Dans le Burundi traditionnel, le soir, au coin du feu, la famille réunie discutait librement. Tout le monde avait droit à la parole et chacun laissait parler son cœur. C’était l’heure des grandes et des petites histoires. Des vérités subtiles ou crues. L’occasion pour les anciens d’enseigner, l’air de rien, la sagesse ancestrale. Mais au coin du feu, les jeunes s’interrogeaient, contestaient, car tout le monde avait droit à la parole. Désormais, toutes les semaines, Iwacu renoue avec la tradition et transmettra, sans filtre, la parole longue ou lapidaire reçue au coin du feu. Cette semaine, au coin du feu, Clovis Mwizero.
Votre qualité principale ?
La courtoisie. Rien n’est plus beau qu’un mélange d’élégance, de générosité et de politesse.
Votre défaut principal ?
Le perfectionnisme : j’aime l’excellence. Je ne suis jamais satisfait par mes réalisations et des fois cela attarde mes livraisons.
Qualité que vous préférez chez les autres ?
L’écoute et la compréhension.
Le défaut vous ne supportez pas chez les autres ?
L’arrogance
La femme que vous admirez le plus ?
Une femme pleine de sagesse et laborieuse
L’homme que vous admirez le plus ?
Un papa poule. Ceci dit, un père qui couvre sa progéniture, protège ses enfants, les rassure et connaît tout sur eux. Bref, un papa qui est en complicité avec ses enfants.
Votre plus beau souvenir ?
La vie de famille au lycée du Saint-Esprit. C’était une vie de solidarité, d’amour, de compassion, de créativité, d’insolites et d’aventures.
Votre plus triste souvenir ?
La vie dure en exil en 1993. C’était au mois d’octobre-novembre à Kigoma en Tanzanie. Par crainte des lendemains difficiles, mes parents ont choisi de nous envoyer en exil avec notre oncle maternel. Nous y avons vécu une vie très dure, sans ressources financières et sans liberté. C’était un vrai calvaire de vivre sans les nouvelles de la famille, de voir mes frères souffrir dans un camp de réfugiés.
Quel sera votre plus grand malheur ?
Quitter ce monde sans au moins mener dix jeunes vers la liberté financière.
Que faites-vous aujourd’hui pour y arriver ?
D’abord, pendant les deux mois de grandes vacances scolaires, je reçois au moins dix jeunes dans mon atelier. Je leur apprends des notions théoriques et pratiques dans le travail du bois. Et là, je profite de l’occasion pour leur inculquer quelques valeurs de la vie, de l’entrepreneuriat pour qu’ils ne continuent pas à se faire d’illusions que le diplôme suffit.
J’ai déjà formé et encadré deux jeunes. Aujourd’hui, ils ont déjà lancé leurs affaires et fondé leurs foyers. Actuellement, je suis en train d’encadrer deux autres jeunes qui ont interrompu leurs études, sans espoir d’y retourner. Ils travaillent avec moi dans mon atelier. Je profite de ce moment de travail pour échanger avec eux sur la gestion financière, l’entrepreneuriat et comment construire un avenir libre et indépendant financièrement. C’est mon devoir en tant que citoyen burundais d’apprendre aux jeunes comment gagner honnêtement leur vie, développer leur talent.
Le plus haut fait de l’histoire burundaise ?
La signature de l’accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation au Burundi du 28 Août 2000.
Pourquoi est-ce important pour vous ?
A cette date, les Burundais ont compris que chaque citoyen a des droits et des devoirs chez soi. La fatigue et la souffrance ont donné place au repos et à la joie.
La plus belle date de l’histoire burundaise ?
16 novembre 2003 date de la signature de l’accord global de cessez- le- feu.
La plus terrible ?
Choisir une seule date me serait difficile, car ça serait manquer de respect à tous ces Burundais qui ont perdu les leurs à différentes dates. Je dirais alors que toutes les dates où un Burundais a perdu son proche innocent à cause de l’égoïsme et atrocité des uns et des autres, sont des dates terribles.
Le métier que vous auriez aimé faire ?
L’art a toujours été mon rêve. C’est toujours un travail qui m’attire quand je tente de faire autre chose. C’est un héritage de mon grand-père. Mon oncle architecte m’a soutenu dans le domaine artistique. J’avais accès à tout son arsenal de matériel, alors que j’étais à l’école maternelle.
A l’école, j’étais un enfant très talentueux. Je refusais avec toute mon énergie les dessins mal faits. Je me souviens qu’à deux reprises, j’ai été obligé d’emmener mes parents à l’école. Intéressés aussi par mes talents artistiques, mes parents m’ont défendu et la direction a décidé de me donner la tâche de dessiner les modèles à multiplier pour les autres.
Et voilà, ma fille de six ans est aujourd’hui passionnée par l’art. De temps en temps, je passe du temps avec elle dans l’atelier pendant les vacances. Elle est excellente en coloriage.
Parlez-nous de votre métier ?
L’art du bois selon la Maison du Bois est une technique de rendre le bois local attrayant et décoratif. Avec la technique et le savoir-faire nous rendons le bois plus envieux et plus séduisant. Nous en profitons pour faire connaître notre culture.
Pourquoi la Maison du Bois ?
