Honni par de nombreux Burundais qui lui attribuent, à tort ou à raison, un présumé plan éponyme d’extermination de l’élite hutu en 1972, ce proche du président Michel Micombero n’a jamais fait l’unanimité jusqu’à sa mort, le lundi 22 juillet. Dans son livre, Arthémon Simbananiye nie tout.
Tout ce qui fait référence à cet ancien ministre de la Justice sous Mwambutsa, puis sous Ntare V et même sous Micombero, tombeur de la monarchie burundaise et présumé responsable de ces tragédies, dont celle de 1972, suscite polémiques et controverses.
L’homme a occupé de hautes fonctions. Cet ancien procureur de la République, puis patron des services secrets, secrétaire d’État, ambassadeur extraordinaire et ministre plénipotentiaire après la dissolution du gouvernement par le chef de l’État Michel Micombero le 29 avril 1972, a terminé sa carrière en tant qu’ambassadeur du Burundi auprès de l’ONU à New York et auprès de l’OUA à Addis-Abeba sous Bagaza, avant de devenir pasteur.
Et c’est sous cette dernière casquette que cet homme, réputé stratège, a tenté et réussi à se rapprocher du pouvoir du président Pierre Nkurunziza. Mais pas pour longtemps, l’histoire l’a rattrapé, l’obligeant à s’éclipser, à se murer dans le silence avant de prendre le chemin de l’exil pour se consacrer à écrire ses mémoires afin de s’expliquer et de démentir tout ce que l’opinion lui a « collé ».
Les quelques journalistes qui ont essayé d’en savoir plus sur le fameux plan, le « plan Simbananiye », n’ont jamais réussi à le faire parler. L’homme était toujours sur la défensive. « S’agissant de l’interview que j’ai eue avec la BBC en 2008, je voudrais préciser que le journaliste, oubliant toute déontologie de son métier, à savoir la neutralité, s’est comporté plutôt comme un accusateur qui m’interrompait tout le temps pour ne pas entendre ma version des faits, étouffant du coup la vérité », se justifie-t-il à la page 287 de son livre, « Mémoires d’un dirigeant burundais dans une période bousculée (1965-1985) ».
Dans la 5ème parution du Magazine Iwacu consacrée aux événements sanglants de 1972, le Groupe de Presse Iwacu a tenté d’avoir une interview avec le Pasteur Arthémon Simbananiye, en vain. Prudent et méfiant, il voyait des pièges partout.
« Mon vœu était d’être directement contacté par Iwacu »
Bref rappel. En 1972, plusieurs localités du sud du pays, notamment à Rumonge, se retrouvent attaquées par des gens armés essentiellement de machettes et se faisant appeler « Maï-Mulele ». Ils visent des familles tutsi, et même Bujumbura n’est pas épargné.
Une répression musclée, disproportionnée, voire aveugle, dirigée à l’échelle nationale contre l’élite hutu de l’époque s’ensuit. L’administration, l’armée, la gendarmerie, la police et la jeunesse du parti au pouvoir, l’Uprona, appelée en renfort, constituent la machine répressive.
Au chapitre de la répression dans le Magazine Iwacu No 5, consacré cette tragédie de 1972, Iwacu écrit que « pour une large opinion, le terrible « Plan Simbananiye » a bel et bien existé, car les événements sanglants de 1972 dépassent une simple répression. Cependant, interrogé par la BBC en 2008, Arthémon Simbananiye a nié toute responsabilité. Contacté par le Groupe de presse Iwacu, il a refusé tout commentaire ».
Pourtant, à la page 286 et à la page 287 de son livre, Arthémon Simbananiye parle des « insinuations du Groupe de presse Iwacu. » Sans vérification et sans preuves, explique-t-il dans son livre, le groupe de presse Iwacu affirme subtilement dans un article d’avril 2012 que le « Plan Simbananiye » a existé.
Avant d’entrer dans le vif du démenti, fait-il comprendre, je fais la mise au point suivante : Je n’ai pas été contacté directement par le Groupe Iwacu mais plutôt par une personne chargée du protocole auprès de l’ancien président Ntibantunganya et qui se disait être parent proche de la personne du Groupe de presse Iwacu qui voulait s’entretenir avec moi au sujet des événements tragiques d’avril 1972.
« J’ai vite compris qu’il y avait là un piège que je devais éviter. Autrement, si j’avais reçu un message du Directeur Antoine Kaburahe, pour lequel j’ai du respect, ou du Groupe Iwacu, j’aurais accepté sans hésiter un seul instant l’invitation », écrit Arthémon Simbananiye.
