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Arrestation de Rwembe : enfin, la justice tant réclamée ?

05/05/2013 Commentaires fermés sur Arrestation de Rwembe : enfin, la justice tant réclamée ?

Michel Nurweze alias Rwembe est derrière les barreaux depuis ce mercredi. Satisfaction de la population qui ne cessait de réclamer son arrestation. Iwacu revient sur quelques cas d’assassinats imputés à Rwembe. Le bilan est lourd.

Gitega fou de joie. Des rumeurs de l’arrestation du grand « tortionnaire » de ce coin du cœur du pays fusent depuis le matin de mercredi. C’est la fête. Certains n’osent pas exprimer leur joie, d’autres n’y croient pas tout simplement. Gitega en avait marre de Michel Nurweze alias Rwembe que certains qualifiaient déjà d’Hitler burundais. Il faisait la pluie et le beau temps. « Il se considérait comme un petit dieu », lâchent des habitants de Gitega. Les familles qui pleurent toujours les leurs peuvent aujourd’hui espérer que justice leur soit rendue. Voici quelques exemples répertoriés parmi plusieurs autres.

<img4853|right>Médard Ndayishimiye, la première victime du « système Rwembe »

5 août 2011. Médard Ndayishimiye, 27 ans, représentant du parti FNL dans la province Mwaro est arrêté dans la ville de Gitega, alors qu’il rentre d’une opération d’installation électrique à Orange Lodge Hôtel. Au chômage pendant deux ans, M. Ndayishimiye avait terminé ses études secondaires Section A2 à l’ETS Kamenge. Selon des informations recueillies à Gitega, il sera conduit dans un véhicule blanc double cabine, la direction de Bujumbura. Le lendemain, il sera retrouvé mort à Ngoma dans la commune Musongati, province Rutana. L’administrateur de Ngoma se charge du transport du cadavre à la morgue de l’hôpital à Rutana.
10 août 2012. Après de longues démarches administratives, sa famille récupère la dépouille mortelle. Toujours choqué par la mort du seul fils qui lui restait, Maxime Ndika explique qu’il avait été ligoté, puis tué à l’aide de cinq coups de couteau au niveau de la gorge et de la poitrine.

M. Ndika fait savoir qu’avant l’assassinat de son enfant, sa maison a été fouillée trois fois de suite par la police et l’armée: « Au mois de juin, le commissaire de police à Mwaro est venu lui-même à minuit. En juillet, il a envoyé des policiers du poste Kibimba. Ils n’ont rien trouvé mais ils sont partis avec deux drapeaux trouvés dans la chambre de Médard. Le 3 août, des militaires de Mwaro sont venus, ils ont voulu entrer par la force, mais ils n’ont pas réussi. » Selon M. Ndika, son fils était accusé de former des rebelles du parti FNL et d’abriter des malfaiteurs. Cependant,
Maxime Ndika rejette ces accusations qu’il juge sans fondement.

Le père de Médard Ndayishimiye soupçonne Bernard Bigingo, déserteur des FAB (anciennes Forces Armées Burundaises), ancien combattant du CNDD-FDD et, aujourd’hui, fonctionnaire du Service National de Renseignements. « Un jour, Médard l’a rencontré à Gihinga. Bigingo l’a menacé qu’il l’éliminera physiquement s’il ne quitte pas le parti FNL », indique-t-il.
Maxime Ndika pense que le colonel Valentin Minani, natif de Nyamugari à Giheta est un autre suspect : « Ils se sont chamaillés dans un bistrot suite aux divergences politiques. Lui aussi a juré de le tuer. »

Toutefois, des sources bien informées à Gitega assurent que Médard Ndayishimiye a été exécuté par Rwembe : « Nous avons des preuves et la façon dont il a été tué démontre que c’est le système Rwembe. C’est sa première victime à Gitega. »

Savin Ndayishimiye a été torturé par Rwembe et ses collaborateurs

Le 28 août 2011 vers 17 heures, Savin Ndayishimiye a été arrêté par des personnes non identifiées. Cet agronome de niveau A2 était au centre d’accueil du diocèse Ruyigi, en train de prendre un verre. Le lendemain, il a été retrouvé par la population près de la rivière Ruvubu, dans un état comateux. Savin Ndayishimiye a été conduit au centre de santé de Mubuga en commune Gitega. Néanmoins, il n’a pas reçu des soins parce que d’après les sources sur place, Rwembe l’a emprisonné à Shatanya dans une maison appelée « Maison de passage 44 » où il a été torturé. Après deux semaines, il a été transféré à la prison de Ruyigi. Curieusement, le tribunal de Grande Instance de Ruyigi vient de le condamner à dix ans de prison.

