Dimanche 22 décembre 2024

Culture

Au Coin du Feu avec coach Belyse Ininahazwe

02/09/2023 2
Au Coin du Feu avec coach Belyse Ininahazwe

Dans le Burundi traditionnel, le soir, au coin du feu, la famille réunie discutait librement. Tout le monde avait droit à la parole et chacun laissait parler son cœur. C’était l’heure des grandes et des petites histoires. Des vérités subtiles ou crues. L’occasion pour les anciens d’enseigner, l’air de rien, la sagesse ancestrale. Mais au coin du feu, les jeunes s’interrogeaient, contestaient, car tout le monde avait droit à la parole. Désormais, toutes les semaines, Iwacu renoue avec la tradition et transmettra, sans filtre, la parole longue ou lapidaire reçue au coin du feu. Cette semaine, au coin du feu, coach Belyse Ininahazwe.

Votre qualité principale ?

Je suis positive. Sur le banc de l’école, cela m’a valu des points en classe, plus d’une fois. Aussi, j’aime les gens qui dégagent de l’énergie positive, qui motivent les autres.

Votre défaut principal ?

Je fais facilement confiance.

La qualité que vous préférez chez les autres ?

L’humilité

Le défaut que vous ne supportez pas chez les autres ?

L’ostentation

Qu’avez-vous ressenti lorsqu’on vous a annoncé que vous êtes nommée coach d’Inter Star ?

Une surprise totale. Pour ainsi dire j’ai été prise de court. Hormis quelques discussions avec le staff du club pour comprendre ma vision du jeu, je n’ai jamais été convoquée pour un entretien formel.

Comment êtes-vous devenue coach de football ?

Lorsque je raccroche les crampons en 2016 (Belyse est une ancienne joueuse de la Colombe FC 2002-2016, ndlr), j’ai commencé à donner un coup de main aux entraîneurs des clubs des division inférieures, exemple du club Les Faucons du Lac. Chaque fois que je voyais des enfants en train de jouer, je voulais me sentir utile, mettre mes compétences au service des autres. S’il y a un match au stade, j’étais la 1ère à venir assister. C’est ainsi que j’ai pris goût au métier d’entraîneur jusqu’à ce que je soumette ma demande à la FFB pour suivre les cours de la FIFA me préparant à ce métier.

Seule femme, qui entraîne un club masculin de la Primus Ligue (1ère division masculine de football), quel est effet cela vous fait ?

Avant tout, je dois dire que c’est une fierté pour toutes les Burundaises. Une preuve qu’à force de travail, une femme peut exercer n’importe quel type de métier. Par rapport à mon champ d’expertise, je dois avouer que les attentes sont immenses. Aucune marge d’erreur ne m’est permise. Ceci pour dire que je dois faire feu de tout bois pour réussir. Car si jamais j’échoue, ce n’est pas seulement Belyse qui aura échoué mais toutes mes consœurs et sœurs.

Comment se sont passés vos débuts en tant que coach principale ?

Jusqu’à maintenant aucun souci. Les joueurs sont professionnels. Avant tout, c’est le respect qui doit prévaloir.  Être un bel exemple. Aucun retard n’est toléré sans motif valable, idem pour les invectives.  Bien sûr, les taquineries sont là. Sinon, lorsqu’un joueur désire me faire part de quelque chose, il sait comment il doit le faire.

La proximité entre le coach et les joueurs est une clé pour gagner les matches. Vos joueurs sont-ils ouverts à vous ?

A ma grande surprise, je dirais que cela s’est bien passé. Je ne sais pas si cela est lié à mon vécu en tant qu’ancienne joueuse ou mon rôle de mère. Le courant passe bien. Bien sûr, pourvu que cela soit fait avec politesse.

Cette saison, quels sont vos objectifs ?

Avant toute chose, redorer l’image du club, réinculquer aux joueurs cette culture de la gagne. Au minimum, terminer dans les 8 premières équipes de la Primus ligue. Après, on verra.

Inter Star est un club avec un très grand palmarès. Les fans n’ont-ils été réticents à votre nomination ?

Des réticences, non ! Quelques doutes, si ! Mais étant un enfant du club, même les plus sceptiques m’ont laissé le bénéfice du doute. La dernière coupe remportée par le club remonte en 2007. Je sais combien grandes sont les attentes des fans. C’est cela qui me motive davantage, me pousse à me lever chaque matin, afin que le club retrouve ses lettres de noblesse. Je suis une femme de défis. Ce qui est important, c’est d’être à leur écoute, éviter de se replier sur soi-même.

Concilier la vie de mère et métier d’entraîneuse, chose facile ?

On s’adapte. Sous le toit familial, j’habite avec ma mère et mon fils. Ils ont mon horaire. Lorsque je suis en déplacement pour les rencontres en province, ils sont au courant et planifient en connaissance de cause.

Sentez-vous le poids des clichés sexistes lors des matches ?