Interrogé, Antoine Kaburahe indique que les explications de M. Simbananiye ne tiennent pas. « Il aurait pu m’appeler pour vérifier si la personne qui l’a contacté était réellement d’Iwacu, c’est trop facile de se dédouaner comme ça. La réalité, c’est que M. Simbananiye était très difficile à contacter, il évitait les journalistes comme la peste ».
Arthémon Simbananiye se justifie encore : À la page 30 de ce magazine, il est écrit que : « D’après les enquêtes que le Groupe de Presse Iwacu a menées, du nord au sud et de l’est à l’ouest, la répression s’est faite de façon coordonnée et simultanée. » Et donc, d’insinuer du coup que le « plan Simbananiye » a bel et bien existé.
Qu’il y ait eu répression, poursuit-il, on ne saurait le nier, mais de là à affirmer que la responsabilité m’incombe, c’est tout simplement une accusation sans fondement puisqu’à l’éclatement de la crise le 29 avril 1972 et dans les semaines qui ont suivi, je n’avais aucune responsabilité dans la décision.
« Je n’étais ni le président de la République, ni le chef d’état-major de l’Armée nationale, ni membre du Conseil suprême de la révolution. Je venais juste, ce jour fatidique du 29 avril 1972, d’être révoqué comme tous les membres du gouvernement. » Mais c’est ce même jour qu’Arthémon Simbananiye sera l’homme de confiance de Micombero qui le nomme ambassadeur extraordinaire et ministre plénipotentiaire.
Sylvestre Ntibantunganya : la répression était planifiée
Interrogé dans le cadre de ce magazine consacré à la tragédie de 1972, l’ancien président Sylvestre Ntibantunganya n’y va pas avec le dos de la cuillère.
Selon lui, il n’y a pas à douter, le « Plan Simbananiye » est une triste réalité. «Tout ce qui a été dénoncé par le Commandant Martin Ndayahoze, Hutu, ministre de l’Information sous Micombero, va arriver en 1969 : Il y a une tentative de coup d’État dans laquelle sont impliqués des hommes politiques et des officiers hutu dont les commandants Charles Karorero, Nicodème Katariho et le capitaine Bazayuwundi. Le procès est prononcé, ils sont exécutés ».
Dans ce magazine, l’ancien président Ntibantunganya se rappelle aussi de cette tentative de renversement des institutions de 1971. Cette fois-ci, l’ancien chef d’État raconte qu’elle était l’œuvre des Tutsi de Muramvya. Parmi eux, Lazare Ntawurishira, Jérôme Ntungumburanye, Marc Manirakiza, etc. « Toutefois, ils seront graciés par Micombero ».
Dès le 30 avril 1972, raconte-t-il, il y a les premières arrestations qui s’accompagnent d’exécutions de hauts responsables au niveau de l’armée et du gouvernement. Il témoigne avoir vu de ses propres yeux une fosse commune à l’endroit appelé « Ku Mahwane » à Mugera.
Le président Ntibantunganya dit ne pas comprendre cette attitude d’arrêter des Hutu jusque dans les écoles primaires avec des listes préétablies. Et de s’interroger : « Qui les a élaborées ? Sont-elles tombées du ciel ? »
Pas de « Plan Simbananiye »
D’autres personnalités, dont l’historien et spécialiste de la région des Grands-Lacs Jean-Pierre Chrétien et l’ancien chef de la diplomatie burundaise sous la monarchie et retraité de l’ONU, Marc Manirakiza, -condamné à mort puis gracié dans l’Affaire Ntungumburanye -, affirment ne pas connaître ce « Plan Simbananiye » et qu’il n’a jamais existé : « Je n’ai jamais vu un tel document écrit, structuré. Mais ce qui est sûr, c’était l’impunité totale pour tuer un Hutu. Un Tutsi qui tuait un Hutu ne risquait rien. On peut appeler cela comme on veut, mais telle était la réalité ».
Signalons que lors de la présentation du rapport de la Commission Vérité et Réconciliation devant les deux chambres du Parlement en 2021 sur la tragédie de 1972, le président du Sénat, en même temps pasteur Emmanuel Sinzohagera, a demandé à cet ancien proche du Président Michel Micombero de se repentir : « En tant que Pasteur, j’appelle le Pasteur Arthémon Simbananiye, cité dans différents rapports, à demander officiellement pardon aux Burundais. Il aura ainsi libéré beaucoup d’âmes qui ne cessent de se plaindre contre lui ».
