Mardi 05 novembre 2024

Editorial

Après les « taquineries entre cousins »

06/08/2021 4

Il y a quelques mois, c’était le niet de Kigali comme réponse à toutes les sollicitations de Gitega de lui livrer le petit groupe d’hommes armés arrêtés en septembre dernier à la lisière de la forêt de Nyungwe, au sud du Rwanda avec leurs armes et minutions.

Gitega les accuse d’avoir lancé une attaque à Matongo dans la province de Kayanza qui a fait 6 morts et 3 blessés, avant de se replier vers le Rwanda par la forêt de Nyungwe.

Mais après la rencontre entre les deux chefs de la diplomatie rwandaise et burundaise en octobre dernier et la participation du Premier ministre rwandais, le 1er juillet, aux cérémonies marquant le 59ème anniversaire de l’indépendance du Burundi, le dégel s’est matérialisé et un verrou a sauté.

Les lignes ont bougé, il y a eu plus d’égards, des consignes à ne plus vilipender à longueur de journée certaines personnalités, et des messages d’apaisement du genre : « Avec notre voisin du sud, il y a une volonté de renormalisation des relations et il y a des signes évidents, encourageants ». Mieux, avec nos voisins, ce qui s’est passé ne serait pas si grave, juste « des taquineries entre cousins ».

Effectivement, on observe des réajustements de part et d’autre de la Kanyaru et des gestes comme cette remise de présumés rebelles aux autorités burundaises. Gitega les réclamait à cor et à cri depuis des mois … de même que les putschistes, présumés.

Mais pour ceux-là, apparemment, il va falloir attendre. Mais qui sait ? Au nom de la realpolitik, tout est possible. Il suffit que chaque partie y trouve son compte. Tout le monde le sait : « Les bons comptes font les bons amis ».
Dieu seul sait combien Gitega rêve de les voir débarquer, sous escorte, au poste-frontière de Nemba-Gasenyi, menottés comme ces 19 présumés rebelles, tête baissée, livrés, ou – ’’sacrifiés sur l’autel de la realpolitik’’, comme certains le chuchotent–, pour être traduits devant la justice afin de répondre de leurs actes.

La barre serait placée très haut, il va falloir que Gitega lâche du lest, jure la main sur le cœur, l’autre tenant la bible, qu’il ne sert pas ou plus de base arrière aux FDLR et autres FLN, qu’il est prêt à remettre à son tour des éléments de ces mouvements honnis par Kigali.

Tout en espérant que les délégations de l’ONU et de la CIRGL présentes au moment de ces remises de combattants soufflent à l’oreille des représentants des deux pays voisins qu’il faut des garanties d’un procès équitable, juste.
Bref, après les « taquineries entre cousins », l’heure est à la realpolitik.

Forum des lecteurs d'Iwacu

4 réactions
  1. Claypton

    En ce qui concerne ce groupe d hommes armés Kigali n a jamais dit qu il ne les livrera jamais mais qu il le fera sous supervision des NU , en ce qui concerne « les pushistes » je penses qu il s agit d une toute autre histoire avec une liste fantaisiste comprenant tous les opposants crédibles , je doutes que ceux là puissent être remis à Gitega juste pour assouvir une vangeance…

    • Mugamba

      @Claypton
       » je doutes que ceux là puissent être remis à Gitega juste pour assouvir une vangeance… »

      La vengeance est un plat qui se mange froid. Le refroidissement du plat est peut-être en cours.

  2. Bellum

    « Les États n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts. » La citation est attribuée au général de Gaulle et s’applique parfaitement à la situation des « putschistes » réfugiés au Rwanda après l’échec de leur tentative de sauver la nation et arrêter les crimes contre l’humanité qui se commettaient à grande échelle en cette macabre année de 2015. L’on se souvient que Kagame avait déclaré solennellement qu’il n’accepterait jamais la commission d’un autre génocide dans les Grands Lacs. Je suppose que c’est dans cet esprit qu’il a généreusement accueilli les « putschistes ». Depuis lors, tant d’eau a coulé sous les ponts et la realpolitik actuelle dicte les décisions comme l’analyse magistralement Abbas Mbazumutima. Livrés à Gitega (ce n’est qu’une question de jours), les « putschistes » devraient faire contre mauvaise fortune bon cœur. Ils ont fait leur devoir face à la révulsion que suscitaient les massacres des jeunes de 2015. Ils devraient accepter leur sort et ne rien regretter comme la magnifique plaidoirie cum testament de feu général Cyrille Ndayirukiye. Au-delà de la profondeur des arguments moraux et juridiques que le général y développe, je ne me souviens pas avoir rencontré jamais une telle maîtrise du français. C’est un document extraordinaire. Face aux crimes contre l’humanité, les « putschistes » ont écouté leur conscience et ont essayé de sauver la situation. L’histoire les réhabilitera et condamnera sans l’ombre d’aucun les auteurs de crimes contre l’humanité auxquels ils ont ajouté le hold-up électoral.

  3. Francis Gihugu

    Il faut quand même dire que c’était fantaisiste de coller l’étiquette de Puchistes à tout opposant au régime. Imaginer associer les journalistes et les défenseurs des droits humains aux putschistes. A trop immerger dans les exagérations, il faut dire qu’on finit par perdre toute crédibilité. Même si les intérêts priment sur toute logique, il faut garder à l’esprit qu’il y a des limites quand même! Noys ne sommes pas encore sur le stade de faire de se focaliser seulement sur le realpolitik pour construire une paix d’une nation. Nous avons encore besoin de nous relever en matière des droits de l’homme et de la prévention des crimes contre humanité. Nous sommes dans une région où on vit toujours la peur dans le ventre face à certaines réalités et à certaines haines qui gangrènent la société. Il faut être prudent dans tout ce qu’on fait.

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