Dans le Burundi traditionnel, le soir, au coin du feu, la famille réunie discutait librement. Tout le monde avait droit à la parole et chacun laissait parler son cœur. C’était l’heure des grandes et des petites histoires. Des vérités subtiles ou crues. L’occasion pour les anciens d’enseigner, l’air de rien, la sagesse ancestrale. Mais au coin du feu, les jeunes s’interrogeaient, contestaient, car tout le monde avait droit à la parole. Désormais, toutes les semaines, Iwacu renoue avec la tradition et transmettra, sans filtre, la parole longue ou lapidaire reçue au coin du feu. Cette semaine, au coin du feu, Ange Bernice Ingabire.
Votre qualité principale ?
Mes proches disent l’altruisme. Personnellement, j’ajouterais la disponibilité. Je suis toujours là pour les autres.
Votre défaut principal ?
Je ne sais pas dire « non! ». Quand bien même, c’est une promesse ou un engagement difficile à tenir, refuser m’est souvent difficile. Et parfois, cela se solde par des regrets.
La qualité que vous préférez chez les autres ?
L’honnêteté. Bien qu’ici-bas sur terre, elle est une vertu rare, c’est vraiment la base d’une vie intègre.
Le défaut que vous ne supportez pas chez les autres ?
L’irresponsabilité. Par-dessus tout, je déteste les personnes qui se font toujours rappeler par les autres leurs devoirs.
La femme que vous admirez le plus ?
Ma mère. Pour moi, c’est un modèle d’humilité et de bravoure. Il y a aussi Mère Teresa de Calcutta. Sa serviabilité a permis de sauver d’innombrables vies humaines.
L’homme que vous admirez le plus ?
Dr Denis Mukwege, l’homme qui répare les femmes. (Prix Nobel de la paix 2018, NDLR). Malgré les persécutions, son obstination à sauver la vie des gens, particulièrement celles des femmes est une source d’inspiration.
Votre plus beau souvenir ?
Mon année de règne en tant que Miss Burundi. Une expérience unique et enrichissante.
Pourquoi ?
J’ai porté fièrement les couleurs de ma patrie à l’étranger, rencontré de personnes importantes. Certaines sont même devenues des amis sur qui je peux toujours compter. Bien sûr, tout n’était pas rose. Mais, ces difficultés ont forgé mon caractère.
Votre plus triste souvenir ?
Le décès de mon père. Certes, nous sommes tous de passage sur cette terre, mais perdre un être cher inopinément est un crève-cœur.
Quel serait votre plus grand malheur ?
Ne pas avoir d’enfants.
La plus belle date de l’histoire burundaise ?
La proclamation de l’indépendance du Burundi, le 1er juillet 1962. De par, ce que nous a appris en classe, la journée a marqué le début d’une nouvelle ère.
La plus terrible ?
L’assassinat du président Melchior Ndadaye, le 21 octobre 1993. Certes, le tragique événement n’est pas la seule date qui a bouleversé l’histoire du pays. Mais, les conséquences qui s’en sont suivies sont terribles. Ce sont des rêves de tant de gens qui sont partis en fumée.
Le métier que vous auriez aimé exercer ?
Être médecin gynécologue. Quoique cela me semble difficile, je garde encore espoir.
Votre passe-temps préféré ?
La musique, la lecture, causer avec mes proches.
Votre lieu préféré au Burundi ?
Chez moi, à Gihosha: la maison qui m’a vu naître et grandir. C’est mon havre de paix. L’endroit est plein d’amour.
Le pays où vous aimeriez vivre ?
Ma patrie, le Burundi.
Le voyage que vous aimeriez faire ?
Un voyage dans le passé. J’aimerais bien corriger une ou deux choses.
Entre autres ?
L’adolescence et ses « âneries »… Les exemples sont légion. Mais, pour tout dire, je regrette les opportunités à côté desquelles je suis passée. Non, par ignorance, mais, plutôt par négligence.
Votre rêve de bonheur ?
Offrir à ma mère, une maison, un voyage de ses rêves, tout ce dont elle a toujours rêvé…
Votre plat préféré ?
La pâte de manioc avec des petits poissons (Ndagala) mélangés avec des oignons blancs… Un régal.
Votre chanson préférée ?
Nyigisha de la Rwandaise Butera Knowless
Quelle radio écoutez-vous ?
Ces jours -ci, je ne suis plus trop radio. Mais, auparavant, j’aimais beaucoup écouter la RFI.
Avez-vous une devise ?
« Demain n’est pas promis, profite de la vie aujourd’hui »
Quel est ton plus grand regret ?
Le fait que mon père n’ait pas assez vécu pour que je lui rende à la millième fois tout ce qu’il a fait pour nous.
Quel souvenir gardez-vous de votre soirée de couronnement ?
La présence inattendue de ma famille parmi les invités.
