Vendredi 22 novembre 2024

Culture

Au coin du feu avec Blaise Nijimbere alias Baconib

29/02/2020 Commentaires fermés sur Au coin du feu avec Blaise Nijimbere alias Baconib
Au coin du feu avec Blaise Nijimbere alias Baconib

Dans le Burundi traditionnel, le soir, au coin du feu, la famille réunie discutait librement. Tout le monde avait droit à la parole et chacun laissait parler son cœur. C’était l’heure des grandes et des petites histoires. Des vérités subtiles ou crues. L’occasion pour les anciens d’enseigner, l’air de rien, la sagesse ancestrale. Mais au coin du feu, les jeunes s’interrogeaient, contestaient, car tout le monde avait droit à la parole. Désormais, toutes les semaines, Iwacu renoue avec la tradition et transmettra, sans filtre, la parole longue ou lapidaire reçue au coin du feu. Cette semaine, au coin du feu, Blaise Nijimbere alias Baconib.

Votre qualité principale ?

Selon mes proches, en plus d’être franc et honnête, je suis persévérant et déterminé.

Votre défaut principal ?

Parfois têtu et impulsif, selon mes proches. Après tout, on l’est tous plus ou moins occasionnellement et dans des situations spécifiques. D’ailleurs, être têtu ou même impulsif sont d’abord des qualités. C’est l’excès qui pose problème. Comme tout être humain, il m’arrive parfois d’être trop opiniâtre et spontané. Heureusement, j’y travaille et je suis très fier de mes progrès.

La qualité que vous préférez chez les autres ?

Ouverture d’esprit, cohérence dans leurs actes, la sincérité et surtout l’amour de l’autre.

Le défaut que vous ne supportez pas chez les autres ?

L’égocentrisme et l’hypocrisie. Je n’aime pas les manipulateurs et, par conséquent, les menteurs. Car un manipulateur est un menteur né.

La femme que vous admirez le plus ?

Ma mère est ma première source d’inspiration. Une mère et une femme très aimable, sociable, généreuse, et surtout très courageuse, optimiste, résiliente et déterminée.

L’homme que vous admirez le plus ?

Général Robert Stephenson Smith Baden-Powell, fondateur du scoutisme. Il fut réellement un grand leader, magnanime et humble, dans sa volonté de faire grandir les jeunes et les hommes qui lui étaient confiés, de les faire avancer, afin qu’ils puissent ensuite bien servir la société et leur pays. Dans sa pratique du commandement, il a à cœur d’éduquer plutôt que de diriger. Le pouvoir de l’officier, selon lui, permet de développer chez ses hommes les vertus et qualités qui feront d’eux de bons citoyens patriotes telles que « la maîtrise de soi, le sentiment de l’honneur et du devoir, la responsabilité, la confiance en soi, l’esprit d’observation, le raisonnement, l’esprit d’initiative, la débrouillardise, la prudence, l’ingéniosité et le sens de l’équipe …»Je suis content d’avoir évolué dans le scoutisme.

Qui aimeriez-vous être ?

Pour tout dire, je suis fier de celui que je suis, bien sûr sans mes défauts que j’essaie de corriger.

Votre plus beau souvenir ?

Le jour où j’ai appris les résultats de l’examen d’Etat.

Votre plus triste souvenir ?

La mort des miens (dont mon père, mon cousin et mes oncles). Qui sont morts, tous, à cause de maladies.

Quel serait votre plus grand malheur ?

Ne pas voir mon pays retrouver la paix et la sécurité ou que la justice ne soit pas rendue un jour aux victimes des crimes commis depuis l’indépendance du Burundi.
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Le plus haut fait de l’histoire burundaise ?

Les exploits de Ntare IV Rugamba qui a agrandi le territoire du Burundi en doublant sa superficie.

La plus belle date de l’histoire burundaise ?

Le 28 août 2000. Date de la signature de l’Accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation au Burundi. Certes, il n’est pas parfait, mais il nous le fallait. Malheureusement, nos dirigeants successifs ont failli à leur devoir de l’appliquer tel qu’ils s’étaient convenus.

La plus terrible ?

Nous en avons plusieurs, mais je citerais trois périodes et non les dates exactes : l’an 1972, de 1993 à 2000, de 2005 à aujourd’hui.

