Samedi 23 novembre 2024

Archives

Arrestation du Major Désiré Uwamahoro : la piste de l’or de Butihinda

26/11/2012 Commentaires fermés sur Arrestation du Major Désiré Uwamahoro : la piste de l’or de Butihinda

Le Major Désiré Uwamahoro est emprisonné depuis le 16 novembre 2012. Il est soupçonné d’avoir participé au vol de 475 millions de Fbu appartenant à Issa Nkunzumuvunyi, un orpailleur de Muyinga. Iwacu a mené une enquête

Quelques dignitaires et hauts gradés de la police et de l’armée font le commerce de l’or. D’après nos enquêtes, ils sont membres des associations qui exploitent l’or d’une façon artisanale dans le nord du pays. D’après G.P, un orpailleur, ce phénomène est répandu dans la zone Buvumbi de la commune Butihinda.
Il indique que ces hauts gradés font partie de l’association {Komeza Ibikorwa} dont le siège est à Gahararo, à Butihinda.

Selon toujours G.P, cette association est composée par deux groupes : celui des hauts gradés de Bujumbura et l’autre des commerçants ressortissants de Butihinda.
Le premier groupe, raconte notre source, est constitué d’un certain Charles Habimana, ressortissant de Ngozi et président de l’association, Habimana Charles, Désiré Uwamahoro (Police), Kazungu (SNR), Gervais Ndirakobuca (Police), un certain Ndombolo (SNR), le colonel David Nikiza (Police), le général Adolphe Nshimirimana (SNR), et de deux femmes dont notre source ignore l’identité.
Le second groupe est celui des ressortissants de Muyinga composé d’Amuri Niyonzima, le secrétaire de l’association, Nazer Rugengamanzi, de Selemani Bucumi (alias Taiwan), vice-président de l’association, de Ramazani Niyonzima, le chef de zone Buvumbi et d’un certain Radjabu Bukubo.

La source de la tension

Les membres de l’association vivant à Bujumbura ont engagé un certain Team, cousin de Désiré Uwamahoro, pour surveiller les travaux d’exploitation.
Fin septembre de cette année, les orpailleurs découvrent trois kilogrammes d’or. Mais le problème, Team, l’œil du groupe de Bujumbura n’était pas sur place.  Les soupçons et une tension vont naître.
Selon notre source, Kazungu et Désiré Uwamahoro, du groupe de Bujumbura piquent une colère grave. Ils ne croient pas que seuls trois kilogrammes d’or ont été découverts.

Ils soupçonnent une plus grande extraction. On retiendra qu’un kilogramme d’or, confie une source proche de ces orpailleurs, coûte autour de 62 millions de Fbu. Des sommes importantes en jeu. Néanmoins, cette tension entre le groupe de Bujumbura et de Butihinda, est apaisée grâce à la médiation du général Adolphe Nshimirimana et un procureur général de la région.

Malgré cette réconciliation et la reprise des activités de l’association, Désiré Uwamahoro du groupe de Bujumbura et Bucumi Selemani de Butihinda, vont continuer à se vouer une haine viscérale : Uwamahoro accuse Selemani de jouer double jeu car il fait partie d’une autre association d’orpailleurs plus ancienne et visiblement plus riche appelée Kazoza Keza. Celle-ci est présidée par Issa Nkunzumuvunyi, à qui on a dérobé 475 millions de Fbu, le 11 novembre 2012. Vol qui aurait conduit le major Désiré Uwamahoro derrière les barreaux.

Un vol minutieusement préparé

D’après nos sources, le vol était minutieusement préparé. Il est commis dimanche 11 novembre. Issa Nkunzumuvunyi, président de l’association Kazoza Keza regroupant également des orpailleurs a de l’or à vendre. Il descend à Bujumbura.
Un certain Eustache Kenyera alias Torres, militaire et chef de poste à la douane Kobero propose à Issa et Appolinaire Nibizi, comptable de l’association de leur trouver, moyennant une commission, un acheteur à Bujumbura. C’est un homme d’affaires indien vivant au quartier asiatique. Issa accepte le « deal. »
Le même jour, le trio se rend chez le commerçant vers 11 heures. Selon toujours nos sources, les opérations de vente se terminent vers 16 h 30.

Issa Nkunzumuvunyi, l’orpailleur, dépose dans la jeep d’Appollinaire le comptable deux cartons  contenant 470 millions et une sacoche de cinq millions de nos francs.
Fatigué, Issa demande à Eustache le militaire d’attendre la facture chez l’Indien et lui laisse sa voiture communément appelée «Toyota TI » en lui demandant de la ramener après l’avoir fait laver.
Issa Nkunzumuvunyi et son comptable rentrent à Kigobe dans « une maison de passage » louée par Appollinaire le comptable à bord d’une jeep avec les sommes issues de la vente.

A 17 h 28, Torres le militaire informe Issa qu’il vient d’avoir la facture de l’Indien. Issa lui demande alors de les rejoindre immédiatement à Kigobe, de ne plus passer au car wash. Pourtant, le militaire arrivera à Kigobe à 18 h 39, alors que le trajet quartier asiatique-kigobe dure à peine 20 minutes au maximum. Ce détail a toute son importance.

Le trio va dans un bar

Quand Torres arrive à Kigobe, Issa transfère son argent de la jeep vers son véhicule « Toyota TI ». Eustache empoche ses 5 millions de commission. L’affaire est donc conclue.
Toute l’équipe heureuse du « deal » va prendre un verre dans un bar appelé « Peace club », situé à l’avenue de l’amitié, près de Rucsa Plazza vers 19 h.
Issa gare sa voiture à l’entrée du bar avec tout l’argent dedans. Il verrouille bien son véhicule. Curieusement, Torres le militaire-commissionnaire et Appolinaire n’entrent pas au cabaret.