<img4850|right>Philbert Kimararungu : « Rwembe m’a frappé à coups de poignard »

Dans la nuit de samedi 8 octobre 2011, Philbert Kimararungu a été poignardé par Michel Nurweze alias Rwembe vers 22 heures. Selon le témoignage de ce père de cinq enfants, l’administrateur de Gitega envoie ce jour des policiers pour traquer des bandits armés sur la colline Songa. Ils sont dirigés par Rwembe. Arrivés sur les lieux, raconte-t-il, les policiers ne trouvent pas les malfaiteurs. Curieusement, ils s’attaquent à Philibert Kimararungu parce que les bandits ont été signalés aux environs de son domicile. « Ils ont défoncé la porte et m’ont intimé l’ordre de leur montrer où j’ai caché l’arme à feu parce je travaille avec les FNL», se souvient-il. Selon lui, les policiers procèdent alors à une fouille perquisition, mais ne trouvent rien. D’après Philbert Kimararungu, Rwembe et son équipe le poignardent sur tout le corps. « Ce sont les passants qui m’ont retrouvé le matin, dans une vallée, proche de mon domicile », dit-il.
Toujours selon ses dires, il est conduit à l’hôpital communément appelé ‘Béthanie’ pour des soins. Constatant que le cas s’aggrave, les infirmiers décident de transférer la victime à l’hôpital de Gitega où il passe trois semaines. Toujours d’après lui, Rwembe et ses agents tentent à plusieurs reprises de l’achever à l’hôpital, mais les militaires qui gardent cet hôpital leur refusent l’accès. A la sortie de l’hôpital, Philbert Kimararungu subit toujours des menaces : « Ces policiers sont venus me chercher chez moi et j’ai dû quitter mon domicile. » A cause de ma santé fragile, explique-t-il, le médecin m’a interdit toute activité pendant trois ans. Il demande à tout bienfaiteur de l’aider à faire vivre sa famille.

<img4854|left>Léandre Bukuru, le décapité

Dimanche, 13 novembre 2011 à 7heures, au quartier Shatanya 3 de la ville de Gitega. Léandre Bukuru, 34 ans, originaire de Bukirasazi (Gitega) est enlevé par deux hommes en tenue policière à son domicile. Ce commerçant de friperie au marché de Kinindo et militant du parti MSD s’apprête à aller à la messe quand ses bourreaux lui intiment l’ordre de les suivre. Selon des sources fiables, sa femme, Jeannette Inamahoro, est par la suite battue alors qu’elle demande les raisons de cette arrestation.

Des gens qui assistent impuissamment à cette scène parviennent quand même à garder quelques traces du véhicule qui le transporte : une camionnette de la police nationale, couleur blanche avec une seule plaque, celle de devant no A 107 PN. Après des investigations, nos sources indiquent que le véhicule qui porte cette immatriculation appartiendrait au commissaire général de Mwaro. Des fouilles dans différents lieux de détention sont opérées, mais en vain. Ainsi, sa famille fait recours aux organisations de la société civile à Gitega.

Lundi, 14 novembre 2011 à 6h 30 min. Son corps est retrouvé par une femme qui se rend dans son champ, à 11kilomètres du chef-lieu de Gitega, à la sous colline Mutobo, zone Kiremera de la commune Giheta. Il est décapité, dénudé et ligoté. Après le constat de l’OPJ communal, l’administrateur de Giheta en accord avec la population décide de l’enterrer au cimetière de Rwimbura.

Le pire du drame

Mercredi, 16 novembre 2011 à 8 heures. La tête est découverte par un conducteur de taxi-vélo dans une latrine de l’Eglise protestante Eusebu (Eglise du Saint Esprit au Burundi) située à Nyambeho. Elle sera enterrée en l’absence de sa famille.
Des sources concordantes affirment que trois mois avant sa mort, il avait été arrêté et emprisonné à Gitega par Michel Nurweze alias Rwembe. Ces sources précisent que Rwembe avait exigé que la victime reconnaisse qu’il participe aux activités de bandes armées. D’autres personnes affirment avoir vu Rwembe, seul au volant de la camionnette pendant la journée de dimanche 13 novembre. A ce moment, ajoutent-elles, ses agents de transmission gardaient Léandre Bukuru dans un lieu, qui à l’époque, était tenu secret. Mais d’après nos investigations, l’exécution de Léandre Bukuru aurait été opérée à la permanence du CNDD-FDD située à Bwoga. Nos sources, pour cet assassinat, pointent aussi du doigt un certain Silas (policier), chef du 2ème escadron de Gitega. Il travaille pour le moment à Cankuzo. Elles citent également un certain Gérard du service national de renseignements à Karusi.  
Interrogé par Iwacu, Michel Nurweze alias Rwembe reconnaît seulement avoir emprisonné Léandre Bukuru : « Je ne l’ai pas vu depuis son évasion. » Le commissaire provincial adjoint rejette d’autres accusations. Il assure ne rien savoir sur la mort de Léandre Bukuru : « J’ai appris sa mort comme d’autres citoyens. »

