Le président du MSD, Alexis Sinduhije, a été arrêté ce mercredi, à Dar-Es-Salam, en Tanzanie. Les mobiles de son arrestation restent un mystère. D’après des sources proches du pouvoir à Bujumbura, l’opposant serait accusé de collaborer avec des groupes armés de la sous-région pour déstabiliser le Burundi. Mais d’autres sources estiment que sa détention serait liée au dossier de l’assassinat de l’ancien représentant de l’OMS au Burundi, Kassim Manlan.
<doc2657|right>11 janvier 2012, dans la soirée. Alexis Sinduhije est arrêté en Tanzanie, à l’aéroport international de Dar-es-Salaam par la police tanzanienne. D’après des sources proches des services de renseignement burundais, le pouvoir de Bujumbura détenait des informations selon lesquelles ce leader de l’opposition en exil collaborerait avec les groupes armés, notamment le Front national pour la libération du Burundi (Fronabu Tabara) du général Moïse (basé à l’Est de la RDC, à en croire un récent reportage de la chaîne de télévision France 24) et les FRD (Forces pour la restauration de la démocratie) du colonel Pierre Kabirigi ainsi que des groupes armés opérant dans le sud Kivu, à l’est de la République démocratique du Congo. Après ses investigations, confient nos sources, le gouvernement burundais aurait émis des mandats d’arrêt dans les pays de la sous-région et de la Communauté Est-Africaine contre Alexis Sinduhije, Agathon Rwasa et Léonard Nyangoma, respectivement présidents des partis MSD, FNL et CNDD ainsi que contre Pancrace Cimpaye, l’ancien porte-parole du parti Sahwanya Frodebu. Tous aujourd’hui en exil suite au contentieux électoral de 2010.
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> [Léonce Ngendakumana : « Il n’y a pas d’infraction qui pèse sur Alexis Sinduhije »->http://www.iwacu-burundi.org/spip.php?article1766]
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D’après d’autres sources, les autorités burundaises auraient été également informées de la rencontre entre ces différentes personnalités politiques sur le sol tanzanien. Motif de la réunion: s’organiser pour déstabiliser le pays. C’est ainsi que le gouvernement du Burundi serait entré en contact avec celui de la Tanzanie pour lui demander l’arrestation de ces opposants au cas où leur serait confirmée. Des sources proches des services de sécurité burundais font savoir que même le commandant de la marine de la police qui a récemment déserté, Didier Nyambariza et son compagnon d’armes Libère Nzeyimana, alias Mahopa, qui s’est évadé de son lit d’hôpital à Bujumbura, étaient attendus à cette rencontre.
La Tanzanie obligée de s’exécuter
Selon des sources fiables, la présence de combattants FRD sur le sol tanzanien avait quelque peu tendu les relations entre Bujumbura et Dar-es-salaam ces dernières semaines. « La Tanzanie refusant d’être considérée comme complice aurait mis à exécution de la demande de Bujumbura et arrêté Sinduhije », indiquent nos sources. Selon des observateurs avisés, la volonté du pouvoir burundais, c’est de voir extradé cet ancien journaliste pour le juger.
Et si c’était l’affaire Kassy Manlan ?
Maître François Nyamoya, porte-parole du MSD est en prison depuis plusieurs mois, officiellement pour subornation de témoins dans l’affaire Kassy Manlan du nom de l’ancien représentant de l’OMS assassiné au Burundi en novembre 2001. Mais dans l’opinion, Me Nyamoya est plutôt un détenu politique. Or, il se trouve que même Alexis sinduhije a été, lui aussi, été cité dans ce dossier de subornation de témoins dans la même affaire, ces derniers mois. A l’époque des faits incriminés, il dirigeait Radio Publique Africaine (RPA) qui s’était fait remarquer par ses investigations sur le meurtre du Dr Kassy Manlan. Jusqu’ici, les supputations vont bon train à Bujumbura, sur le véritable mobile de l’arrestation de M. Sinduhije.
Réactions des politiques
{Consternation totale pour le parti MSD}. Nathal Ndayongeje, porte-parole du Mouvement pour la solidarité et la démocratie ne cache pas sa colère : « Il faut que le Chef de l’Etat apprenne à joindre la parole à l’acte. C’est lui qui a demandé aux leaders politiques de rentrer pour la reconstruction du pays. » M. Ndayongeje nie toute complicité de son président avec des groupes rebelles. Il ajoute que M. Sinduhije ne constitue pas une menace pour le pouvoir en place: « Ce n’est pas la première fois que, de son exil, M. Sinduhije visite ces pays de la sous-région. Pourtant, il n’avait jamais été inquiété.» Selon Nathal Ndayongeje, le gouvernement a cherché depuis longtemps à diviser le MSD comme il l’a fait pour la plupart des partis de l’opposition, mais sans succès. Et ce porte-parole de rappeler que le MSD a été agréé malgré la volonté du CNDD-FDD. Il demande au gouvernement tanzanien de faire preuve de sérénité dans le traitement de cette affaire: « Qu’il soit traité avec humanisme et qu’il ne soit pas tué. »
{« Sinduhije pourra être libéré d’un moment à l’autre »}. Pancrace Cimpaye, l’ancien porte-parole du parti Frodebu aujourd’hui en exil en Belgique et considéré comme proche de M. Sinduhje, confirme l’arrestation. Au moment où nous mettons sous presse, il affirme que son collègue est entre les mains des services d’immigration tanzaniens et qu’il est en contact avec de hautes autorités tanzaniennes. M. Cimpaye croit savoir que ces autorités auraient pu traiter le dossier ce jeudi mais qu’elles étaient occupées par les cérémonies de célébration de l’anniversaire de leur pays. Pour lui, il s’agit d’une intoxication : « C’est un coup monté par quelqu’un en connivence avec les services de renseignement burundais. » D’après lui, Alexis Sinduhije devrait être libéré d’un moment à l’autre.
{« Je ne suis pas au courant »}. Bonaventure Niyoyankana, président du parti UPRONA, dit ne pas être au courant de l’arrestation de Sinduhije : « Je ne peux pas faire un commentaire sur des choses que je ne connais pas. » Pour M. Niyoyankana, quand bien même si le président du MSD saurait été arrêté, c’est une affaire de la justice.
Jérémie Ngendakumana, président du parti CNDD-FDD, explique, lui aussi, qu’il ne sait rien de l’arrestation d’Alexis Sinduhije. « Je ne peux pas m’exprimer sur base de rumeurs », a-t-il précisé.