Dans le Burundi traditionnel, le soir, au coin du feu, la famille réunie discutait librement. Tout le monde avait droit à la parole et chacun laissait parler son cœur. C’était l’heure des grandes et petites histoires. Des vérités subtiles ou crues. L’occasion pour les anciens d’enseigner, avec l’air de rien, la sagesse ancestrale. Mais, au coin du feu, les jeunes s’interrogeaient et contestaient car, tout le monde avait droit à la parole. Désormais, toutes les semaines, Iwacu renoue avec la tradition et transmettra sans filtre, la parole longue ou lapidaire reçue au coin du feu. Cette semaine, au coin du feu, Claudia Munyengabe.
Votre qualité principale ?
La simplicité.
Votre principal défaut ?
Je ne sais pas. D’ailleurs ce n’est pas facile de parler de ses défauts. Je crois que j’en ai beaucoup. Je ne suis pas bonne dans la communication. C’est cela mon défaut.
Exemple ?
Je n’ai pas de compte tweeter (rire). Il m’est même arrivé de passer six mois sans WhatsApp.
Qu’elles sont vos préférences dans le métier d’artiste ?
Incarner des personnages bizarres et qui sont insupportables dans la vie normale. Ecrire aussi des pièces de théâtre qui vont de travers, qui ont une touche de bizarrerie. J’aime aussi échapper au réel en allant loin du personnage.
La qualité que vous préférez chez les autres ?
La spontanéité.
Les défauts que vous ne supportez pas chez les artistes ?
Moi-même j’en ai beaucoup, mais je ne supporte pas les magouilles.
Très motivée et appliquée dans le métier, où trouvez-vous l’émulation ?
J’ai comme l’impression que tout le monde a déjà trouvé sa place.
Pouvez-vous expliquer ?
Il y’a des banquiers qui sont très confortables dans ce qu’ils font, des femmes au foyer qui sont aussi confortables, des commerçants très épanouis. Mais, la société a souvent un côté fragile. Et moi, j’aime bien explorer cette fragilité de la société.
Par exemple, pour le moment, je suis en train d’écrire une pièce de théâtre sur la polygamie. Et pourtant, je ne sais pas quelle position prendre. Toutefois, je suis convaincue que la polygamie ne contribue pas au bien-être d’une femme ni même de l’homme parce que ça le ruine économiquement.
Pourtant, très peu de gens militent contre cela. Je n’écris pas pour prendre position, mais pour réfléchir ensemble avec les gens sur cette pratique qui est la polygamie, cette pratique qui fragilise la société.
Quel est votre point de vue par rapport aux artistes d’ici chez nous ?
Je trouve qu’ils sont fous (rire).
Exemple ?
Même si le métier commence à payer un peu, il présente des risques. La plupart des gens ne comprennent pas ce que nous faisons et c’est difficile d’expliquer comment le théâtre est une carrière pressionnelle comme tant d’autres. Parfois, j’ai honte de dire que je à mes anciens camarades de classe devenus banquiers que je fais du théâtre par exemple. Parfois, dans la tête, ça tourne à l’idée d’expliquer que tu fais du théâtre professionnel.
Votre plus beau souvenir ?
La naissance de Mirore, ma fille ainée. J’ai éprouvé une joie indescriptible. Mon deuxième sera jaloux mais elle comprendra (rire).
Quel est l’homme que vous admirez ?
C’est Jean-Paul. Voyons ! Mon partenaire de vie. Je l’admire parce qu’il est dans la recherche, ce côté fou. En ce moment, il est dans la recherche sur la justice climatique. Un terme que je n’arrive pas à me faire moi-même une idée. Donc, c’est ce côté que j’admire chez-lui.
Le métier que vous auriez aimé exercer ?
J’aurais aimé être pilote d’avion. Mais, c’était trop cher. En plus, je n’étais pas bonne en mathématiques. Ah, ces amours de jeunesse. Rêver d’être l’une des femmes burundaises à piloter un avion. Et voilà que je suis l’une des femmes burundaises à faire du théâtre. Après tout, on doit piloter quelque chose. Je pilote le théâtre (rire).
Votre passe-temps préféré ?
Avant, je pouvais me permettre la lecture à la plage. Mais maintenant, j’ai la responsabilité de deux petites filles. Parfois je m’échappe pour aller regarder des films, des pièces de théâtre, des spectacles d’humour ou de danse.
Votre lieu préféré
Le Jardin public de Bujumbura (rire).
Pourquoi ?
C’est vert, aéré et spacieux.
Le voyage que vous aimeriez faire ?
Aller à Ushuaia. Dommage parce que ce n’est pas lié au théâtre. Mais c’est très personnel.
Votre rêve de bonheur ?
Jouer une pièce de théâtre à Broadway. Mais ça, c’était avant. Maintenant, c’est jouer sur la place coca-cola, au centre-ville, avec le public et les bus tout autour.
Votre plat préféré ?
« isombe » ou encore la viande aux oignons. Et j’ajoute la salade pour que les gens aient l’impression que je suis classe.
Votre pièce de théâtre préférée ?
« Liebe » qui veut dire amour.
Pouvez-vous nous en parler ?
C’est une pièce de théâtre qui a été écrite par Marshal Mpinga Rugano et qui ne me quitte pas jusqu’à aujourd’hui. Elle est en train de rivaliser avec « Iragi ». Elle traite les évènements de 1993.
Votre devise ?
Est-ce que j’ai une devise ? Je vis la vie telle qu’elle m’est donnée par Dieu. S’il fallait choisir, j’en aurais une chaque jour.
Croyez-vous à la bonté humaine ?
Je crois à la bonté divine qui peut se déverser sur l’humain. Elle est tellement grande qu’elle pourrait se déverser sur l’humain.
Pensez-vous à la mort ?
Tous les jours. Elle dégage en moi des questionnements. Pourquoi je suis là si c’est pour partir ?
Si vous comparaissiez devant Dieu, que lui demanderiez-vous ?
De sauver l’humain. Il souffre.
Propos recueillis par Stanislas Kaburungu
Bravo à toi, digne disciple de Thepsis. Que d’admiration de ma part.