<img4855|left>Juvénal Havyarimana, le « délinquant »

28 mai 2012 à 21 heures à la 3ème avenue du quartier Magarama où il vivait avec ses cousins, Juvénal Havyarimana (Juv pour ses proches et amis), 26 ans, natif de Bugendana (Gitega), reçoit un coup de fil. D’après sa famille, Juvénal, élève en 10ème au Collège de la Comibu à Gitega, est parti sans donner l’identité de son interlocuteur. « C’était à quelques minutes du repas mais il nous a prié de ne pas l’attendre parce qu’ils allaient partager un verre », précise-t-elle. Au bout de 30 minutes, la nouvelle fusait de partout : un jeune homme venait d’être enlevé entre la 2ème et la 3ème avenue à Magarama.

5 juin 2012. Le corps de Juvénal Havyarimana sera retrouvé à Nyabihanga, en état de décomposition. Il sera enterré dans sa commune natale. On se rappellera, entre autres, les propos tenus par le gouverneur de province Sylvestre Sindayihebura, à savoir que le défunt était un délinquant. Comme s’il méritait la mort…
Des sources dignes de foi affirment que les bourreaux du jeune militant du MSD sont Michel Rwaneza, Jean Marie Bizoza, agent de transmission de Rwembe ; un certain Révérien, un policier issu des rangs des FNL qui succédera à Silas au poste de chef du 2ème escadron ; Mohamed Emile, patron de la documentation à Gitega et Gérard alias Rwamenyo, agent de la documentation. Nos sources révèlent que le véhicule qui a servi à l’enlèvement de Juvénal Havyarimana appartiendrait à l’inspecteur régional (centre-est) de la police. Il porte le numéro d’immatriculation A 213A PN. D’autres sources concordantes ne doutent pas que le véhicule de Valentin Nahimana, administrateur de Gitega, jeudi, 31 mai 2012 ,ait été utilisé dans cette affaire.

<img4851|right>Zacharie Ngenzebuhoro : « Rwembe m’a enfermé dans une douche pendant 10 jours »

Dimanche 17 juin 2012 vers 11 heures, Zacharie Ngenzebuhoro a été arrêté par le chef de poste Mubuga. Ce quadragénaire affirme avoir été torturé par Michel Nurweze alias Rwembe pendant presque deux semaines. Actuellement, Zacharie Ngenzebuhoro a quitté son domicile pour se réfugier auprès de l’une des organisations de défense des droits de l’Homme. Son bras gauche a été cassé.
D’après ce père de 8 enfants, il se rend au marché situé dans la zone Mubuga. Le chef de poste de cette localité l’arrête, l’accusant d’être de mèche avec les FNL. Quelques minutes après, révèle Zacharie Ngenzebuhoro, Rwembe et deux policiers l’embarquent à bord du véhicule privé de Valentin Nahimana, administrateur de la commune de Gitega. « Nous avons fait le tour de la ville de Gitega jusque dans l’après-midi », affirme-t-il. Vers 16 heures, se souvient Zacharie Ngenzebuhoro, il est conduit par le même administrateur dans une maison située au chef-lieu de la province. Trois policiers qui gardent cette maison ainsi que Rwembe l’obligent à se déshabiller et à s’allonger à même le sol. « J’ai été battu jusqu’à perdre connaissance. Emile Mohamed, responsable du SNR à Gitega m’accusait de détenir illégalement des armes », raconte-t-il. Zacharie assure avoir été emprisonné dans une douche jusqu’à sa libération jeudi 28 juin.