Cet homme là est parti dans sa tombe avec ses secrets. Il avait pourtant beaucoup à dire. Et les moyens pour le dire ne manquaient pas : médias divers et multiforme, CVR, …. Il avait l’ambarras du choix.
Et il avait beaucoup à dire, ne fut-ce que pour avoir été un dirigeant de haut rang dans une période clé de l’histoire du Burundi.
Plus encore, il était accusé par beaucoup de Burundais du pire qui était arrivé au pays. En principe, on s’attendait à ce qu’il se batte au moins pour se blanchir et qu’il dise au Burundi sa version des faits. Cela aurait permis au moins de la comparer avec les faits et de tirer peut-être de meilleures conclusions.
Et non! Il a choisi le silence jusqu’à sa mort. Il m’est difficile de comprendre son attitude. Néamoins, Je me dit qu’il a vécu avec un poids terrible dans son coeur, ne fut ce que de part ce qu’on l’accusait dans tout le pays et par beaucoup de Burundais. Il était constamment pointé du doigt mais a choisi de ne rien dire.
Dès lors, je me demande si les gens qui le défendent ont raison de le faire, lui qui a eu une si longue vie,bbien placé, en bonne santé et l’esprit bien sain mais qui a choisi de ne pas se défendre lui-même.
S’il avait simplement prononcé une simple phrase genre « écoutez-moi… » ou « J’ai à dire… », des millions de paires d’oreilles lui auraient été instatanement tendues.
S’il ne l’a pas fait lui même, qui est alors celui qui s’aventurerait à le faire à sa place?
Un genocide ne peut pas être organisé sans l’armée voire le genocide du Rwanda. C’est l’armée burundaise qui est responsable du genocide des Hutus au Burundi. Cet homme Simbananiye était jalousé en particulier dans les milieux Tutsis, étant donné qu’il a occupé des postes importants depuis le règne de Mwambutsa, c’est pour cela qu’on lui a collé ce plan. Mais la logistique a été organisée par l’armée burundaise; veuillez lire les recherches de Chretien. Bien sûr sous l’ordre de Micombero, c’était une dictature.
Si je croyais en Dieu, je dirais que ce personnage ignoble aille rôtir en Enfer. Qu’il ait pu vivre aussi longtemps, en paix, avec tant de crimes sur sa conscience me laisse pantois. Pasteur de me deux!
Mon cher frère
Les injures grossiers sont l’apanage des esprits faibles sur le terrain de l’argumentaire……
Simbananiye Arthémon a eu le courage d’écrire un livre pour éclairer l’opinion publique sur certains faits précis de notre Histoire…. Notamment des faits gravissimes qui lui ont toujours été imputés !
À chacun d’entre nous de donner son point de vue faisant appel à l’intellect et non des invectives dignes des chiffonniers !
Je voudrais préciser une chose apparemment méconnue du Journal Iwacu : Simbananiye Arthémon n’a pas été nommé Ambassadeur Itinérant et Ministre Plénipotentiaire dès l’éclatement de la crise le 29 avril 1972. Non !
Cette nomination est intervenue le 12 mai 1972 (le décret de nomination est là et facile à trouver). C’était pour qu’il aille dans le concert des nations défendre l’image du pays ternie par les médias étrangers étant donné que ces tristes évènements ont été manipulés par des forces occultes étrangères…….
Un embargo physique et psychologique a été décrété sur le Burundi à cause de Nyerere et ces lobbies étrangers !
Simbananiye Arthémon a sillonné les quatre coins de la planète pour revigorer l’image du Burundi et c’est en grande partie grâce à ses offensives diplomatiques que l’embargo a été levé !
Sorti Major de sa promotion au grand séminaire de Burasira en 1957, puis licencié en Philosophie à l’Université Catholique de Louvain en 1961, et derechef licencié en droit à la Sorbonne en France en 1964, l’homme était intelligent et mûr pour maîtriser les méandres et les enjeux de la politique internationale de cette époque. Raison pour laquelle Micombero l’a désigné à ce poste clé ! C’était l’homme qu’il fallait à la place qu’il fallait !
Loin de moi l’idée de brandir sa sainteté ou sa virginité sur le plan politique ! Pour preuve, la mort de Ntare V lui colle sur la peau et je pense qu’il a sa part de responsabilité dans ce triste décès vu que c’est lui qui est allé en Ouganda négocier son extradition forcé !
