Dans le Burundi traditionnel, le soir, au coin du feu, la famille réunie discutait librement. Tout le monde avait droit à la parole et chacun laissait parler son cœur. C’était l’heure des grandes et des petites histoires. Des vérités subtiles ou crues. L’occasion pour les anciens d’enseigner, l’air de rien, la sagesse ancestrale. Mais au coin du feu, les jeunes s’interrogeaient, contestaient, car tout le monde avait droit à la parole. Désormais, toutes les semaines, Iwacu renoue avec la tradition et transmettra, sans filtre, la parole longue ou lapidaire reçue au coin du feu. Cette semaine, au coin du feu, Alfred Mugenzi, alias Kigingi.
Votre qualité principale ?
Je pense bien la simplicité et l’accessibilité. Je ne sais pas si c’est lié au fait que je sois comédien. Mais, communiquer avec les personnes de tout âge m’est facile.
Votre défaut principal ?
Des fois, je doute de ma personne.
La qualité que vous préférez chez les autres ?
Plus que tout, l’honnêteté. Malheureusement, une qualité qui se fait rare ici-bas sur terre.
Le défaut que vous ne supportez pas chez les autres ?
L’hypocrisie. Les gens qui parlent des autres derrière leur dos, je les déteste par-dessus tout. Des vraies langues de vipères qui empêchent notre société d’évoluer. Aussi, je ne supporte pas les gens imbues de leurs personnes qui pensent que leurs idées valent mieux que celles des autres.
La femme que vous admirez le plus ?
La reine Elizabeth II d’Angleterre .Un vrai symbole de stabilité et une vraie preuve que la femme est capable. En plus de 65 ans au trône, elle a renforcé le pouvoir de l’une des grandes dynasties encore vivantes au monde et a permis à son royaume de garder sa quintessence.
L’homme que vous admirez le plus ?
Feu président Nelson Mandela. Une preuve du pardon et que l’intérêt supérieur de la nation surpasse de loin l’intérêt personnel.
Votre plus beau souvenir ?
Le jour où j’ai obtenu mon diplôme A2 de fins d’études secondaires. Franchement, je ne peux pas décrire la joie et le bonheur que j’ai éprouvés. Après 7 ans d’échec, je pouvais enfin me soulager d’avoir décroché ce précieux sésame. Pour la petite histoire, je l’ai eu en 2007 alors qu’avec un cursus normal, je devrais avoir terminé mes études en 2000.
Votre plus triste souvenir ?
Le jour de la mort de mon père. Un coup de tonnerre. Parce que la nuit de la veille de son décès, il nous (moi et mon grand frère) disait de bien fermer les fenêtres avant d’aller nous coucher .Et le lendemain, notre mère se réveillait en pleurs. Il avait été terrassé par un accident vasculaire cardiaque(AVC).
Quel serait votre plus grand malheur ?
Une mort inopinée, tel un accident de route ou un AVC. Malheureusement ou heureusement, on ne peut pas prédire cela.
Votre plus triste souvenir ?
Quand j’étais incarcéré dans les geôles du service national de renseignement. C’était en mars 2016.Au regard des durs moments que le pays traversait, je ne pensais pas m’en sortir indemne.
Le plus haut fait de l’histoire burundaise ?
La solidarité et la maturité dont les Burundais ont fait preuve lors des élections de 1961 pour se défaire du joug colonial.
La plus belle date de l’histoire burundaise ?
Le 28 août 2000, date qui marque la signature des Accords d’Arusha pour la Paix et la Réconciliation. Personnellement, une date inoubliable.
Parce qu’après cette signature, nous avons recouvré une période d’accalmie, les ennemis d’hier sont devenus des amis, pas mal d’exilés ont regagné le bercail. Bref, les Burundais ont montré au monde entier qu’ils peuvent vivre ensemble malgré leurs différences d’idées, d’ethnies, etc.
La plus terrible ?
Toujours le jour où j’étais coffré par les agents du SNR. C’était le 29 mars 2016.
Le métier que vous auriez aimé exercer?
Militaire. Depuis tout enfant, je me suis toujours vu en tant que Colonel Mugenzi Alfred. Malheureusement, en classe les résultats n’étaient pas assez fameux pour que je puisse embrasser cette carrière. Cependant, je dois reconnaître qu’à cette époque, la carrière était très prisée.