<img4856|left>Jean Marie Ndayizeye : « Michel Nurweze m’a battu à Magarama »

Le 8 juillet 2012, Jean-Marie Ndayizeye a été roué de coups par Rwembe vers 22 heures. Selon le témoignage de la victime, il se rend à la boutique située à la 2ème avenue dans le quartier Magarama. Arrivé là, Rwembe qui se promène dans les environs l’appelle. « Il a commencé à me tabasser sans aucune autre forme de procès », soutient-il. A ce moment, précise-t-il, personne n’ose venir au secours de ce domestique de peur de subir le même sort. « Rwembe a voulu m’emprisonner au cachot de la police de sécurité, la même nuit, mais les policiers ont refusé parce que je saignais beaucoup », explique Jean Marie Ndayizeye. Il est alors admis à l’hôpital de Gitega où il passe une journée seulement. Le lendemain, un certain Christophe, son patron, exige de ce jeune de 27 ans qu’il quitte le lit d’hôpital pour éviter qu’il soit interviewé par des journalistes. Cependant, Jean-Marie Ndayizeye ne lâche pas. Le 10 juillet, il se rend à l’APRODH, antenne Gitega. Il rédige une lettre dans laquelle il porte plainte contre Rwembe. Au moment d’apposer sa signature, révèle Nestor Nibitanga, responsable de l’APRODH dans les régions centre-ouest, il reçoit un appel de son patron. « Il lui intime l’ordre de retourner à la maison où était également Rwembe. Et Ils lui ont alors demandé de ne pas intenter une action en justice et son patron a accepté de le faire soigner », signale M. Nibitanga. Interrogé par Iwacu, Christophe nie les faits.

Jeudi 26 juillet, Michel Nurweze alias Rwembe a été démis de ses fonctions. A partir de ce mercredi, il a été écroué à Mpimba par la commission mise en place par le procureur général de la République, le 12 juin. Toutefois, des habitants de Gitega estiment que Rwembe était un simple exécutant. Ils se demandent qui payait le loyer de cette ‘maison de passage 44’ de Shatanya. Pour ces habitants de Gitega, il faut mener des enquêtes sur Valentin Nahimana, administrateur de Gitega, qui prêtait son véhicule à Rwembe. Ils soupçonnent également Emile Mohamed, responsable du SNR à Gitega, parce qu’il était souvent présent dans cette maison au moment où on torturait les gens. En outre, ils pointent du doigt le commissaire régional de police, surnommé Wakenya, qui aurait collaboré pendant longtemps avec Rwembe. Nous avons essayé de joindre Emile Mohamed et Wakenya sans succès.
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[Arrestation de Rwembe : c’est trop beau pour être vrai !->http://www.iwacu-burundi.org/spip.php?article3377]
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<doc4852|right>« Ce sont des fous »

Valentin Nahimana, administrateur de la commune Gitega, nie toutes les accusations portées contre lui. Il explique qu’il n’a jamais prêté son véhicule à Michel Nurweze. Il affirme plutôt que, parfois, s’il s’avère nécessaire, il le donne au chef de poste Gitega pour faire le ravitaillement des policiers ou à la magistrature quand il s’agit de se rendre sur le terrain pour trancher des litiges. Il réfute également que Jean-Claude alias Nzungu, retrouvé mort et jeté à Bugarama, a circulé dans son véhicule : « Le 30 juin, j’étais dans les activités de clôture du projet « une colline, un club de football, un club culturel » financé par le Pays de la Loire. » Valentin Nahimana estime que ses accusateurs ont des visées politiques qu’ils ne veulent pas exprimer.
Contacté par Iwacu, Sylvestre Sindayihebura, gouverneur de la province Gitega, affirme n’avoir jamais reçu de plainte d’une victime de Rwembe. Il estime alors qu’il faut laisser la justice s’occuper de cette affaire pour établir les responsabilités.

Qui est Rwembe ?

Michel Nurweze est issu des rangs du Cndd-Fdd. En 2003, lors de l’application de l’accord de cessez-le-feu, Michel Nurweze est devenu officier de police. Il a été responsable de la police en commune Buhinyuza (Muyinga). Il a travaillé également au commissariat de police à Karusi, dans la commune Shombo où il était chargé de la logistique. Il est muté à Gitega fin juin 2011. Son arrivée marque le début du calvaire pour les habitants de Gitega. Son nom est toujours cité dans différents cas d’assassinats. A Muyinga, sa province natale, il aurait tabassé les enseignants de l’école primaire Nyaruhengeri devant leurs élèves. Rwembe a également battu un enseignant du collège communal de Muramba. Il y a eu alors un mouvement de grève à cette école.

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