Dans une société post-conflit, les enfants ont droit de connaître l’histoire sur les événements malheureux. La manière dont cette histoire leur est racontée peut mettre en cause la cohésion sociale. Jean Bosco Harerimana, expert en justice transitionnelle et professeur d’université, appelle à la prudence pour ne pas inciter à la haine.
Comment raconter les événements douloureux du passé aux enfants sans les inciter à la haine ?
La meilleure façon de le faire, c’est d’insister sur ce qui s’est passé en mettant moins d’emphase sur les auteurs. Et il est très important que les parents, les aînés comprennent pourquoi ils transmettent cet héritage des événements douloureux et de raisonner sur les objectifs à atteindre. Les enfants ont droit de connaître le passé de leurs parents.
Mais, ils ne doivent pas grandir dans la haine contre d’autres ethnies ou originaires d’autres régions. Il faut que les enfants grandissent avec des valeurs d’Ubuntu (humanité), des femmes et des hommes adultes qui intègrent leur société avec des valeurs fondamentales.
Donc, on doit raisonner en termes d’objectifs qu’on veut atteindre. Un but qui vise qu’un jeune garçon, une jeune fille soit une personne qui se réconcilie avec soi-même, mais aussi s’épanouir dans sa communauté locale et dans la société globale.
Quelle est l’importance de raconter le passé douloureux aux enfants de telle manière ?
C’est pour leur éviter des confusions, des stéréotypes, la globalisation à outrance. Dans le contexte burundais et africain, la transmission s’est basée généralement sur la globalisation. On dit que les membres de telles ethnies, tribus, races ou région nous font ça, or ce n’est pas tout le monde.
Quand on transmet ce message avec des mots qui incitent à la haine, cela sème la confusion chez les enfants et les empêche de grandir mentalement. La première chose, c’est de clarifier les choses en insistant sur ce qui s’est passé et non sur les auteurs.
En deuxième lieu, les paroles dites par ses parents, tantes, oncles, aînés du village se comprennent très facilement avec beaucoup de confiance. Ça lui évite de collecter des informations ici et là. C’est de la clarté.
Nous avons des problèmes dans la transmission des mémoires dans notre pays, selon les contextes. Car si c’est dit par les parents et membres de la communauté, cela reste une réalité narrative bornée. Il serait mieux que les médias, l’État, les parties prenantes se saisissent pour déconstruire les différents types de messages qui ont été véhiculés, mais qui ne cadrent pas avec la réalité.
Quelle conséquence peut surgir quand les parents incitent à la haine?
C’est la résurgence des crises cycliques. Si les enfants sont incités à la haine par leurs parents, aînés, cela inhibe la capacité de ces jeunes à s’épanouir.
Dans les sociétés post-conflit qui ont connu une transition pour se réconcilier elles-mêmes, nous avons entendu des témoignages des gens ayant de diplômes qui disent : ‘’Je ne comprends pas ce qui s’est passé moi-même. Quelle mouche m’avait piqué pour m’impliquer dans ce genre de crime.’’
Cela inhibe leurs capacités, connaissances, compétences, attitudes humaines, les valeurs universelles d’humanité à s’épanouir. La capacité est également limitée
»Comment raconter les événements douloureux du passé aux enfants sans les inciter à la haine ?
La meilleure façon de le faire, c’est d’insister sur ce qui s’est passé en mettant moins d’emphase sur les auteurs. » Pourriez-vous nous expliquer par exemple comment on peut enseigner la shoah aux nouvelles générations sans évoquer un seul instant la machine idéologique et administrative-les concepteurs et les exécutants-qui ont orchestré cette abomination?