Vendredi 22 novembre 2024

Culture

Au Coin du feu avec Didace Sunzu

16/01/2021 Commentaires fermés sur Au Coin du feu avec Didace Sunzu
Au Coin du feu avec Didace Sunzu

Dans le Burundi traditionnel, le soir, au coin du feu, la famille réunie discutait librement. Tout le monde avait droit à la parole et chacun laissait parler son cœur. C’était l’heure des grandes et des petites histoires. Des vérités subtiles ou crues. L’occasion pour les anciens d’enseigner, l’air de rien, la sagesse ancestrale. Mais au coin du feu, les jeunes s’interrogeaient, contestaient, car tout le monde avait droit à la parole. Désormais, toutes les semaines, Iwacu renoue avec la tradition et transmettra, sans filtre, la parole longue ou lapidaire reçue au coin du feu. Cette semaine, au coin du feu, Didace Sunzu.

Votre qualité principale ?

Je suis quelqu’un de très assidu au travail et altruiste.

Votre défaut principal ?

L’intolérance envers les intrus dans les affaires d’autrui.

La qualité que vous préférez chez les autres ?

Recevoir des critiques sans développer le complexe.

Le défaut que vous ne supportez pas chez les autres ?

Tenir le crachoir lors d’une discussion comme le seul détenteur de la vérité.

La femme que vous admirez le plus ?

Inamujandi. Elle a pris les armes pour combattre l’injustice et l’exclusion du système administratif de son époque.

L’homme que vous admirez le plus ?

Ndadaye Melchior de par sa vision pour un Etat de droit, juste, équitable et respectueux des droits et libertés fondamentaux de tout un chacun.

En plus d’un demi-siècle de vie sur terre, quel est votre plus grand regret ?

Assister impuissamment à la boucherie humaine liée aux violences cycliques (1965, 1972,1988, 1991, 1993, 1995, 2015). Personnellement, je pense que ce sont ces dernières qui ont privé le pays des ressources humaines nécessaires pour se développer.

Votre plus beau souvenir ?

Le jour où le trio du ministère de l’Education nationale (Semabaya Louis- Ndaye Ladislas – Ntemako Pascal) a tranché sur ma requête et m’a rétabli dans mes droits en me restituant mon certificat de réussite au concours national (avec 68.5%). C’était au mois de novembre 1976. A ce qu’on m’a raconté, il avait été volé pour être attribué à un autre élève de ma classe. Le destin fait qu’il était le dernier en ma classe de 6ème avec 39.5%). Avec cette note, j’ai été orienté au CND « Collège Notre-Dame de Gitega ». A l’époque, une école de grande renommée. Pour autant, je pense que je compte parmi les rescapés du système d’enseignement inique.

Votre plus triste souvenir ?

La disparition de Lieutenant Général Adolphe Nshimirimana. Digne fils du pays, plein d’un sens élevé de patriotisme, de témérité et d’humanisme hors du commun.

Quel est votre plus grand malheur ?

Avoir mis mes services loyaux pendant 6 ans successifs au bénéfice d’une institution dont le Chef était l’ennemi juré de l’épanouissement de ses cadres éclairés. Par moment, il les considérait comme ses propres valets. Dégradé de mes fonctions à cause de mon affirmation personnelle, je suis tombé dans une précarité éhontée en prestant durant 3 ans et 8 mois sans toucher un rond et en me rendant inutile pour ma famille et moi-même. Ce fut un calvaire !

Le plus haut fait de l’histoire burundaise ?

La proclamation de l’indépendance du Burundi.

La plus belle date de l’histoire burundaise ?

Le 20 août 2000, la signature de l’Accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation au Burundi ayant mis fin à l’état de belligérance entre l’armée nationale et les Partis & Mouvements politiques armés (PMPA). Un ouf de soulagement. Parce que le bilan en perte de vies humaines, la destruction des infrastructures de production socio-économique était horrible.

La plus terrible ?

