Dans le cadre du recrutement de nouveaux policiers de la police nationale, la campagne de sensibilisation pour l’entrée des filles dans le corps de police bat son plein. Lieutenant-colonel Christine Sabiyumva, secrétaire générale du Réseau des Femmes Policières estime que le ministère de la Sécurité Publique a fait un pas de géant en ce qui de l’intégration de la dimension genre dans ses missions. Entretien.
Dans le cadre du recrutement de nouveaux officiers de police, la PNB et la coopération néerlandaise ont commencé une campagne de sensibilisation des filles. Pourquoi ?
Le constat est que les femmes sont très peu nombreuses dans la police. Elles représentent à peu près 2,8%. Vous comprenez qu’il y a un besoin de recruter les femmes d’autant plus que le ministère de la Sécurité Publique a déjà adopté une stratégie pour l’intégration du genre dans ses missions.
Quelle est cette stratégie ?
Il existe un plan stratégique 2007- 2017. La police nationale s’est fixée pour objectif d’atteindre un nombre de femmes équivalant à 10% de l’effectif total de policiers. C’est pourquoi, on doit mettre beaucoup d’efforts pour y arriver. Beaucoup de choses ont changé.
Lesquelles, par exemples ?
Actuellement, on prend en compte les besoins spécifiques des femmes. Par exemple, en ce qui concerne les tenues de police et dans les camps, on sépare le côté des femmes de celui des hommes. Le ministère de la Sécurité Publique a également adopté une stratégie genre en mettant sur pied un bureau genre qui s’occupe de toutes sortes de violences faites aux femmes commises à l’intérieur des corps de police. Du coté de la loi, il existe un projet de domestication des textes internationaux protégeant les femmes en les intégrant dans les textes qui régissent les corps de police.
La constitution prévoit au moins 30% des places pour les femmes dans les institutions. Si vous avez décidé de mener campagne en direction des filles, peut-on dire que vous avez constaté un manque d’intérêt des femmes pour la carrière policière ?
Pas du tout. Néanmoins, nous savons que la police fut l’un des corps de sécurité qui était réservé aux hommes. Une politique a été élaborée prenant en compte le genre dans toutes les institutions. Nous devons éveiller les consciences des filles et leur montrer qu’elles peuvent aussi exercer des métiers longtemps considérés comme réservés aux hommes. C’est également l’occasion de démystifier certaines croyances discriminatoires à l’endroit de la femme.
Comment allez-vous vous y prendre pour recruter un plus grand nombre de femmes possible ?
Nous recherchons des filles qui ont un diplôme de licence ou l’équivalent. De ce fait, nous avons commencé à faire la sensibilisation dans les universités. Nous avons déjà fait le tour des universités de Kiremba (sud), Mwaro, Ngozi, Lumière, Lac Tanganika, Institut Supérieur d’Agronomie (ISA) de Gitega. Dans les prochains jours, nous passerons dans le reste des universités.
Certaines filles qui terminent leurs études universitaires sont déjà mariées. Le mariage ne va-t-il pas être un obstacle ?
Oui, c’en est un. Mais, je ne crois pas qu’elles soient nombreuses. De ce fait, on va se focaliser sur les jeunes filles célibataires. Pour les mariées qui veulent être recrutées, il y aura peut-être des dérogations. C’est une question qu’on est en train de discuter avec tous les concernés.
Si vous deviez essayer de convaincre les femmes de s’inscrire, sur quoi devriez-vous insister ?
Sur les avantages qu’elles en tireront notamment. Elles auront du travail et un salaire. De plus, elles occuperont des postes de prises de décision et auront une influence au niveau du corps de police, disons même au niveau national et international.
Est-ce que la longueur du cursus n’est pas de nature à décourager les éventuelles candidates qui ont peut-être déjà envisagé de fonder un foyer ?
La formation durera seulement deux ans seulement. Et je pense qu’il est temps que les filles puissent juger ce qui est important pour elles. Avant de penser au foyer, il faut d’ abord penser aux moyens. Auparavant, les jeunes filles préféraient faire d’abord le mariage. Mais aujourd’hui les choses ont évolué. Il est de plus en plus difficile pour les hommes de prendre totalement en charge leurs femmes et leurs familles. Il faut partager les responsabilités familiales. Fonder un foyer et ne pas avoir les moyens de nourrir les enfants ou de contribuer dans les dépenses familiales, ne doivent plus constituer le lot des jeunes filles.
Est-ce que la culture burundaise ne constitue pas une barrière à l’entrée des femmes dans les corps de sécurité ?
Le temps où certains pensaient que la femme ne peut pas tenir une arme ni commander les hommes est révolu. Continuer à croire que {Nta jambo ry’umugore} (la parole d’une femme n’a pas d’importance), {Inkokokazi ntibika isake ihari}(la poule ne peut chanter qu’en l’absence du coq), proverbes qui discriminent et poussent la fille à s’auto-discriminer est absurde.