Ils restent à côté, dans un salon de coiffure, au moment où Issa entre au cabaret où il retrouve des amis avec qui il va partager un verre. Ses deux amis eux ne sont pas rentrés au bar.

Issa sort du cabaret à 20 h 23. Il ne retrouve plus son véhicule. Il avise Torres et Apollinaire qui sont restés dehors. Etonnement total. Coups de fil partout. Les trois amis alertent leurs connaissances pour signaler le vol. Joseph Kinyata, commissaire de police en mairie de Bujumbura arrive sur les lieux. Il décide d’arrêter Apollinaire et Torres.

Lundi aucune nouvelle du véhicule. Mardi, un OPJ du SNR annonce à Issa Nkunzumuvunyi que son véhicule vient d’être retrouvé. « Il était dans le quartier Kibenga », précise un témoin. Curieusement, rien n’avait été endommagé sur le véhicule. Aucune trace d’effraction sur les portières notamment. « Les voleurs ont fabriqué une autre clé de contact», avancent les enquêteurs.
Effectivement, jeudi celui qui a fabriqué la clé de contact est arrêté «  C’est un mécanicien de Buyenzi », assure un témoin.

Les soupçons se portent alors sur Torres et Appolinaire. On se souviendra qu’après avoir récupéré la facture chez l’Indien, Torres a mis plus d’une heure pour rejoindre Issa et Appollinaire à Kigobe. Il aurait utilisé ce laps de temps pour faire fabriquer une autre clef de contact de la voiture d’Issa. Ce qui lui aurait permis d’ouvrir les portières sans forcer. Dans la foulée, le major Désiré Uwamahoro est arrêté vendredi. D’après des témoignages, Torres a eu des échanges téléphoniques avec une personne qu’il appelait « mon major ». Or, Désiré Uwamahoro possède le même grade. De surcroît, ces deux hommes entretiennent des liens d’amitié depuis longtemps.

Par ailleurs, d’après toujours nos informations, les agents du SNR ont cherché un relevé téléphonique dans les sociétés de téléphonie mobile. Les relevés téléphoniques ont montré des échanges entre Désiré Uwamahoro et Torres.
Au moment où nous mettons sous presse, Appolinaire le comptable a été libéré. Kenyera Eustache Torres et Désiré Uwamahoro sont toujours gardés au cachot du SNR. Le véhicule d’Issa se trouve également dans les enceintes du SNR.

Qui est Désiré Uwamahoro ?

En 2007, Désiré Uwamahoro a été condamné à cinq ans de prison pour des tortures infligées à une vingtaine de civils, dans la commune de Rutegama, province Muramvya. Mais il n’a jamais été inquiété. Il a également été cité dans de nombreux cas de tortures et d’exécutions extrajudiciaires en 2011.
Les organisations des Droits de l’Homme ont dénoncé à plusieurs reprises la protection dont il jouissait. Aujourd’hui, il est en train d’être interrogé par une commission mixte SNR-Police. D’après des enquêtes menées par cette commission, Désiré Uwamahoro a passé beaucoup d’appels avec Eustache Kenyera, alias Torres, l’un des présumés voleurs. |

Comment devient-on orpailleur ?

Des sources à Butihinda confient que des gens se mettent ensemble et créent une association. Un montant de plus de 10 millions de francs burundais est exigé pour les hauts responsables de l’association et une somme oscillant entre 200.000 Fbu et 300.000Fbu pour les simples orpailleurs.
D’après les mêmes sources, la moyenne des recettes annuelles pour chaque association peut dépasser un milliard de nos francs : « Le gain d’un membre d’une association d’orpailleurs peut atteindre les 10 millions de Fbu tous les trois jours. L’effectif de chaque association étant compris entre 50 et 100 personnes ». Et d’ajouter qu’il y a trois semaines, l’association Kazoza Keza aurait eu une extraction de 750 kilogrammes d’or. Un kilo coûtant près de 62 millions de nos francs, on atteint des sommes hallucinantes…

Conditions d’exploitation

Une fois associés, les membres mettent ensemble les moyens pour la location d’un terrain à exploiter. Ils sollicitent ensuite l’agrément auprès du ministère de l’Energie et des Mines. Cet agrément coûte 5000 dollars américains. Ils présentent une attestation de vacance de terrain, délivrée par la commune comme preuve que le terrain à exploiter existe et qu’il ne présente pas de litiges.

A nos chers lecteurs

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, mais une information rigoureuse, vérifiée et de qualité n'est pas gratuite. Nous avons besoin de votre soutien pour continuer à vous proposer un journalisme ouvert, pluraliste et indépendant.

Chaque contribution, grande ou petite, permet de nous assurer notre avenir à long terme.

Soutenez Iwacu à partir de seulement 1 euro ou 1 dollar, cela ne prend qu'une minute. Vous pouvez aussi devenir membre du Club des amis d'Iwacu, ce qui vous ouvre un accès illimité à toutes nos archives ainsi qu'à notre magazine dès sa parution au Burundi.

Editorial de la semaine

Question à un million

Quelle est cette personne aux airs minables, mal habillée, toujours en tongs, les fameux ’’Kambambili-Umoja ’’ ou en crocs, les célèbres ’’Yebo-Yebo’’, mais respectée dans nos quartiers par tous les fonctionnaires ? Quand d’aventure, ces dignes serviteurs de l’Etat, d’un (…)

Online Users

Total 2 007 users online