Dans le Burundi traditionnel, le soir, au coin du feu, la famille réunie discutait librement. Tout le monde avait droit à la parole et chacun laissait parler son cœur. C’était l’heure des grandes et des petites histoires. Des vérités subtiles ou crues. L’occasion pour les anciens d’enseigner, l’air de rien, la sagesse ancestrale. Mais au coin du feu, les jeunes s’interrogeaient, contestaient, car tout le monde avait droit à la parole. Désormais, toutes les semaines, Iwacu renoue avec la tradition et transmettra, sans filtre, la parole longue ou lapidaire reçue au coin du feu. Cette semaine, au coin du feu, Abdul Kassim.
Votre qualité principale?
La générosité. Une qualité héritée de l’enfance car à la maison, mes parents veillaient toujours à ce que nous ayons des invités autour de la table pour partager le repas. Cela m’a rendu très sensible à autrui. Je ne rate jamais par exemple une occasion de faire de l’aumône aux mendiants des rues.
Votre défaut principal?
La colère. J’y cède facilement surtout face à des cas d’injustice.
La qualité que vous préférez chez les autres?
La simplicité et l’écoute, surtout de la part des dirigeants politiques. Un bon politique ne doit pas être déconnecté des réalités du peuple et encore plus, doit-t-il être à son écoute.
Le défaut que vous ne supportez pas chez les autres?
L’orgueil et le mensonge.
La femme que vous admirez le plus?
Ma mère. J’admire sa force car du haut de ses 85ans, c’est une femme qui pète la santé. Et comme tous les enfants vis-à-vis de leur mère, je lui dois tout.
L’homme que vous admirez le plus? Pourquoi?
En tant qu’ancien scout, Robert Baden Powell. Ancien militaire, il a eu le génie de mettre ses connaissances acquises au sein de l’armée au service d’une jeunesse britannique désœuvrée à qui il a appris l’indépendance, la confiance en soi et le sens de l’honneur. C’était le début du scoutisme.
Votre plus beau souvenir?
Le jour de mon mariage. J’étais tout émoustillé et confiant en un avenir meilleur.
Votre plus triste souvenir?
Les jours des décès de mon père et mon épouse (morte récemment en Juin 2019).
Quel serait votre plus grand malheur?
Perdre des êtres chers est toujours un grand malheur pour moi. J’ai du mal à imaginer par exemple la douleur que ça me ferait de perdre un de mes trois enfants.
Le plus haut fait de l’histoire burundaise?
La lutte de feu président Melchior Ndadaye en faveur de l’avènement de la démocratie au Burundi.
La plus belle date de l’histoire burundaise?
Le 1er juillet 1962. Le jour où les burundais se sont sortis de décennies d’oppression coloniale pour entrer dans l’ère de la liberté.
La plus terrible?
Le jour de l’assassinat du prince Louis Rwagasore (13octobre 1961). Un mois plus tôt, à l’occasion de la victoire de son parti UPRONA aux élections législatives, il a prononcé un discours qui est entré dans les annales de l’histoire où il était beaucoup question de la dignité du peuple burundais. Un vœu cher au prince qui, avec les instabilités politico-sécuritaires que notre pays a connues par la suite, est vite tombé dans le néant.
Le métier que vous auriez aimé faire?
Militaire. J’ai toujours adoré le sens de l’ordre et la discipline enseignés à l’armée. Malheureusement pour moi, le destin en a décidé autrement (Sourire).
Votre passe-temps préféré?
La lecture et les bons moments d’échange avec mes amis.
Votre lieu préféré au Burundi?
Ma région natale en commune Butihinda dans la province Muyinga. J’y ai gardé de bons souvenirs d’enfance et je ne rate jamais l’occasion d’aller y faire un tour quand je suis un peu libéré de mes obligations professionnelles.
Le pays où vous aimeriez vivre?
Le Burundi, sans aucune hésitation. J’ai vécu quelques années à l’étranger et j’ai appris qu’on n’est jamais à l’aise que chez soi avec des gens avec lesquels vous partagez la langue maternelle, un outil majeur de compréhension mutuelle.
Le voyage que vous aimeriez faire?
J’aimerais visiter les villes de Nadjaf et Kerbala en Irak.
Votre rêve de bonheur?
Le jour où les Burundais dépasseront les clivages ethniques et régionaux pour enfin comprendre qu’ils constituent avant tout une seule et même nation.
Votre plat préféré?
Les bananes plantain accompagnées de haricots (Rire)
Votre chanson préférée?
« Ewe Burundi» de Canjo Amissi.
Quelle radio écoutez-vous ?
Principalement la deuxième chaîne de la Radio Nationale. Parfois aussi la RFI. Sans oublier la chaîne France24 que j’aime regarder.
Avez-vous une devise ?
La serviabilité et le sens du travail bien fait.
Votre souvenir du 1er juin 1993 ?
A cette époque, je n’étais pas au pays et peu au fait de l’atmosphère qui y régnait à ce moment-là. Mais je suis quand même reconnaissant à l’ancien président Pierre Buyoya d’avoir cédé le pouvoir sans créer des problèmes.
Votre définition de l’indépendance?
La fin des inégalités sociales. Je suis toujours révolté de voir tant d’étalage de richesses chez certains et tant de misère chez beaucoup d’autres. Un Burundi indépendant est un Burundi où tout le monde vit dignement.
Votre définition de la démocratie ?
Des dirigeants qui ont conscience qu’ils ont des comptes à rendre au peuple. Il n’est pas normal par exemple qu’un citoyen sollicite une entrevue auprès de son gouverneur ou administrateur communal et ne récolte que condescendance ou refus déguisés. Dans une démocratie, les élus ne sont pas là pour jouer aux petits rois mais pour servir le peuple.
Votre définition de la justice ?
La vraie justice commence dans nos interactions avec les autres. Le jour où chacun veillera à se conduire correctement envers les autres, il n’y aura plus de tribunaux.
Si vous étiez ministre de l’Education, quelles seraient vos deux premières mesures ?
Je militerais pour un meilleur budget dédié à l’éducation qui me permettrait de travailler sur deux leviers majeurs de dysfonctionnement : La revalorisation du métier d’enseignant et la promotion d’un enseignement de qualité.
Si vous étiez ministre de la Justice, quelles seraient vos deux premières mesures ?
(Embarrassé). Honnêtement, je n’ai pas tout de suite la réponse à cela mais je dois dire que la corruption dans la magistrature et la lenteur de la justice sont les deux choses qui m’indignent le plus dans ce domaine.
Croyez-vous à la bonté naturelle de l’Homme ?
L’homme naît bon mais c’est l’éducation reçue et la société qui, par la suite, le transforme. Il suffit de voir la façon dont les enfants en bas âge agissent souvent avec amour.
Pensez-vous à la mort ?
Tous les jours. Et avec le temps, j’ai appris à ne plus en avoir peur. En plus, en tant que croyant, Dieu est mon maître. Et si le maître m’appellait pour se rapprocher de moi, ce serait un honneur.
Si vous comparaissiez devant Dieu, que lui diriez-vous ?
Je lui dirais merci.
Propos recueillis par Alphonse Yikeze