Et comment ! C’est la marque de fabrique des Burundais. Dans le milieu footballistique, il est inconcevable qu’une équipe entraînée par une femme puisse battre celle entraînée par un homme. Plus affligeant, ce sont les stéréotypes. Chaque fois que l’on me voit causer avec certains de mes confrères, ce ne sont que des ragots. Particulièrement pour les femmes, elles ne peuvent pas comprendre qu’un homme et une femme puissent converser dans un cadre purement professionnel.

Ancienne joueuse, actuellement coach au sein de la Primus Ligue, quelle est la différence ?

Un fossé abyssal du point de vue du traitement. Jamais tu n’entendras une joueuse qui perçoit un salaire décent à la fin du mois. Certes, on peut lui donner les frais de recrutement dépassant rarement un million de BIF, les frais de déplacement ou le minerval. Contrairement aux garçons dont la plupart peuvent vivre de leur métier. A l’instar des garçons, les filles doivent avoir des contrats dûment signés. Rares sont celles qui peuvent se targuer de vivre de leur métier.  C’est pourquoi depuis des jours, vous voyez beaucoup de joueuses partir jouer en Tanzanie, etc.

La femme que vous admirez le plus ?

Cette femme paysanne qui subvient aux besoins de sa famille à partir de rien. Sportivement, Sarina Wiegman, la coach de la sélection d’Angleterre est un modèle.

L’homme que vous admirez le plus ?

Cet homme épris des valeurs familiales. Ne se contentant pas seulement de subvenir à leurs besoins mais aussi est proche de sa femme pour l’éducation des femmes. Sportivement, Pep Guardiola est un modèle.

Voyez-vous un jour l’équipe nationale masculine Intamba être entraînée par une femme ?

S’il y en a qui sont à la hauteur, pourquoi pas ?

Un conseil pour les jeunes sportives ?

Après le terrain, les rings, les pistes d’athlétisme, il y a une vie. Attelez-vous à vos études.

Votre plus beau souvenir ?

La participation de la sélection nationale féminine de football en 2022 à la Coupe d’Afrique des Nations.

Votre plus triste souvenir ?

Le décès de mon père quand j’avais 3 ans. Je garde de vagues souvenirs de lui. Je reste convaincue qu’il aurait été un bon modèle pour moi.

Quel autre métier auriez-vous aimé exercer ?

Médecin.  Ayant une mère comptable au sein d’un hôpital, j’avoue que plus d’une fois j’ai été quelque peu tentée. J’ai failli aussi être militaire.  En 2013, après ma licence, je me suis faite inscrire à l’Iscam avant que je ne me rétracte.

Votre passe-temps préféré ?

Lecture, travaux ménagers, regarder un film

Votre lieu préféré au Burundi ?

Partout où je peux trouver un terrain de football

Un voyage particulier que vous aimeriez faire ?

Assister à un Mondial et visiter la Jamaïque. C’est un lieu exotique de par sa nature, la culture rasta.

Votre rêve de bonheur ?

Une vie décente et remporter un titre en division A masculine.

Votre plat préféré ?

De la banane cuite avec de la viande. Sinon, j’aime plus que tout le lait.

Croyez-vous à la bonté humaine ?

Absolument.  On la voit partout, elle est partout.

Si vous comparaissez devant Dieu, que lui diriez-vous ?

Pourquoi les gens sont si méchants ?  Fais qu’ils changent.

Propos recueillis par Hervé Mugisha

Forum des lecteurs d'Iwacu

2 réactions
  1. Ndayikengurukiye Édouard

    je souhaite d’aller travailler au Canada

  2. Kanda

    J’admire son audace et courage et je lui souhaite plein succès ! Bon vent à toi à la Coach ! Mais aussi je lui donne ce conseil : lutter contre votre défaut, cesse de faire confiance aux autres. Ce défaut, même s’il a apporté une bénédiction qui est là depuis 18 ans, 2023 – [1988 + 18 + 1 + ?]. Même elle avait peut-être confiance, à ? c’était vraiment méchant.

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Bio-express

Ancienne footballeuse au sein du club La Colombe FC, Belyse Ininahazwe est née en 1988. Détentrice d’une licence B de la FIFA, elle est également licenciée en Communication, option Mass Media, à l’Université Espoir d’Afrique. Comme haut fait d’armes, elle était coach adjointe lorsque la sélection nationale féminine s’est qualifiée pour toute sa 1ère CAN, au Maroc. Actuellement, elle est coach principale du club Inter Star. Seule fille dans une famille de trois garçons. Elle est maman d’un garçon de 18 ans.

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  1. Ndayikengurukiye Édouard

    je souhaite d’aller travailler au Canada

  2. Kanda

    J’admire son audace et courage et je lui souhaite plein succès ! Bon vent à toi à la Coach ! Mais aussi je lui donne ce conseil : lutter contre votre défaut, cesse de faire confiance aux autres. Ce défaut, même s’il a apporté une bénédiction qui est là depuis 18 ans, 2023 – [1988 + 18 + 1 + ?]. Même elle avait peut-être confiance, à ? c’était vraiment méchant.

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