Samedi 23 novembre 2024

Économie

Appréciation du Fbu ou morosité économique ?

25/04/2018 Commentaires fermés sur Appréciation du Fbu ou morosité économique ?
Appréciation du Fbu ou morosité économique ?
Les demandeurs de devises se raréfient sur le marché de change.

Il s’observe une baisse continuelle du taux de change au cours de ces trois derniers mois. Pour Léonidas Ndayizeye, enseignant chercheur à l’Université du Burundi, la diminution du taux de change est due à la faiblesse de l’activité économique.

Un dollar américain s’échange sur le marché de change parallèle à 2 500 Fbu contre 2 950 Fbu au début de l’année. Cet écart s’observe aussi pour l’euro. Son taux de change est de 3 000 Fbu contre 3 340 Fbu, il ya trois mois.

Le taux de change officiel, quant à lui, a augmenté au cours de cette période. Un dollar américain se vend à 1 790,49 02 Fbu contre 1 781, 025 à la fin de l’année dernière. L’euro s’obtient à 2 208,12 21 de Fbu contre 2 147, 1148 au début de l’année.

Les changeurs expliquent cette baisse du taux de change par une faible demande de devises.

«Le taux de change du Fbu diminue du jour au jour. Il a atteint aujourd’hui son plus bas niveau au cours des six derniers mois», témoigne Célestin Ndayiragije, changeur au centre-ville de Bujumbura.

Selon lui, la baisse du taux de change est due à la diminution considérable des demandeurs de devises qui étaient auparavant constitués essentiellement par des importateurs. Ces derniers sollicitaient une quantité importante de devises par rapport aux autres catégories d’acheteurs. Aujourd’hui, constate-t-il, très peu d’importateurs demandent des devises sur le marché de changes. « Ceci laisse à penser que les devises sont abondantes dans le pays. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.»

M. Ndayiragije soutient, par ailleurs, que la chute du taux de change désavantage les changeurs. Son chiffre d’affaires mensuel a baissé de plus 80% comparativement au mois de décembre dernier. Parfois, souligne-t-il, il passe toute la journée sans échanger le moindre dollar : « Les vendeurs des devises jugent trop bas le taux de change actuel et préfèrent les garder chez eux.»

Ferdinand Ndayajemwo, un autre changeur en mairie de Bujumbura, affirme que la demande de devises sur le marché de change est très faible. Ceci perturbe les activités des changeurs et les contraint à baisser le taux de change. Ce dernier est déterminé en fonction de l’offre et de la demande.

Frustré, il témoigne de travailler à perte. « Je vends un dollar américain à 2500 Fbu alors que son taux d’achat était de 2900 Fbu. »

Selon Jean Nsengiyumva, changeur au centre-ville de Bujumbura, la baisse du taux de change n’est pas liée à l’abondance des devises. « Aucun flux massif des devises n’a inondé le marché de changes. De même, les banques commerciales censées financer les bureaux de change souffrent aussi de l’insuffisance de devises ».

Les banquiers ont la même explication. « Le circuit bancaire n’a pas connu de flux massif de devises qui peut justifier la baisse du taux de change », précise une source interne à la Banque commerciale du Burundi (Bancobu).

Les responsables de la Banque centrale s’en félicitent. Bellarmin Bacinoni, chargé de la communication à la BRB, a fait savoir, lundi 16 avril que cette situation résulte des mesures que son institution a pris à la fin du troisième trimestre de l’année dernière. Notamment le renforcement des interventions de la Banque centrale sur le marché de changes pour faciliter les importations des produits essentiels.

Faible impact

Les importateurs minimisent la diminution du taux de change sur le marché parallèle. « Cette diminution a un impact limité sur le commerce extérieur», a fait savoir, Pascal Gahungu, commerçant des denrées alimentaires à Bujumbura City Market. «Les importateurs s’approvisionnent en devises dans les banques commerciales. » Ce qui est important, insiste-t-il, c’est la disponibilité des devises en quantité suffisante, que ce soit sur le marché de change parallèle ou dans les banques commerciales.