Le 21 octobre 1993, jour de l’assassinat du premier président démocratiquement élu, Ndadaye Melchior. La conséquence fut une folie meurtrière qui a mis le pays à sang et à feu.

Le métier que vous auriez aimé exercer ?

Aucun, car à la fin des humanités, j’ai choisi l’Ecole de Journalisme trois fois pour mon orientation à l’enseignement supérieur.

Votre passe-temps préféré ?

La radio et la télévision.

Votre lieu préféré au Burundi ?

Le littoral du lac Tanganyika pour contempler ce patrimoine qui regorge une biodiversité légendaire.

Le pays où vous aimeriez vivre ?

Le Canada. J’y ai toujours rêvé de parfaire mes études en communication.

Le voyage que vous aimeriez faire ?

Ile Maurice

Votre rêve de bonheur ?

Parfaire mes connaissances de Journalisme et de communication en doctorat.

Votre plat préféré ?

Le haricot jaune et la banane fruit.

Votre chanson préférée ?

Burundi bwacu

Quelle radio écoutez-vous ?

Rema et Isanganiro pour des besoins de coaching média.

Avez-vous une devise ?

« Pas de pire échec que de n’avoir jamais essayé »

Votre souvenir du 1er juin 1993 (le jour où le président Ndadaye a été élu) ?

J’étais aux études de journalisme à Kinshasa (RDC). A travers les médias, j’ai vécu une ambiance du triomphe de l’Etat de droit par la voie des urnes. Malheureusement, une certaine opinion le taxait de la dictature de la majorité ethnique.

Avec le temps, comment analysez-vous l’évolution du métier de journaliste au Burundi ?

Sous le parti unique, les journalistes et les médias publics étaient de véritables chantres des (fausses) prouesses du pouvoir. Ils étaient une courroie de transmission entre les gouvernants et les gouvernés. Avec le retour au multipartisme (constitution de 1992), il y a eu le pluralisme médiatique. Avec la crise politique liée à l’assassinat du président Ndadaye, beaucoup de journaux animés par des activistes politiques n’ont pas tardé à sombrer dans ce que Reporters Sans Frontières a qualifié de « médias du venin de la haine ». La naissance des radios privées, dont CCIB-FM+ (1995), Umwizero (1996), Nderagakura (2000), RPA (2001), Isanganiro (2002) et Renaissance (2004), a inauguré une nouvelle ère du journalisme axé sur l’éditorial, commentaire, analyse et investigation. L’information est devenue un aliment d’esprit pour les citoyens. Cependant, il n’a pas été aussi facile de continuer à faire bon ménage avec les pouvoirs publics à cause du ton critique et de certaines informations jugées dérangeantes, à tort ou à raison..

Ancien journaliste de la RTNB, trouvez-vous l’institution encore à la hauteur des attentes de la population ?

Oui, à mon humble avis. La RTNB continue à accomplir ses quatre missions principales, à savoir : informer, former, éduquer et divertir la population, tout en accompagnant l’action du gouvernement. Néanmoins, la qualité des journaux et des émissions s’est effondrée. Les fautes de français, la mauvaise structure des papiers, la diction et l’articulation disconvenues sont légion. Cela est peut-être dû à plusieurs facteurs : niveau intellectuel plus bas dans les écoles/universités, dépeuplement d’anciens journalistes professionnels, absence d‘Ecole de journalisme, recrutement biaisé sur base des critères subjectifs, etc.

Que faire pour redorer son blason ?

La RTNB doit faire preuve de rigueur dans le recrutement et le monitoring de la qualité des produits diffusés.

Une éventuelle suppression de l’institution de l’Ombudsman serait envisagée. En tant qu’ancien porte-parole de l’institution, une telle mesure serait opportune ?

Je suis mal placé pour juger l’opportunité ou non de l’augmentation et de la suppression des composantes de la superstructure de l’Etat. Il appartient à l’Exécutif d’en juger la nécessité et de prendre l’initiative d’une loi à soumettre au Parlement à cet effet. Ce qui revient à amender certaines dispositions de la Constitution inhérentes. Donc, je pense que supprimer une institution prévue par la Constitution n’est pas une mince affaire. C’est tout une démarche parfois même compliquée.