Le métier que vous auriez aimé faire ?

Devenir un médecin pour aider et sauver des vies. J’ai essayé, sans succès malheureusement. J’aurais également aimé être journaliste. Heureusement pour moi, même si je ne suis pas un professionnel, je me contente d’informer librement via les réseaux sociaux ou/et blogs et les sites internet. Ça me va ainsi.

Votre passe-temps préféré ?

La lecture (livres, internet & actualité), regarder des séries télé (action, espionnage, drame ou thriller).

Votre lieu préféré au Burundi ?

Les plages de Rumonge. Les plus belles, en tout cas, du Burundi.

Le pays où vous aimeriez vivre ?

Sans doute, le Burundi, ma patrie, en période de paix et sécurité pour tous.

Le voyage que vous aimeriez faire ?

Prioritairement, les grandes et belles villes des USA et du Canada. Mais, comme j’aime voyager, je ne me limite pas à ces quelques endroits, j’aimerais voyager partout dans le monde.

Votre rêve de bonheur ?

Sur le plan personnel, voir mes enfants et ma famille s’épanouir en bonne santé et en toute sécurité.
Sur le plan national, voir mon pays sortir du cycle de violences et devenir un pays jadis rêver, de paix et sécurité, où la cohésion sociale règne vraiment du sommet de l’état à la base. Un état de droit, réellement démocratique et surtout prospère. C’est presque utopique, mais, je suis convaincu qu’un jour on y parviendra.

Votre plat préféré ?

Natif de l’Imbo, sur les rives du lac Tanganyika, mon plat préféré est un bon poisson frais grillé ou frit avec la patte de manioc (Ubuswage), de Minago de préférence (elle a une certaine réputation, à ce qu’on raconte).
Mes poissons préférés sont Mukeke et Kuhe (Inguhe). Seuls les connaisseurs savent à quel point ces deux poissons sont les meilleurs qu’ils soient cuits, frits ou grillés.

Votre chanson préférée ?

Sans doute « Get up, Stand up » de Bob Marley est la meilleure. À part que je suis particulièrement son fan (et du reggae, en général), le texte de cette chanson (comme toutes ses chansons, d’ailleurs) est très profond.
Au niveau national, la chanson « Umugabo w’ukuri » de Canjo Amissi est très instructive.

Quelle radio écoutez-vous ?

Elles ont été brûlées malheureusement. Aujourd’hui, je n’écoute pas souvent les radios, sauf la Radio France Internationale (RFI) de temps en temps.

Avez-vous une devise ?

Ma devise est une citation tirée du dernier message de Baden-Powell à l’intention des scouts :
« Tâchez de quitter cette terre (ce monde) après l’avoir rendue meilleure plus que vous l’avez trouvée. Et quand viendra votre tour de mourir, mourrez heureux, en songeant que vous n’aurez pas perdu votre temps, que vous aurez fait de votre mieux. […] Soyez prêts dans cette voie de manière à vivre et à mourir heureux. Souvenez-vous de votre promesse scoute … toujours ! même quand vous ne serez plus (jeune) et que Dieu vous aide à la tenir ! »
Scout et homme de principe et d’honneur, je tiens et tiendrai ma promesse toujours !

Votre souvenir du 1er juin 1993 ?

J’étais encore gamin, mes souvenirs ne sont pas très excellents pour cette date exacte. Mais, je me souviens vaguement que des militants du Frodebu jubilaient partout, tandis que les Upronistes (en général) et les Tutsi (en particulier) avaient peur pour leur sécurité.

Votre définition de l’indépendance ?

Pour un pays (nation ou Etat), c’est d’avoir les moyens politiques, financiers, militaires et diplomatiques pour s’autogouverner et d’assurer la sécurité de sa population et l’intégrité de son territoire. Cependant, cela ne doit pas empêcher un pays indépendant de nouer des relations multilatérales avec d’autres nations. Après tout, on est tous interdépendants, certes, à des niveaux différents.

Votre définition de la démocratie ?

