D’après un grand spécialiste de la psychologie de la violence et professeur émérite à l’université de Massachussetts, aux Etats Unis, M. Ervin Staub, les témoins d’actes de violence envers autrui – individus, groupes ou pays entiers – qu’il s’agisse de discrimination, de torture, de massacres collectifs ou de génocide – demeurent souvent passifs, et cela a de très graves conséquences.
Aujourd’hui, au Burundi, nous sommes tous des témoins d’actes de violence, certains vont plus loin que l’acte déjà grave de donner la mort : ils veulent imprimer dans la conscience collective l’idée de détruire complètement. Juste deux exemples récents : Oscar Dedit Niyirera, secrétaire exécutif du FNL à Kayanza, tués avec 17 balles. Oscar Nibitanga, étudiant, ex-militant du FNL, exécuté avec 37 balles. Nous ne pouvons pas dire que nous ne savions pas, puisque l’on sait même compter les balles qui ont donné la mort.
D’après donc la définition d’Ervin Staub, nous sommes tous les témoins aussi bien intérieurs qu’extérieurs de beaucoup d’événements. Les témoins de sévices subis par un groupe de leur propre communauté sont des témoins intérieurs. Pour le scientifique, notre silence encourage souvent les auteurs de ces actes à perpétrer d’autres crimes.
Les nations et les groupes extérieurs qui restent passifs face à la violence sont des témoins extérieurs. Comme beaucoup de témoins intérieurs, explique le psychologue, ils préfèrent souvent garder le silence, même quand ils n’ont rien à craindre. « Souvent, ils ne se contentent pas de rester passifs, ils poursuivent normalement leurs relations d’affaires avec les criminels et les encouragent ainsi dans leurs agissements. »
Par rapport à cette violence, chacun d’entre nous, témoins intérieurs ou extérieurs, peut se situer dans l’un ou l’autre camp. Pour Ervin Staub, ‘c’est la passivité des témoins, aussi bien intérieurs qu’extérieurs’’ qui permet le développement des crimes.
Pour stopper cette spirale de la violence au Burundi, les témoins intérieurs et extérieurs doivent sortir de la passivité et dénoncer, par exemple, la banalisation et la généralisation du discours qui en appelle à la guerre, à la rébellion, au coup d’Etat. Certes, face aux nombreuses exactions, aux exécutions extrajudiciaires, on peut comprendre une certaine exaspération, mais le recours à la voie armée est sans issue. Il nous faut revenir à l’esprit et aux engagements contenus dans l’Accord de paix d’Arusha.
Mon confrère Athanase Karayenga nous invite à nous « souvenir de la leçon magistrale, leçon de Louis Rwagasore qui n’a jamais appelé le peuple burundais à combattre le colonialisme avec la lutte armée. » On dit que la violence constitue l’arme des faibles.
Quant aux escadrons de la mort et leurs maîtres, ils vont payer un jour devant la justice. Les témoins intérieurs et extérieurs seront là pour les accuser. Parole de témoin.