des rumeurs qu’il pouvait y avoir des tueries.
Votre définition de l’indépendance ?
Etre fier de son identité, pouvoir s’auto-prendre en charge et apporter une contribution dans le développement mondial.
Votre définition de la démocratie ?
La démocratie ne se limite pas aux seules élections, le choix des dirigeants mais c’est donner l’occasion à chaque citoyen de contribuer dans le développement communautaire en solidarité avec les personnes avec lesquelles il ne partage pas les mêmes opinions, liens familiaux ou les croyances.
Votre définition de la justice ?
C’est le respect de la vie, des droits et biens d’autrui comme s’ils étaient les tiens.
Si vous deveniez ministre de la Jeunesse et de la Culture, quelles seraient vos premières mesures?
Tout faire pour que le Conseil national de la jeunesse soit une institution soutenue avec une représentation au niveau national et communal. Il serait indépendant par rapport aux partis politiques et je demanderais que ses représentants soient sénateurs.
Il faudrait que le fonds de garanti soit opérationnel et accompagne cela par des formations en entrepreneuriat.
Je me battrais pour que la loi sur les droits d’auteurs soit une réalité afin de protéger les œuvres des artistes burundais.
Je pense enfin que je mettrais sur pied un comité national permanant chargé d’organiser un festival national des chansons et des danses traditionnelles burundaises.
Croyez-vous à la bonté humaine ?
Oui, je crois que Dieu a créé l’homme à son image. Donc si Dieu est bon, l’homme peut l’être.
Pensez-vous à la mort?
Non, elle ne me préoccupe pas, j’ai la foi en Dieu. La mort physique n’est qu’un passage obligé mais pas la fin.
Si vous comparaissez devant Dieu que lui direz-vous?
Merci de m’avoir donné la vie et la vie en abondance en Jésus Christ et pardonne-moi là où je n’ai pas obéi à ta volonté.
Propos recueillis par Abbas Mbazumutima