C’est le GWAA (Gold Wood Art Atelier) qui était mon entreprise personnelle. Avec la fusion de l’entreprise de création des poupées (Poupées Chérubins) de ma femme, nous avons créé la Maison du Bois qui accompagne les mariés dès les fiançailles jusqu’à la veilleuse. Nous présentons aux couples, aux fiancés différents objets d’art pour les fêtes, les anniversaires, les événements pour les immortaliser. La Maison du bois est cette maison où on a envie de vivre car bien décorée et pleine d’objets de souvenirs faits exclusivement en bois. On valorise le bois.
Comment vous y êtes-vous lancé ?
Depuis mon enfance, j’adorais bricoler. A l’école secondaire j’aimais faire des cartes et des tableaux dans les couvertures des grands formats. A la fin de mes études universitaires j’ai commencé par la peinture et après je me suis lancé dans le travail du bois. Mais j’ai été obligé de travailler à l’ONG local Agakura de 2014 à 2019 pour avoir des économies afin de m’équiper.
La passion de l’art, le ciment de votre couple ?
Au début de notre mariage, un seul artiste était en éveil. Mais l’observation et l’envie de compléter la maison pour poupée vont faire éclore le don de ma femme. Voilà deux artistes complices et complémentaires sous un même toit. C’est une histoire d’amour et de passion. Je me souviens que lors de la dot, mon épouse m’a donné une foreuse comme cadeau. Une preuve qu’elle est aussi très attachée à l’art. L’originalité de nos produits est ce brassage de deux tendances, féminine et masculine.
Votre passe-temps préféré ?
La cuisine et la lecture des livres d’économie.
Votre lieu préféré au Burundi?
Les campagnes de Makebuko et Ruyigi
Le pays où vous aimeriez vivre ?
Le Burundi
Le voyage que vous aimeriez faire ?
Paris et la Corée du Sud
Votre rêve de bonheur ?
Avoir au Burundi une jeunesse engagée et consciente de leur contribution au développement.
Votre plat préféré ?
Pâte de manioc avec le Mukeke
Votre chanson préférée ?
La Corrida de Francis Cabrel et Kimbia de Kidum
Quelle radio écoutez-vous ?
La radio Isanganiro
Avez-vous une devise ?
« Toujours surprendre le client qui veut surprendre son sujet »
Votre rêve ?
Mon plus grand rêve est de construire un village du bois dans la commune natale de mon père. Là, on va créer des produits artistiques et surtout on va se focaliser sur des jouets pour enfants. Notre but est d’éradiquer ces jouets qui entraînent les enfants dans la brutalité, dans la cruauté notamment les jouets en forme de fusils, d’épées, etc. Et dans ce village du bois, on va organiser des expositions artistiques sur la culture burundaise, autour de la vache.
Aujourd’hui, vous utilisez le bois comme matière première. N’est-ce pas une menace environnementale ?
Les produits d’art pour l’ornement prennent du temps et sont recyclables. Pour gérer l’enjeu environnemental, il nous faut garder la relation homme-terre équilibrée. En plantant des arbres sur plusieurs hectares, la terre m’adore et moi aussi je l’adore. C’est une symbiose.
Pensez-vous déjà au reboisement ?
Exactement. Car, les arbres sont notre matière première mais ils protègent aussi l’environnement. A Nyabitsinda, nous avons au moins 24 hectares où nous avons déjà commencé à planter des eucalyptus et des arbres forestiers. A Makebuko , nous comptons planter sur une superficie d’à peu près 6 hectares. A Ruyigi (Rusengo), nous avons déjà planté beaucoup d’arbres.
Votre souvenir du 1er Juin 1993 ?
J’étais trop jeune et ma famille, modeste qu’elle était, se souciait moins de la politique. L’indifférence.
Votre définition de l’indépendance ?
La liberté du pouvoir et de l’économie.
Votre définition de la démocratie ?
La démocratie est le pouvoir du peuple par le peuple et pour le peuple.
Votre définition de la justice ?
La justice est la langue de Dieu. C’est synonyme de la vérité.
Si vous étiez ministre ayant la jeunesse et les métiers dans ses attributions, quelles seraient vos deux premières mesures ?
Je mettrais les métiers de développement (métiers porteurs) au centre du développement national et instaurerai une éducation financière et entrepreneuriale.
Si vous étiez ministre de l’Education nationale, quelles seraient vos deux premières mesures ?
J’exigerais que pour avoir accès à la formation universitaire, il faut avoir un certificat de travail déjà accompli ou réalisé. Et j’introduirai une éducation orientée vers les débouchés à l’école secondaire.
Et si vous étiez ministre de l’Environnement ?
Je mènerai une large campagne de conscientisation sur la fraternité terre-homme.
Croyez-vous à la bonté humaine ?
Tous les jours de ma vie sont des témoignages éloquents de la bonté humaine.
Pensez-vous à la mort ?
Je suis toujours prêt et je n’ai jamais peur. La connaissance de la mort me pousse à toujours donner le meilleur de moi-même. Demain sera tard.
Si vous comparaissez devant Dieu, que lui direz-vous?
Merci de ce don artistique et merci d’avoir veillé sur moi durant mon séjour sur terre.
Propos recueillis par Rénovat Ndabashinze
A ce que je sache ….Nyakabiga ….. jamais une » Commune » .
Fils d’un économiste ; qui est cet économiste??