Chez nous, on a du mal à décrire quelqu’un en évoquant ses qualités et ses défauts ! Simbananiye n’avait pas que des défauts !!! Lorsque vous êtes honni d’une certaine opinion, on ne voit que le côté noir de vos prestations ! J’y vois là une forme de malhonnêteté intellectuelle !
Il( Simbananiye) n’évitait pas les témoignages, tout seulement le climat n’est pas encore favorable.
Tous des menteurs ces politiciens! Et Simbananiye et Ntibantunganya! Tous dans le même panier. Je me demande à quoi servent les « Mémoires » des dirigeants africains et en particulier des Burundais. Demandez à Ntibantuganya si le plan d’extermination des tutsi à la mort de Ndadaye était prévu ? Il vous dira certainement non! Ajoutez y s’il a un jour parlé de » jedebu » en 1993 lors des funérailles de Feu Président Ndadaye ? Il vous dira non . Je n’accorde pas la moindre confiance à aucun politicien burundais pour nous donner les faits et rien que les faits lorsqu’il écrit ses mémoires . Je n’accorde de confiance qu’à ceux qui ne parlent pas , au moins eux se taisent et refusent de raconter des bobards. Et même le livre de Feu Pierre Buyoya , j’ai refusé de le lire car je savais d’avance que ca n’était ques des « mémoires » pour défendre sa politique. Qu’on défende sa politique au moment du pouvoir, ce n’est pas mon problème . Mais après le pouvoir il faut savoir « évaluer » sa politique pour dire que la « mission était impossible » . Par ailleurs faut il vraiment dire la vérité au Burundi et surtout en tant qu’ancien homme d’Etat ou politicien ? Ce n’est certainement pas ce que je conseille . Les Burundais ne sont pas murs pour cet exercice . Et tant pis pour eux ils ne sauront jamais la vérité.
D’abord tu refuses de lire des mémoires et tu viens applaudir ceux et celles qui refusent de parler, ensuite. Mec, tu fais partie du problème du genre un cancer incurable.
@ Kiburundi
Et vous donc , que proposez vous ? Pce est plutôt réaliste mais vous , vous brassez le vent . Salut l’hypocrite .
@PCE
1. C’est quand meme etrange de dire « Et même le livre de Feu Pierre Buyoya , j’ai refusé de le lire car je savais d’avance que ca n’était ques des « mémoires » pour défendre sa politique… »
Comment pouvez-vous savoir ce que quelqu’un va decider de mettre dans ses memoires.
2. Moi j’aurais voulu que le parti au pouvoir CNDD-FDD publie des livres qui racontent ce qui se passait dans le maquis. Ce n’est qu’a travers le recit de Mama Buntu (Denise Nkurunziza) que j’ai quelque idee. L’on dirait qu’il y a trop de secrets qu’on ne veut pas reveler.
3. Je crois qu’un haut dirigeant devrait ecrire des memoires pour que les futures generations puissent apprendre quelque chose. Les gens peuvent discuter sur ce qui est vrai ou mensonge.
@Stan Siyomana
Si vous avez lu les livres de ces politiciens burundais et je pense que vous en savez un rayon sur l’histoire du Burundi , quelles conclusions tirez vous ? Certains parmi nous ont été acteurs dans certaines des crises burundaises , moi même je sais un certain nombre de faits , pas tous hélas, je suis choqué que certains politiciens racontent des contre vérités dans certaines situations alors que certains parmi nous ont vu autre chose? Ceci est valable lorsqu’il s’agit d’évenements bruts. En ce qui concerne des opinions , tout le monde peut dire ce qu’il veut , ca n’est qu’une opinion, mais les faits!!!! Soyons sérieux.
@PCE
Si ces politiciens ont ecrit des mensonges, ce serait une occasion d’ecrire votre opinion sur ce livre et ca pourrait meme influencer la vente de ce livre.
J’ai quand meme quelques livres ecrits par quelques personnes que j’admire, mais en general je prefere lire des articles.
Excellente idée (n°3). Moi je dirais même qu’il faut le plus d’écrits possibles de ceux qui ont vécu des événements graves, hauts fonctionnaires ou pas, parce que c’est la confrontation des ces écrits qui permet de faire jaillir la vérité. Ceci vaut d’ailleurs pour tous les pays de la région.