La suite de la mort atroce de Léandre Bukuru a laissé place à de nombreuses interrogations et contradictions, notamment le volte-face de sa veuve…
<doc2135|left>Depuis l’arrestation de Léandre Bukuru, Jeannette Inamahoro, sa femme a saisi les organisations de la société civile pour l’aider à le retrouver. Elle a toujours réclamé le corps de son mari pour l’enterrer dignement. Cela transparaît dans sa lettre du 14 novembre adressée au gouverneur de la province Gitega. Pourtant, à partir de mercredi 16 novembre, elle n’a plus sollicité l’aide des ces organisations qui travaillent en synergie pour s’occuper de ce cas. Jeannette Inamahoro ne veut plus s’exprimer dans les médias. Quand on lui pose une seule question, elle s’évanouit. Des sources proches de cette veuve affirment qu’elle n’a jamais exigé que son mari soit déterré pour l’enterrer dignement. Elles ajoutent que ce sont plutôt les médias qui veulent dénaturer ses propos.
Quid de ce double langage ?
Des personnes révèlent, sous couvert d’anonymat, que Jeannette Inamahoro aurait été intimidée par des agents du Service National de Renseignement (SNR). En outre, depuis l’assassinat de son mari, témoignent-elles, certains éléments de ce service se rendent souvent chez elle. «Nous avons vu par exemple Mohamed, responsable du SNR dans la province Gitega et d’autres comme Onésime et Pierre assis chez la veuve. C’était dimanche vers 14 heures», témoignent certains habitants de Gitega.
Et d’ajouter que certains membres du parti au pouvoir se rendent souvent chez Jeannette Inamahoro : « Ils auraient déjà promis à cette mère de trois enfants un boulot à Bujumbura. » Nos sources parlent aussi d’intimidations mêlées de promesses pour réduire cette couturière au silence.
Quid du mobile de cet assassinat ?
Des sources contactées par Iwacu affirment que Léandre Bukuru était un militant du parti MSD. D’après elles, trois mois avant sa mort, il avait été arrêté et emprisonné à Gitega par Michel Rwaneza alias Rwembe, commissaire provincial adjoint de la police à Gitega. Ces sources précisent que Rwembe avait sommé la victime de reconnaître avoir participé à des bandes armées. Les mêmes sources racontent que Rwembe n’avait pas apprécié sa libération et aurait juré de l’emprisonner dans un endroit dont il ne sortirait jamais : « Michel Rwaneza a alors gardé une dent contre Léandre. Il n’est donc pas à au dessus de tout soupçon. »
D’autres personnes affirment avoir vu Rwembe, seul au volant de la camionnette pendant la journée de dimanche 13 novembre: « A ce moment, ses agents de transmission gardaient Léandre Bukuru dans un lieu tenu secret. »
Interrogé par Iwacu, Michel Rwaneza alias Rwembe reconnaît seulement avoir emprisonné Léandre Bukuru : « Je ne l’ai pas vu depuis son évasion. » Le commissaire provincial adjoint rejette d’autres accusations. Il affirme ne rien connaître sur la mort de son ancien détenu: « J’ai appris sa mort comme d’autres citoyens. »
Enfin, à ceux qui indiquent que Léandre Bukuru était poursuivi pour avoir tué un policier à Mwaro et blessé un autre à Kayanza, Edouard Nahimana, adjoint au commissaire provincial de Mwaro, affirme qu’aucun policier n’a été tué dans ce commissariat…
« Ils veulent ternir mon image »
Jean Bosco Mbonicizanye, commissaire provincial de police à Mwaro, nie les accusations portées contre lui. Il explique qu’il s’est réveillé dimanche le 13 vers 9 heures : « Entre 9 heures 30 minutes et 10 heures, je suis allé au marché de Mwaro. Par après, je me suis rendu chez Nkanagu. Là, il y a un hôtel, un restaurant et un bistrot. » Jean Bosco Mbonicizanye ajoute qu’il a rassemblé les prisonniers vers 11 heures et que sa camionnette était à Mwaro pendant tout ce temps.
A 12 heures, poursuit le commissaire, il a amené trois détenus de nationalité rwandaise à Gitega : « Deux policiers qui se rendaient à Muramvya pour une formation étaient aussi à bord de la camionnette. » Il précise qu’il est arrivé à Gitega vers 14heures. Pour le commissaire Mbonicizanye, ceux qui l’accusent veulent ternir son image. Aussi demande-t-il que la justice fasse son travail pour établir les responsabilités. Des personnes interrogées par Iwacu à Mwaro confirment les propos du commissaire. Elles affirment, par ailleurs, qu’il ne pouvait pas se réveiller tôt parce qu’il avait pris un verre de trop la veille. « Quand je suis allé à la première messe vers 7 heures, j’ai vu la camionnette garée devant la maison du commissaire », témoigne un habitant de Mwaro.
Selon des sources à Mwaro, les bourreaux de Léandre Bukuru auraient fait fabriquer la plaque portant le numéro de celle du véhicule du commissaire de Mwaro, histoire de brouiller les pistes. D’autres sources, tout aussi bien informées, font remarquer que Léandre Bukuru, militant du parti d’Alexis Sinduhije, aurait été assassiné dans le cadre du plan dit « Safisha », visant, selon les tenants de cette version, les militants de l’opposition.