Votre passe-temps préféré ?
Un verre de bière en bonne compagnie des amis. Un moment de grâce. A travers leurs blagues, je puise mon inspiration.
Votre lieu préféré au Burundi ?
Mukike, précisément à Rukina, chez mes grands- parents. Un moment de pur bonheur quand j’y rencontre les cousins, les tantes et les oncles. On parle du tout et de rien, on se lance des blagues salaces, etc. Souvent, toute cette bonne ambiance, autour d’une bonne bière de sorgho et d’un plat de petit pois mélangé aux pommes de terre.
Le pays où vous aimeriez vivre ?
En Espagne, plus précisément dans l’archipel des Baléares, sur les îles Ibiza. J’entends souvent dire que là-bas, il fait bon vivre, avec ses belles plages. Je ne m’opposerai pas à l’idée d’une retraite dorée avec ma future femme.
Le voyage que vous aimeriez faire ?
J’aimerais visiter l’Australie, Un vaste pays, à mes yeux, qui demeure encore inconnu, à l’instar de ses terres sauvages.
Votre rêve de bonheur ?
Comme n’importe quel parent, j’imagine, je rêve de vivre assez longtemps pour assister au mariage de mes petits-enfants.
Votre plat préféré ?
Je ne sais pas si les gens vont me croire, mais je raffole du plat que les Burundais appellent communément mélangé (du riz, mélangé au haricot et aux pommes de terre).
Votre chanson préférée ?
Mendiant d’amour d’Enrico Macias. Il y a des mots tellement forts qui rappellent qu’il n’y a plus beau que l’amour.
Quelle radio écoutez-vous ?
Buja FM
Avez-vous une devise ?
Je n’en ai pas. Mais si je devrais en avoir. Je dirais de profiter de chaque instant de plaisir comme étant le dernier.
Votre souvenir du 1er juin 1993(le jour où le président Melchior Ndadaye a été élu) ?
A l’époque, j’avais 10 ans, donc bien grand pour comprendre certaines réalités. Et, je vous dirais que la nouvelle a pris de court tout le monde. A commencer par mes parents, les voisins, tout le monde est tombé des nues. Personne n’en revenait pas. Autant dire que pour eux, la victoire de l’Uprona était prévisible. Il était vain d’envisager une défaite de l’Uprona.
Votre définition de l’indépendance ?
C’est quand tu es en mesure de prendre tes propres décisions sans recevoir des injonctions d’autrui. Et ce, dans l’intérêt général de la population quand il s’agit d’un pays.
Votre définition de la démocratie ?
Un état de droit où tout ce qui se décide dans un pays, se fait avec l’aval du peuple, ceci pour son intérêt. Un gouvernement du peuple pour le peuple et par le peuple, comme les politiciens aiment le dire.
Votre définition de la justice ?
Un état de fait où personne n’est sensé être au-dessus de la loi.
Si vous étiez ministre de l’Economie, quelles seraient vos premières mesures ?
Ne dit-on pas que trop d’impôts tuent l’impôt. J’exempterai ceux qui œuvrent dans l’informel de payer l’impôt directement. A mon avis, une façon qui stimulerait leur esprit d’initiative. Toutefois, ceci ne veut pas dire qu’ils ne contribueraient pas. Je chercherai un cadre (associations…) dans lequel ils contribuent sans pour autant se faire saigner.
Si vous étiez ministre de l’Environnement, quelles seraient vos premières mesures ?
Je ferai du reboisement un devoir citoyen.
Croyez-vous à la bonté humaine ?
Je pense que cela est relatif .Toutefois, je peux affirmer que les Burundais ont gardé cette once de l’Ubuntu. Regardez combien ils sont bienveillants les uns envers les autres dans les moments de peine. Une vertu rare de nos jours.
Pensez-vous à la mort ?
Souvent même ! Quand je reviens d’un enterrement d’un être cher, je m’imagine cette scène. Surtout, les mauvais amis qui feindront de pleurer alors qu’ils n’en ont pas envie.
Si vous comparaissez devant Dieu, que lui direz-vous ?
J’implorerai son pardon pour tous mes péchés. En cas de refus, je lui demanderai qu’il m’accorde ne fût-ce que le purgatoire.
Propos recueillis par Hervé Mugisha