C’est une doctrine politique qui veut dire que la souveraineté appartient avant tout au peuple. Ce dernier doit donc être associé efficacement, de près ou de loin, à la gestion des affaires publiques et d’intérêt général, dans le but de conférer aux actions politiques du gouvernement une légitimité. Il exerce ce droit directement (actions citoyennes, société civile, etc.) ou indirectement via les représentants qu’il a élus d’une manière directe (démocratie participative). C’est pour cela que je pense que notre système des listes bloquées est à proscrire. Les candidats aux élections doivent être élus d’abord dans les primaires organisées par leurs partis respectifs (sauf les indépendants).

Votre définition de la justice ?

Par la justice on entend la reconnaissance et le respect du droit des autres, ainsi que le pouvoir d’agir pour faire reconnaître et respecter ces droits. Cela veut dire en résumé le fait de respecter et faire respecter les lois établies par et pour tous, équitablement.

Si vous étiez ministre de l’Information, quelles seraient vos deux premières mesures ?

Tout d’abord, il faut préciser que les prérogatives (ou missions) du ministre et son pouvoir réel d’agir sont deux choses distinctes. Tout dépend de la politique du président élu et du parti au pouvoir. Supposons que j’ai ce pouvoir d’agir et que les médias fermés et brûlés ont été déjà rouverts ou/et indemnisés :

– En tant que garant de la liberté de la presse, je ferais en sorte que le Conseil national de la communication (CNC) soit un organe réellement indépendant et au service des médias et des professionnels des médias. Sa composition, son fonctionnement, ses missions et même son autonomie de gestion devraient être revus pour mettre en application cette mesure. Cette mesure nécessite également l’abrogation de toutes les lois liberticides et la proposition de nouvelles lois issues du dialogue avec les différents acteurs de la société burundaise.
– Je ferais en sorte que les médias publics aient une réelle indépendance, transparence et une autonomie de gestion, des équipements adaptés et une formation du personnel afin que l’information qu’ils transmettent soit professionnelle et bien équilibrée. Ils devront donner la même importance à l’opposition, au parti au pouvoir ou au gouvernement étant donné que leurs budgets proviennent des contributions de tous les citoyens et non pas uniquement d’un quelconque parti politique.

Croyez-vous à la bonté humaine ?

Sans être rousseauiste, je crois qu’elle existe. Sur ce sujet, je suis d’accord avec le psychologue français Jacques Lecomte qui affirme que « nous, êtres humains, ne sommes prédestinés ni au mal ni au bien. Il s’agit de prédispositions. L’homme conserve sa liberté de choix. » Et comme tout change et tout évolue, même les plus méchants peuvent devenir des bons et vice versa. Tout dépend des circonstances et du choix humain.

Pensez-vous à la mort ?

Oui, souvent. Mais, comme elle est inévitable et inopinée, elle n’influe pas sur mes projets de vie. L’essentiel c’est de faire son mieux afin de laisser un bon souvenir et de vivre pleinement la vie.

Si vous comparaissez devant Dieu, que lui direz-vous ?

Premièrement, je Lui demanderais pardon pour tous mes péchés. Puis, je Le remercierais pour sa bonté, clémence et miséricorde et pour tout ce qu’Il m’a donné. Et enfin, je Lui demanderais de sauver mon peuple et mon pays.

Propos recueillis par Antoine Kaburahe

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Bio-express

Pendant longtemps, beaucoup d’internautes ont pensé que « Baconib » n’existe pas. Mais, Blaise Nijimbere existe bel et bien. Originaire de la zone Minago (de l’actuelle province de Rumonge), il a 34 ans et il vit en France où il est réfugié depuis quatre ans. Ce « cyberactiviste », comme il se présente lui-même, est un passionné de la politique, de l’information et des réseaux sociaux. Il a été très actif avant, pendant et après les manifestations contre le troisième mandat présidentiel de Pierre Nkurunziza. Sur ses comptes Facebook (Blaise Baconib Nijimbere) et Twitter (@Baconib), il relayait, presque en temps réel et tous les jours, les images, audios, vidéos et commentaires sur le déroulement des manifestations partout dans la capitale et à l’intérieur du pays. Très suivi, sur Twitter où il compte plus de 13.000 abonnés (followers), Baconib est devenu très populaire surtout après la fermeture des médias privés au Burundi. Grand lecteur, ouvert et curieux, il a tâté la médecine, puis l’ingéniorat technique, pour finir dans les chiffres avec un diplôme en gestion. Courageux, il signe et assume toujours ce qu’il publie.

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