Dans le Burundi traditionnel, le soir, au coin du feu, la famille réunie discutait librement. Tout le monde avait droit à la parole et chacun laissait parler son cœur. C’était l’heure des grandes et des petites histoires. Des vérités subtiles ou crues. L’occasion pour les anciens d’enseigner, l’air de rien, la sagesse ancestrale. Mais au coin du feu, les jeunes s’interrogeaient, contestaient, car tout le monde avait droit à la parole. Désormais, toutes les semaines, Iwacu renoue avec la tradition et transmettra, sans filtre, la parole longue ou lapidaire reçue au coin du feu. Cette semaine, au coin du feu, Alain Olivier Aymeric Niyungeko alias Mutombola.
Votre qualité principale ?
Etre à l’écoute d’autrui.
Votre défaut principal ?
L’incrédulité. Impossible de gober une chose sans que je l’ai vue ou entendue par moi-même.
La qualité que vous préférez chez les autres ?
L’ouverture d’esprit.
Le défaut que vous ne supportez pas chez les autres ?
La prétention. Je supporte mal les gens prétentieux qui sans cesse critiquent. Tant qu’elles sont objectives, elles sont souvent constructives.
La femme que vous admirez le plus ?
Ma mère. Une femme aux vertus incommensurables. Veuve depuis 1972, elle a pu faire de ses fils les hommes que nous sommes. Mon père est parti un bon matin d’avril 1972 pour ne plus revenir. Il était originaire de Ngozi.
L’homme que vous admirez le plus ?
Jésus Christ, notre sauveur. Un modèle sans pareil.
Votre plus beau souvenir ?
La qualification à la phase finale de la Coupe d’Afrique des Nations. A titre personnel, c’était une revanche. Parce qu’en 1995, lors de la CAN Junior, j’avais été écarté à la dernière minute par Baudoin Ribakare, alors coach. Il a fallu du temps pour digérer la décision. Très en jambes en ce temps-là, en même temps capitaine de la sélection nationale, je pense que j’avais ma place. Sur le plan national, c’est un rêve de tout un peuple qui est devenu réalité.
Votre plus triste souvenir ?
En pleine campagne qualificative pour la CAN junior de 1995, j’ai raté mon test national de 1ère année (actuel examen d’état). Même aujourd’hui, un choix que je regrette amèrement. Outre que j’étais bon en classe, cela a créé un fossé avec ma mère. Elle ne m’a pardonné que sur son chevet d’hôpital, la veille de sa mort. Franchement, chaque fois que je me rappelle cette période, j’ai un nœud dans l’estomac.
Quel serait votre plus grand malheur ?
Avec cette fièvre électorale, je crains que le Burundi ne replonge dans les affres de la guerre.
Le plus haut fait de l’histoire burundaise ?
Agrandissement des frontières du pays par le roi Ntare Rugamba.
La plus belle date de l’histoire burundaise ?
L’indépendance du pays, le 1er juillet 1962. Après des décennies sous le joug colonial, le Burundais a retrouvé sa dignité.
La plus terrible ?
Les événements de Ntega- Marangara en 1988. C’était horrible les vies des gens emportées en un si court laps de temps.
Le métier que vous auriez aimé faire ?
Officier de l’armée. Avec mon corps athlétique, je m’imaginais en grande tenue d’apparat des officiers. Hélas, le destin en a voulu autrement. A défaut de bonnes notes, je ne pouvais pas être admis à l’Iscam. Mais, rassurez-vous, je ne me plains pas en tant qu’entraîneur.
Votre passe-temps préféré ?
Regarder un match de football à la télé. Parce que sur le terrain, le plaisir n’est au rendez-vous qu’à la fin de la partie, en fonction du résultat.
Votre lieu préféré au Burundi ?
Les plages du lac Tanganyika.
Le pays où vous aimeriez vivre ?
Sans hésitation, l’Allemagne. Le pragmatisme du peuple allemand est sans égal.
Le voyage que vous aimeriez faire ?
Honnêtement, je ne vois pas tirer ma révérence sans avoir visité les Etats Unis d’Amérique. Tous ses lieux prisés : Los Angeles, Hollywood, les plages de Malibu, le mont Rushmore, etc.
Votre rêve de bonheur ?
Voir mes enfants grandir, fonder leurs foyers…
Votre plat préféré ?
Des lasagnes.
Votre chanson préférée ?