Mais, c’était normal qu’elle soit présente ?
Ce jour-là, mon petit frère fêtait son diplôme des humanités générales. J’avais dit à ma famille qu’il était vain de venir. Je considérais que c’était un grand jour pour lui. Il avait plus besoin de la famille à ses côtés que moi. A ma grande surprise, lorsque nous avons commencé à défiler, j’ai levé les yeux. Et qui je vois parmi la foule : ma mère et certains membres de la famille. Je dois vous avouer qu’à cet instant, je me suis sentie pousser les ailes.
Où en êtes-vous avec le projet d’assister les enfants qui naissent avec les malformations ?
Vu que je ne suis pas sur place (Ndlr : elle vit au Canada) c’est quelque peu au point mort. Toutefois, comme c’est un projet qui me tient à cœur, je me suis juré d’aller jusqu’au bout.
En tant qu’ancienne reine de beauté, que faire pour redonner à l’événement Miss Burundi ses lettres de noblesse ?
C’est tout simple. Comme l’événement est d’envergure nationale, le gouvernement doit s’impliquer activement dans sa préparation. Aussi, faut-il qu’il parraine la Miss durant son année de règne.
Trouvez-vous les jeunes femmes suffisamment représentées dans les instances de prise de décisions du pays ?
Certes, les avancées sont palpables. Mais, des efforts restent encore à consentir. Il faut plus d’ouverture, plus d’initiatives .Les femmes doivent prendre les devants, ne pas toujours se contenter des 30% qu’accorde la Constitution. Parce que nous sommes capables de beaucoup de choses
Depuis votre arrivée au Canada, aucune envie de faire carrière dans la mode ?
Franchement, non. Vous savez avec l’âge, ce sont de nouvelles ambitions qui naissent. Pour tout dire, actuellement, il ya d’autres domaines qui me passionnent le plus.
Justement, quel est l’effet ça fait d’être Miss dans un autre pays comme le Canada?
Si vous saviez combien les gens d’ici s’en fichent ! Hormis quelques Burundais, qui des fois, s’en souviennent ici chacun regarde ses affaires. Une bonne chose, parce que cela me procure énormément de liberté. Dès lors, je n’ai aucune pression à gérer ma vie comme je l’entends.
En tant qu’ancienne Miss Burundi, un message au président de la République?
Son Excellence, une Miss est l’image de son pays. Mis de côté les critères de beauté et de l’intelligence, elle représente la culture et la jeunesse. Bref, un ambassadeur parmi les autres. Si vous la soutenez, avec mes assurances, elle portera loin les couleurs du pays.
Un retour au bercail, ça ne vous tente pas?
Si ! L’envie est pressante. Je dois retourner, apporter ma pierre à l’édifice d’un Burundi meilleur.
Reste-t-elle encore un cœur à prendre notre chère Miss ?
Humm, présentement non! Et je vous assure que c’est du sérieux.
Votre définition de l’indépendance ?
Être libre dans tes décisions sans se plier aux injonctions aucunes.
Votre définition de la démocratie ?
C’est quand un pouvoir respecte et prend en compte les opinions et les desiderata de tout un chacun sans distinction aucune.
Votre définition de la justice ?
Le respect des droits, l’égalité de tous devant la loi.
Si vous étiez ministre de la Jeunesse et de la Culture, quelles seraient vos urgentes mesures ?
-Plaider pour que les acteurs économiques investissent des secteurs d’activités porteurs d’emplois. Le chômage des jeunes est un frein à la croissance économique de pays. L’autre urgence, c’est la promotion de la culture entrepreneuriale. Il faut que la jeunesse apprenne à voler de ses propres ailes.
Si vous étiez ministre de la Santé, quelles seraient vos deux premières mesures ?
-Faire feu de tout bois pour que l’accès aux soins de santé ne soit plus un luxe pour certaines catégories de gens.
-Sensibiliser la femme rurale sur le bienfondé des consultations prénatales. Les statistiques sont formelles. Beaucoup sont celles qui accouchent sans préalablement consulter un médecin ou fait une échographie, ne fût-ce qu’une seule fois. C’est triste parce que c’est un acquis. La mesure de la gratuité des soins pour les femmes enceintes et les enfants de moins de 5 ans le leur permet.
Croyez-vous à la bonté humaine ?
Oui j’y crois. Dieu nous a créés à son image .Beaucoup disent que c’est la société qui nous corrompt, mais le Bon Dieu nous a offert un précieux cadeau : « la liberté de choisir ». Dans ce sens, je pense que tout humain ne peut que choisir faire du bien.
Pensez-vous à la mort ?
C’est un passage obligé, une certitude absolue. Par contre, ce qui m’effraie, c’est une mort inopinée.
Si vous comparaissez devant Dieu, que lui direz-vous ?
Merci de m’avoir offert la vie!
Propos recueillis par Hervé Mugisha