Dans le Burundi traditionnel, le soir, au coin du feu, la famille réunie discutait librement. Tout le monde avait droit à la parole et chacun laissait parler son cœur. C’était l’heure des grandes et des petites histoires. Des vérités subtiles ou crues. L’occasion pour les anciens d’enseigner, l’air de rien, la sagesse ancestrale. Mais au coin du feu, les jeunes s’interrogeaient, contestaient, car tout le monde avait droit à la parole. Désormais, toutes les semaines, Iwacu renoue avec la tradition et transmettra, sans filtre, la parole longue ou lapidaire reçue au coin du feu. Cette semaine, au coin du feu, Boris Saint-Evrard Mucowintore.
Votre qualité principale?
L’honnêteté. Quand quelqu’un me cause du tort, tout haut, je lui dis ce que je pense. Par vous -mêmes, vous pouvez le remarquer, sur les réseaux sociaux, je n’utilise jamais des comptes anonymes, j’assume ce que je dis et s’il m’arrive de me tromper je demande pardon.
Votre défaut principal ?
La confiance. Je suis une personne qui communique avec les gens de tous les coins des cinq continents. Parmi eux, nombreux sont ceux que je n’ai jamais rencontrés. Des fois, il arrive qu’une personne me demande de l’aider pour un quelconque « fundraising » afin d’aller se faire soigner ou soigner un de ses parentés, par exemple. Le hic : quand la mission est bien accomplie, par après, je ne reçois pas de feedback.
La qualité que vous préférez chez les autres ?
La créativité. Je suis très émerveillé lorsque je vois certaines gens, surtout mes compatriotes, qui cherchent à innover malgré le manque de moyens financiers. Cela me pousse à me remettre en cause, à me demander si je ne peux pas faire comme eux voire mieux qu’eux.
Le défaut que vous ne supportez pas chez les autres ?
Le mensonge.
La femme que vous admirez le plus ?
Kyria Irera. C’est une fille que j’ai rencontrée en 2010 et nous sommes devenus des amis. Après, j’ai su qu’elle est tombée enceinte. Elle a fait de moi son confident. Certes, elle n’avait aucune envie d’avorter ou d’abandonner ses études, mais pour une jeune pentecôtiste (Église Pentecôte), en plus qu’elle était encore mineure, pour elle, c’était dur à encaisser. Au lieu de tomber dans la dépression, elle s’est accrochée, elle a gardé le sourire. Aujourd’hui, c’est une belle maman de 25 ans. La façon dont elle a surmonté toutes ces épreuves pour être là où elle est aujourd’hui a été pour moi une autre source d’inspiration. D’ailleurs, je viens d’écrire une chanson inspirée de son histoire. C’est une dédicace à toutes les filles et femmes, dont les petits amis ont nié la paternité de leurs enfants.
L’homme que vous admirez le plus ?
Président Vladimir Poutine. Son aptitude à rester ferme et précis sur ses décisions, sa propension à croire en ses forces et sa capacité à garder la dignité dans toutes les circonstances, même quand il se sent seul, me fascine. Ceci me semble indispensable pour une personne ou un pays qui cherche à se développer.
Votre plus beau souvenir ?
Le dîner avec la famille Bob Marley (ses enfants et sa grand-mère) 2005 en Éthiopie. J’ai eu l’opportunité d’aller à l’anniversaire de Bob Marley .C’est l’UNICEF qui m’avait pris en charge. Là-bas, j’y ai fait deux semaines. Une joie immense. En fait, c’était comme si je vivais mon rêve. Je me rappelle qu’à mon retour, je suis allé voir Aloys Niyoyita, alors journaliste au studio IJAMBO. Il m’a dit : « Petit, tu es chanceux! » J’ai passé tout un mois à chanter à mes amis : « J’ai vu Ziggy Marley!!! »
Votre plus triste souvenir ?
Le décès de ma mère
Quel serait votre plus grand malheur ?
Désormais, membre du team management de Laurette Tetero (victorieuse de Primusic, édition 2019), mon plus grand malheur serait le non aboutissement de ses rêves. Celui de ne pas avoir une carrière internationale. Je ne sais pas si c’est de la malédiction ou autre chose, mais tous les lauréats du Primusic et autres artistes qui partent à l’étranger, s’éclipsent…
Le plus haut fait de l’histoire burundaise ?
Signature des accords d’Arusha : le 28 août 2000. Pour moi, une date indélébile.
Lorsque les anciens combattants se trouvaient encore dans des camps de cantonnement attendant la démobilisation, j’ai eu l’opportunité de passer dans deux camps pour sensibiliser sur le VIH/SIDA. Et regarder de près ces gens que nous croyions monstrueux, assis devant moi, m’écoutant attentivement, m’a ému. Tout compte fait, je me dis que ces accords étaient « oints », comme aiment le dire si souvent les protestants.
La plus belle date de l’histoire du Burundi ?
Le 5 février 1994 : date de l’investiture du président Cyprien Ntaryamira. Ce qui m’a le plus marqué, c’est son discours quand il insistait beaucoup sur la discipline. A mon avis, une qualité à tout prix qu’il faut développer dès le bas âge.
La plus terrible date de l’histoire du Burundi ?