Cet importateur de denrées alimentaires souligne que les prix des produits importés ne doivent pas changer en fonction du taux de change. Les commerçants fixent les prix de leurs marchandises en fonction de leurs prix de revient. «Actuellement nous vendons les stocks achetés ou moment où le taux de change était encore trop élevé.»

M. Gahungu indique, par ailleurs, qu’un sac de 25 kilos de riz importé de la Tanzanie s’achète à 72 mille Fbu contre 75 mille en janvier dernier. Un sac de 25 kilos de farine de maïs importé de l’Ouganda se vend à 32 mille Fbu contre 47 mille Fbu, il y a trois mois.

Un bidon de cinq litres de l’huile de coton made in Kenya se vend à 22 000Fbu contre 25 000 Fbu au début de cette année. Celui de trois litres se vend à 14 500 contre 15 500 Fbu à la même période. Mais cette diminution des prix n’est pas liée à la chute du taux de change. « Les prix des denrées alimentaires sont baissés dans leurs pays d’origine. »

C.G., pharmacien à l’officine « La différence », affirme que les prix des médicaments changent incessamment : « Ils sont fixés en fonction du taux de change et du prix de vente dans leurs pays d’origine.» Or, glisse-t-il, les prix peuvent changer deux fois par mois. Cela s’explique par l’instabilité du Fbu par rapport au dollar américain. Une moindre variation du taux de change entraîne directement l’augmentation des prix. Ce qui n’est pas le cas en situation de la chute de taux de change.

A tire d’exemple, l’entamizole se vend à 15 500 Fbu contre 12 500 Fbu au début de l’année. L’Olkene s’obtient à 49 mille Fbu. Pourtant son prix était de 45 mille Fbu, il y a deux mois.

Plusieurs facteurs à l’origine

Léonidas Ndayizeye : « La baisse du taux de change sur le marché parallèle résulte de la faiblesse de l’activité économique des importateurs. »

Pour Léonidas Ndayizeye, enseignant chercheur à l’Université du Burundi, la baisse du taux de change sur le marché parallèle résulte de la faiblesse de l’activité économique des importateurs.

Cette faiblesse est due à l’augmentation du taux de change officiel. «Cela baisse la valeur de la monnaie nationale et renchérit les importations.» Ces dernières baissent en volume. Ce qui entraîne la baisse de la demande des devises pour importer. « Ceci fait baisser la valeur de ces devises, non pas parce que le Fbu a gagné de la valeur – elle continue de la perdre -, mais plutôt du fait que les devises sont peu demandées. »

M. Ndayizeye explique, par ailleurs, la baisse de la valeur de la monnaie nationale par quatre facteurs essentiels. La confiance dont jouit le pays. «Lorsqu’un Etat accumule des dettes exorbitantes, connaît une instabilité politique récurrente, son économie ne tourne pas à plein régime.» En conséquence, souligne-t-il, il ne bénéficie pas de la confiance internationale et ou nationale. Sa monnaie est moins demandée et perd sa valeur.

Il évoque aussi les problèmes économiques et/ou politiques récurrents auxquels le pays est confronté.

Ceci incite les opérateurs à dissimuler massivement leur argent à l’étranger. Ce qui fait baisser davantage la valeur de la monnaie locale, en même temps que la confiance du pays.

Cet économiste évoque aussi l’inflation comme autre facteur qui déprécie le Fbu. « Lorsque le niveau général des prix augmente plus vite dans le pays que dans le reste du monde, cela a toujours des conséquences sur la monnaie locale. » Enfin, le recours excessif aux avances de la BRB, qui a pour effet de diluer la valeur du Fbu. Le Burundi étant un pays importateur net, avec des exportations très limitées, précise-t-il, il n’a aucun intérêt à avoir une monnaie faible. Son impact direct est la hausse des prix des produits importés et la baisse des recettes des exportations.

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