Dépourvus de marques ou avec des étiquettes frauduleuses, sans adresse d’usine de production…. Certains jus vendus ne remplissent pas les normes de qualité dans la ville de Bujumbura. « Une menace pour la santé », alerte un activiste de la société civile.
Nezerwa soft, pineapple juice, coriandre gingembre, impemburo, Safi tangawizi, … ces jus figurent sur la liste établie, début juillet, par le bureau burundais de normalisation et contrôle de la qualité (BBN).
Cet organe répertorie une liste de 30 jus non certifiés, mais en vente sur les marchés. Or, selon Jean-Marie Niyokindi, ministre en charge de l’Industrie, tous les fabricants devraient d’abord avoir une certification du BBN. Mardi, après une descente sur terrain, il a réaffirmé que toutes les sociétés doivent respecter les normes. « Sinon, elles seront rayées de la liste des fabricants de jus.» Aux fabricants artisanaux, il leur a demandé d’améliorer leur technique et privilégier l’hygiène. Les utilisateurs des étiquettes frauduleuses ont été mis en garde : «C’est une infraction punie par la loi.»
A tous ces illégaux, un délai de trois mois leur a été accordé pour se conformer à la loi. Au cas contraire, des sanctions telles que la fermeture de ces sociétés seront prises. Et de hausser le ton : « Mon institution ne pourra pas continuer à cautionner ces entreprises à produire des jus sans qualité et sans respecter aucune norme. C’est un clin d’œil que le ministère vous fait pour que vous rentriez dans les normes.»
La santé des consommateurs menacée
Sans donner plus de détails, le ministre Niyokindi a souligné que de tels produits, hors-normes, sont dangereux pour la santé. Contacté, Dr Janvier Nihorimbere, a indiqué que des jus non certifiés peuvent abîmer les organes tels que le foie et le cerveau. « Une fois touchés, les complications s’étendent sur d’autres organes comme les poumons, le cœur et les reins.» Périmés, les jus deviennent des poisons avertit le médecin. Faustin Ndikumana, président de la Parole et actions pour le changement des mentalités (Parcem), parle d’un investissement perdu : « Ces produits sans contrôle menacent la santé de la population. Un coût supplémentaire sera engagé pour soigner les maladies liées à leur consommation.»
Il accuse le BBN de ne pas remplir convenablement ses missions. « Il est déplorable que des produits non certifiés inondent la capitale alors qu’il y a un service public chargé de la certification. » Pour lui, c’est ce dernier qui devrait faire la sensibilisation aux bonnes pratiques. Il dénonce en outre la lenteur du gouvernement dans la prise de décision pour des questions aussi sensibles.
Ainsi, il appelle les consommateurs à la prise de conscience pour ne pas s’autodétruire. D’après M. Ndikumana, l’existence de tels produits sur le marché est un indicateur de la corruption. « Les corrupteurs limitent la capacité du gouvernement. Ce qui a des répercussions négatives sur la vie des citoyens ».
Le BBN mis en cause
Les fabricants expliquent la non-certification de leurs jus par la lenteur du bureau burundais de normalisation et contrôle de la qualité (BBN) dans la délivrance des certificats d’analyse. « Il (BBN) nous a trahis tout simplement. Ça fait plus de six mois que cet organe a prélevé des échantillons de mes produits. Mais jusqu’aujourd’hui, aucun résultat n’est sorti de ses laboratoires», se lamente Samson Habimana, directeur de Valfruit, une société de fabrication du jus « Gingembre imbungabunga buzima ».
Cet investisseur affirme avoir payé 800 mille BIF pour la certification et 450 mille BIF pour l’analyse des échantillons. « C’est presque la moitié de mon capital.» Il espérait commencer les activités et récupérer son argent. Une lenteur qui lui a déjà coûté cher : « En 2017, j’avais loué une maison à Bujumbura qui devrait servir d’usine de transformation pour un montant de 5 millions de BIF. Je n’ai travaillé que deux mois. »
Son certificat d’une validité d’une année lui a été délivrée au mois d’octobre alors qu’il avait introduit la demande au début de l’année 2017. Sidéré, M. Habimana a dû déménager vers Cibitoke pour diminuer les frais de loyer. Là aussi, suite au manque des documents, le coût de loyer est déjà à 2 millions de BIF alors qu’il n’est pas en train de travailler.
Cet agriculteur d’ananas est obligé de vendre sa production sans valeur ajoutée, à bas prix. « J’avais un projet de transformer mes ananas en jus. Comme je n’ai pas encore de certificat, je suis obligé de les vendre à perte. Les ananas ne sont pas conservables pour une longue durée.»
Pour lui, le BBN devrait réduire considérablement le délai d’analyse des échantillons.
Isaac uwizerimana, directeur technique de la société de fabrication des jus « Impeburo Burundi company», abonde dans le même sens : «Ma société a déposé tous les documents nécessaires pour la certification en avril dernier. Mais jusqu’aujourd’hui, elle n’a pas encore obtenu les certificats d’analyse.»
Avec un certificat invalide, son usine installée à Gatunguru, commune Mutimbuzi, province Bujumbura, continue à fabriquer deux types jus : le jus naturel et le jus de gingembre.
Il accuse le BBN d’être lent dans l’attribution de nouveaux certificats, ce qui affecte son entreprise. Ses ventes ont été réduites de moitié. « Nos clients sont de plus en plus méfiants. Ils disent que nos jus ne respectent pas les normes de qualité. Ce qui n’est pas le cas ». Et de préciser qu’il a payé 400 mille BIF pour la certification et 450 mille BIF pour l’analyse de l’échantillon.
T.C., un autre fabricant du quartier Buterere, indique que sa société produit des jus sans les certificats du BBN. « J’ai seulement les documents de l’Agence de promotion des investissements (API) qui autorise la création d’une entreprise ». Il n’est pas au courant de l’existence de cet organe de contrôle de qualité. « Aucune autorité publique n’est venue me dire que je dois avoir un certificat de BBN».
Le ministère en charge de l’industrie reconnaît la lenteur du BBN dans la délivrance des certificats. « Il n’est pas totalement équipé. Il a juste un équipement minimum ». Le ministère est en train de chercher des moyens pour l’équiper. Ainsi, l’opération de certification sera rapide.
Pour sa part, contacté, mercredi 26 septembre, le directeur de BBN a simplement indiqué, avant de raccrocher son téléphone, que les accusations des fabricants des jus ne sont pas fondées.