L’assassinat du président Ndadaye Melchior, le 21 octobre 1993
Le métier que vous aimeriez faire ?
Le journalisme. Quand je regarde les nouvelles que je donne sur les réseaux sociaux et comment on me suit, je me dis que ça aurait été mieux si j’avais été journaliste.
Votre passe-temps préféré ?
Échanger avec les amis. J’aime échanger avec les gens sur des sujets variés, tels que la politique burundaise. Mais aussi, les rencontres fortuites me fascinent. Avec le monde qui est devenu un village, on apprend beaucoup des autres.
Votre lieu préféré au Burundi ?
L’ex-marché central de Bujumbura. Chaque fois que je suis au New-York Times Squares, je me rappelle cet endroit. Une place, si je peux me permettre servait à tâter « le poul de la vie du pays ».
Le pays où vous aimeriez vivre ?
Le Burundi. Certes, avec les réseaux sociaux, on essaie de suivre de près ce qui s’y fait, mais, ce n’est pas la même chose. Je ne souhaite pas rentrer seulement, je rêve d’apporter ma pierre à l’édifice d’un Burundi meilleur. D’ailleurs, je demanderais aux autorités qui vont lire cet entretien de me confier l’organisation de Miss-Burundi et de Buja fashion week. Avec mon expérience dans l’événementiel, je pense être à la hauteur.
Le voyage que vous aimeriez faire ?
En Espagne, précisément, à Madrid. C’est un rêve d’enfant : visiter le mythique stade du Real de Madrid : Santiago-Bernabéu. La raison est simple : je suis un fan invétéré de ce club.
Votre plat préféré ?
Uburobe n’umukeke wumye (pâte de manioc froide et poisson Mukeke séché). En tant que natif de l’Imbo, je ne crois pas qu’il y ait un plat aussi bon que celui-là.
Votre chanson préférée ?
Umugabo w’ukuri de Canco Amissi. Les paroles de cette chanson sont d’une sagesse inouïe.
Quelle radio écoutez-vous ?
Radio ISANGABIRO pour l’émission MOSAIQUE et Buja FM pour l’émission Hits Connection. L’émission Mosaïque parce qu’on invite des politiciens qui traitent différents sujets de la vie du pays. Quant à ce qui est de Hits Connection, c’est un baromètre de l’industrie musicale burundaise. Depuis que je suis dans le team management de Tetero, cela me permet de connaître les astuces pour être un bon manager.
Avez-vous une devise ?
Créativité – détermination – ponctualité.
Votre souvenir du 1er juin 1993 ?
Pas vraiment.
Votre définition de l’indépendance ?
Être autonome dans l’exercice de son pouvoir et dans ses travaux. Mais, faut-il que l’indépendance aille de pair avec l’autonomie économique.
Votre définition de la démocratie ?
C’est un système de gouvernement dont le socle doit être la séparation des pouvoirs et où chaque citoyen est jugé dans le strict respect de ses droits et devoirs et non pas pour ce qu’il est.
Votre définition de la justice ?
C’est le respect de la loi, de la personne humaine et une distribution équitable des ressources nationales
Trouvez-vous les jeunes investis, sensibilisés dans la lutte contre le VIH/SIDA ?
Non. J’échange souvent avec beaucoup de jeunes qui contractent le VIH du jour au jour. Malheureusement, chaque fois, je constate une imprudence notoire. Il suffit de voir les chiffres des grossesses non-désirées qui ne cessent pas d’enfler. Ils doivent comprendre que ce virus est encore là, il rôde dans les parages. Si je vis avec le VIH depuis 35 ans, ça ne veut pas dire que tout le monde peut vivre longtemps avec ce virus. J’ai eu la chance d’avoir accès à un bon traitement, ce qui n’est pas donné à tout le monde. Eu égard à tout cela, j’estime que la prudence doit être de mise.
Selon vous le gouvernement est-il suffisamment investi dans cette lutte ?
Je trouve que le gouvernement fait de son mieux. Il suffit de voir combien décroissant va le taux de séropositivité.
Si vous étiez ministre de la Santé publique et de la lutte contre le SIDA, quelles seraient vos premières mesures ?
Je ne sais pas si cela un jour fera partie de mes responsabilités. Mais, d’emblée, je proposerais une loi stipulant que chaque couple qui met au monde un enfant même s’il n’est pas marié, ait les mêmes responsabilités devant la loi qu’un couple marié. S’il se désiste, qu’il soit puni conformément à la loi des coupables. Ceci permettrait d’éradiquer les crimes et violences à l’égard de l’enfant.
Si vous étiez ministre de la Jeunesse et Sport quelle seraient vos deux premières mesures ?
Mettre en place dans toutes les écoles des professeurs qualifiés et qui sont capables de détecter les jeunes talents.
Croyez-vous en la bonté humaine ?
Oui
Pensez-vous à la mort ?
Oh absolument que oui! En ce moment, trois choses me viennent à l’esprit :
– Le souvenir que les gens garderont de mon vivant.
– L’ héritage que je vais laisser à mon pays.
– Et la pertinente question : « Irai-je au paradis ? »
Si vous comparaissez devant Dieu, que lui direz-vous?
Je lui dirai un grand merci pour sa grandeur et son amour sans limite.
Propos recueillis par Hervé Mugisha