Dans le Burundi traditionnel, le soir, au coin du feu, la famille réunie discutait librement. Tout le monde avait droit à la parole et chacun laissait parler son cœur. C’était l’heure des grandes et des petites histoires. Des vérités subtiles ou crues. L’occasion pour les anciens d’enseigner, l’air de rien, la sagesse ancestrale. Mais au coin du feu, les jeunes s’interrogeaient, contestaient, car tout le monde avait droit à la parole. Désormais, toutes les semaines, Iwacu renoue avec la tradition et transmettra, sans filtre, la parole longue ou lapidaire reçue au coin du feu. Cette semaine, au coin du feu, Déogratias Nsavyimana alias Gandhi.
Votre qualité principale ?
La franchise
Votre défaut principal ?
La lenteur avant la prise d’une décision importante
La qualité que vous préférez chez les autres ?
La modestie car « Uwutazi ubwenge ashima ubwiwe » (L’ignorant se complaît dans sa suffisance)
Le défaut que vous ne supportez pas chez les autres ?
L’hypocrisie
La femme que vous admirez le plus ?
La mienne
L’homme que vous admirez le plus ?
Nelson Mandela. Il fut un homme d’exception qui gouverna son pays sans manifester la haine et il écarta la vengeance envers ses ennemis de la veille.
Votre plus beau souvenir ?
Le jour où j’ai appris que j’appartenais aux quatre jeunes adolescents admis en 7è au Petit séminaire de Kanyosha, en 1965.
Votre plus triste souvenir ?
La mort de ma mère. Même morte à 83 ans, j’ai réalisé après coup que le lien direct qui m’attachait à mes ancêtres venait d’être rompu.
Quel serait votre plus grand malheur ?
La perte de mes facultés intellectuelles
Le plus haut fait de l’histoire burundaise ?
L’annexion de la moitié du territoire actuel burundais par Ntare Rugamba entre 1810 et 1830.
La plus belle date de l’histoire burundaise ?
Le 18 septembre 1961, qui marque la victoire du prince Louis Rwagasore acquise dans l’unité nationale. Il incarnait à fond les aspirations du peuple burundais de l’époque dont l’identité ethnique n’avait pas encore pris le dessus sur l’identité nationale.
La plus terrible ?
1972 est la date de la fracture de l’Unité nationale non encore parfaitement réparée jusqu’aujourd’hui.
Le métier que vous auriez aimé faire ?
Le métier que j’exerce actuellement, celui d’enseignant.
Votre passe-temps préféré ?
La lecture
Votre lieu préféré au Burundi ?
Banga mais toutes les régions de mon pays ont une beauté paradisiaque.
Le pays où vous aimeriez vivre ?
Le Burundi, mon pays natal habité par un peuple attachant.
Le pays où vous aimeriez vous rendre ?
L’Australie car pour moi, c’est le bout du monde.
Votre rêve de bonheur ?
La réussite de mes enfants et une bonne santé.
Votre plat préféré ?
Le petit pois accompagné de la banane + les légumes (ilengalenga)
Votre chanson préférée ?
Alleluia de Hendel, elle me transporte vers le divin.
Quelle radio écoutez-vous ?
RFI
Avez-vous une devise ?
Servir, contribuer à former une élite burundaise.
Votre souvenir du 1er juin 1993 ?
Le désarroi. J’ai pressenti un malheur indicible qui allait s’abattre sur mon pays.
Votre définition de l’indépendance ?
C’est un état ou un statut dont jouit un pays ou un individu qui s’efforce à être maître de son destin. Pour un pays comme pour un individu, l’indépendance est une notion relative. Dans les faits, il est plus approprié de parler d’interdépendance.
Votre définition de la démocratie ?
C’est un régime politique caractérisé par 5 éléments : L’égalité devant la loi ; l’indépendance de la magistrature ; la liberté non seulement d’expression, mais aussi d’accomplir dans son pays tout ce qui n’est pas interdit pas la morale et la loi ; la méritocratie et la compétence ; le choix des dirigeants par des citoyens et par citoyen, j’entends un compatriote qui sait opiner sur les affaires de la cité.
Votre définition de la justice ?
Je conçois la justice comme le contraire de la « grâce » qui est un don de Dieu. C’est un droit. Elle est comme l’air, c’est un véritable besoin naturel que l’on éprouve profondément quand on vient d’en être privé.
Si vous étiez ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, quelles seraient vos deux premières mesures ?
Je ferais tout pour convaincre les autorités que le meilleur investissement pour un pays est l’éducation de sa jeunesse, ainsi je ne trouverais aucun inconvénient à consacrer la moitié du budget national à l’enseignement. Je démissionnerais le lendemain si le gouvernement ne supprime pas les taxes pour l’importation des livres et des journaux de qualité. Je crois savoir qu’il n’y a pas trois pays au monde qui n’ont ni bibliothèque nationale, ni librairie digne de ce nom ni même un journal quotidien même dans la capitale. En fait la lecture est la nourriture de l’esprit et aucun pays ne s’est développé sans posséder une classe moyenne qui lit.
Si vous étiez ministre des Relations extérieures, quelles seraient vos deux premières mesures ?
Je ne ménagerais aucun effort pour redynamiser les relations de mon pays avec la CEPGL et l’EAC, car envisager l’autarcie et l’autosuffisance du Burundi en tout est une sottise ! Ce n’est d’ailleurs pas possible. Je ferais aussi en sorte que mon pays ait un grand ‘‘umuhetsi’’, un parrain avec lequel les relations seraient cordiales.
Croyez-vous à la bonté humaine ?
Oui j’y crois. Cependant, les hommes foncièrement bons sont une perle rare mais ils existent.
Pensez-vous à la mort ?
Non, je n’y pense pas. Pour moi, mourir signifie changer d’état. Je plains ceux qui ne croient pas qu’ils iront au Paradis. Je leur souhaite qu’ils fassent le pari de Blaise Pascal.
Si vous comparaissez devant Dieu, que lui diriez-vous ?
Je lui dirais merci pour tous les bienfaits dont il m’a gratifiés. Ma mère m’a dit que j’ai faiblement toussé, alors que tout était prêt pour me mettre en terre quand j’avais 18 mois. En plus, j’aurais dû gagner l’autre monde fin décembre 1979, suite à un accident dû à l’excès de vitesse. Et jusqu’à ce jour, le Bon Dieu me donne 2 repas par jour, c’est un privilège…
Propos recueillis par Egide Nikiza