Yesterday des Beatles. Elle rappelle sans cesse à autrui d’où il vient et où il va.
Quelle radio écoutez-vous ?
Pour les informations sportives, Buja Fm, c’est mon 1er choix. Sinon pour les informations générales, j’écoute Isanganiro.
Avez-vous une devise ?
Sois toi-même, n’imite jamais!
Votre souvenir du 1er juin 1993(le jour où le président Ndadaye a été élu) ?
Une désillusion totale. Avec tous mes amis, nous sommes tombés des nues. Lors du dernier jour de la campagne électorale, nous nous étions rendus à Rumonge. Tout le monde donnait l’Uprona vainqueur. Une déception lorsqu’on a proclamé les résultats. Une preuve qui montre à suffisance que quand le peuple décide de prendre en main sa destinée, il est difficile de l’arrêter.
Quelles sont les qualités d’un bon entraîneur ?
Il doit être rassembleur, être à l’écoute de ses joueurs. Faute de quoi, il ne peut pas y avoir cette cohésion du vestiaire qui fait la différence dans les moments de doute…
Quel est ton mauvais choix, depuis le début de ta carrière sportive ?
Ma suspension par la FFB. C’était en 2011, j’ai pris la défense d’un de mes joueurs que la commission des compétitions voulait sanctionner. Au final, trois mois de suspension et un retrait de six points pour mon équipe, alors que nous étions bien partis pour remporter le titre.
Ton commentaire sur les gens qui demandent ton départ de la tête de la sélection nationale ?
C’est tout à fait normal. Mais le fait que je garde encore mon poste, c’est que ceux qui m’ont nommé à ce poste croient encore en moi. Cependant, si jamais il arrive que je parte, je partirai la tête haute. Après tout, mon bilan n’est pas si minable. Sinon, j’estime que j’ai encore à prouver.
Peut-on espérer revoir le Burundi à la Coupe d’Afrique des Nations?
Absolument. Seuls les débuts sont difficiles. Toutefois, c’est un projet parmi tant d’autres. Quand on veut on peut, dit-on. Avec un réaménagement de notre manière de travailler de la base au sommet (la formation dans les académies, etc), on pourrait goûter de nouveau à ce plaisir.
La loi sur le sponsoring du sport est-elle opportune ?
Sa mise en oeuvre tarde. Parce qu’à l’heure actuelle, le football c’est du business. Nos dirigeants du club ne peuvent pas dépenser sans rien recevoir en retour. Aussi elle permettrait de hausser le niveau des championnats. Sans oublier qu’il y a des clubs qui disparaissent à cause du manque de moyens financiers.
Votre définition de l’indépendance ?
C’est lorsque les fils du pays sont en mesure de choisir les axes politiques, socio-économiques… pour le développement de leur pays.
Votre définition de la démocratie ?
C’est lorsque les idées majoritaires, les bons projets de société, prévalent sur la majorité politique ou la majorité ethnique.
Votre définition de la justice ?
Egalité de tout le monde devant la loi.
Si vous deveniez président de la Fédération de football du Burundi(FFB), quelles seraient vos deux premières mesures ?
-Primo, je dirais que c’est toujours une bonne chose qu’un ancien joueur occupe une telle fonction. J’accorderais la priorité aux joueurs, leur donnerais la place qu’ils méritent, prendrais en compte leurs doléances.
-Secundo, faire feu de tout bois pour une bonne gestion rigoureuse des subsides de la Fifa et d’autres fonds.
Si vous deveniez ministre des Sports, quelles seraient vos mesures ?
-Instaurer un dialogue permanent, au moins mensuellement organiser des états-généraux de chaque discipline sportive.
-Plaider pour une revue à la hausse du budget alloué audit ministère.
Croyez-vous à la bonté humaine ?
Chaque homme né naturellement bon. Seulement les intérêts, les enjeux, l’esprit vil de la société font qu’il change.
Pensez-vous à la mort ?
C’est un passage obligé. De son vivant, chacun doit faire le bien, respecter autrui dans ses différences. Après tout, le paradis se gagne sur terre.
Si vous comparaissez devant Dieu, que lui direz-vous ?
Je le remercierai pour tous ses bienfaits. Je lui demanderai de m’accorder une petite prolongation. Qui sait ? Même Lazare est ressuscité d’entre les morts (rires).
Propos recueillis par Hervé Mugisha