Dans une société, les discours tenus par les responsables politiques sont scrutés à la loupe. Si ce sont des messages violents, la société en souffre. Le politologue Elias Sentamba appelle à la responsabilité.
Des leaders profèrent des messages haineux contre leurs adversaires potentiels. Pourquoi ?
J’ai vu certains leaders politiques se lancer des messages pas toujours doux. Tout se faisant comme s’ils montraient qu’ils sont des bons. Que leurs adversaires sont mauvais.
Mon analyse est que c’est normal pour chacun de ces leaders politiques de percevoir, de voir, lire, de comprendre l’autre, le leadership à sa façon. Car chacun perçoit les faits à sa façon en fonction des intérêts qu’il défend. Il lance des messages de haine pour mobiliser ses partisans.
Ces messages de haine incitent l’auditoire à se lever contre son adversaire et vice versa. C’est un appel à la violence générale. Et cette dernière est contre-productive. Pour les autres et pour eux-mêmes qui les instrumentalisent.
C’est une faiblesse de la culture politique en direction de la démocratie. Chaque leader devrait comprendre qu’il n’est pas tenu d’être d’accord avec son adversaire. Mais il est tenu à le respecter. Il n’est pas obligé d’aimer ses concurrents.
Selon vous, comment doit se faire l’opinion face aux discours tenus par les politiques ?
Malheureusement, l’opinion se positionne en fonction du leader derrière lequel elle se trouve. Si vous avez un leader A et qu’il y a une certaine opinion qui est derrière lui, il y a risque d’entrer dans la violence incalculable. Or l’opinion elle-même manque de culture démocratique. Elle devrait dire aux leaders : vous êtes au service de la nation. Vous devez donner l’exemple d’une communication non violente. Le minimum est que tous les camps respectent l’état de droit. On doit respecter son adversaire.
S’il est au pouvoir, on attend qu’il termine son mandat. On ne demande pas aux gens de s’embrasser sur la bouche mais d’avoir un sens de respect mutuel. Ici les auditeurs ne se laissent pas entraîner dans la violence.
Est-ce un danger pour la société si les discours violents persistent ?
Absolument. J’ai vu des autorités fâchées sur les réseaux sociaux contre leurs adversaires. C’est un mauvais exemple. Au football, c’est le fairplay. Après le match, on se sert la main. Il faut être vaincu et convaincu.
S’incliner devant la défaite est un signe de sagesse. On prend alors des projets pour la prochaine compétition selon les règles du jeu. Mais mobiliser les gens par la haine c’est malsain.
Les violences de masse se répandent. Je prends l’opportunité pour appeler les leaders à la prudence. Un opposant doit exister. Les postes intéressants sont minimes mais les candidats sont nombreux.
Celui qui mobilise la haine contre les autres et normalement puni par la loi. Le respect de la loi nous manque encore.
Propos recueillis par Jérémie Misago
@Kaziri
La paix avec Dieu revient à la paix avec eux-mêmes car Dieu est une représentation (invention) de l’homme.
C’est malheureusement un fait dans notre pays: plus on se montre virulent dans ses discours, plus on monte de grades dans l’hiérarchie politique. Les modérés sont taxés de faibles ou vendus.
À mon avis, ce sont les discours de haine des leadeurs qui ont nourri et engendré les cycles de violence de masse en 1965, 1972, 1993, et ça continue aujourd’hui. La loi ? Si elle avait été appliquée, on ne serait pas où on est rendu maintenant. Haïr son voisin jusqu’à lui ôter la vie seulement parce qu’il est soupçonné de penser différemment, de ne pas être dans le même parti politique….
Certains leaders manipulent les masses populaires avec des discours de haine. Il viendra un moment où l’amour devra triompher.
Les leaders doivent constamment se poser la question de savoir s’ils ont 3 sortes de paix: la paix avec Dieu, la paix avec leur prochain et la paix avec eux-mêmes.
Un vrai leader a toujours à ses lèvres des mots apaisants et non brûlants
Aussi ces discours haineux constituent une sorte de socialisation politique. Il arrivera donc un moment où tous les Burundais se retrouveront dans le camp des personnes violentes. Nous sommes le produit de ce que nous faisons ou recevons de la part de la société. Nous sommes infine le produit de la socialisation. Et si nous sommes socialisés à la violence, celle-ci doit se révéler rémanent.