Votre conseil à l’endroit des porte-paroles qui retiennent l’information ?

La rétention des informations par les porte-paroles des institutions publiques ne cadre pas avec le sacro-saint principe de redevabilité : bien faire et le faire savoir. Ils sont au service du peuple à qui ils doivent rendre compte de ce qu’ils font avec leur argent perçu par l’Etat sous forme de taxes, des impôts et des redevances divers. Pour la société, les médias sont à la fois un miroir et un guide. C’est pourquoi le droit d’accès à la source d’information, le droit à la liberté de presse et d’opinion ouvrent la route à la jouissance des autres droits pour l’épanouissement intégral de tout homme.

Si vous deveniez ministre de la Communication et des Medias, quelles seraient vos mesures urgentes ?

-Sensibiliser les autres ministres à rendre fluides les canaux d’information, car l’information est à l’esprit ce que le pain est au corps humain. Le besoin d’informer et d’être informé devrait être un souci permanent.

Votre définition de l’indépendance ?

Vivre en liberté dans les limites de la loi et accéder aux ressources nécessaires pour jouir d’un niveau de vie convenable.

Votre définition de la démocratie ?

C’est un système de gouvernement dont le pouvoir émane de la volonté du peuple qui, au cours de la tenue régulière des élections, désigne ses représentants et dirigeants. Ce gouvernement est caractérisé aussi par le respect des droits et libertés fondamentaux de l’homme proclamés à travers les instruments juridiques internationaux, la liberté d’association, la liberté de presse et d’opinion ainsi que la séparation des pouvoirs : exécutif, législatif et judiciaire.

Votre définition de la justice ?

Ne pas s’inquiéter pour ses origines, sa couleur ou son statut social pour jouir de l’égalité et de l’équité devant la loi.

Croyez-vous à la bonté humaine ?

Oui la bonté humaine existe sinon la vie ici-bas sur terre serait un véritable enfer.

Pensez-vous à la mort ?

Non. Je ne me soucie jamais de la mort qui côtoie la vie. Or, la vie n’est pas un problème à résoudre, mais un mystère à vivre. Au jour « J » mystérieux, la mort va m’arracher cette vie. Donc, il faut vivre comme si on mourra demain, mais travailler comme on ne mourra jamais.

Si vous comparaissez devant Dieu, que lui direz-vous ?

Merci mon Seigneur de m’avoir créé noir, en bonne santé pour une bonne période de ma vie. Plus que tout de m’avoir béni avec une progéniture de cinq enfants et une traversée des chemins tumultueux jusqu’à une élévation sociale inattendue.
Propos recueillis par Hervé Mugisha

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Bio-express

Né en 1961 en commune Nyarusange, province de Gitega, Didace Sunzu est actuellement chargé de communication à la CNIDH, Coach média et Professeur à temps partiel des cours de Journalisme et Communication dans certaines Universités du Burundi. Il est aussi formateur du Centre d’Excellence Régional pour le désarmement érigé au Burundi depuis 2014 et Consultant en communication. Par le passé, il a exercé des fonctions de Député à l’Assemblée Nationale (2001-2005), Directeur de Presse et Information à la Documentation nationale/ Présidence de la République (1997-2000), Secrétaire général-adjoint chargé de relations publiques à l’Association des Commerçants du Burundi « ACOBU » (2005-2008), Porte-parole de l’Ombudsman (2011-2017) et Journaliste-reporter et présentateur des informations à la RTNB. Titulaire des diplômes de Niveau II en Journalisme, Licence en Sciences et techniques de l’information, Master en Journalisme et du DESS en Droits de l’homme et résolution pacifique des conflits, actuellement, M. Sunzu est doctorant à l’Université du Burundi pour parfaire ses connaissances dans le domaine des « Médias pour la paix et sensibles au conflit ».

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