Samedi 07 septembre 2024

Politique

Appel au Conseil des droits de l’homme: maintenir le mandat du Rapporteur spécial au Burundi

Appel au Conseil des droits de l’homme: maintenir le mandat du Rapporteur spécial au Burundi
Fortuné Gaetan Zongo, le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme au Burundi.

Le 29 août 2024, 39 organisations internationales, nationales et africaines ont lancé un appel urgent auprès des Nations Unies pour renouveler le mandat du Rapporteur spécial sur le Burundi. Ces organisations considèrent ce mandat essentiel, surtout à l’approche des élections de 2025 et 2027. Elles estiment que le pays est marqué par des violations persistantes des droits humains et une impunité généralisée.

Neuf ans après la crise de 2015, qui a suivi la candidature controversée de l’ancien président Pierre Nkurunziza pour un troisième mandat, le pays demeure dans une situation alarmante sur le plan des droits humains. Les promesses de réformes structurelles faites lors de l’investiture du Président Évariste Ndayishimiye en 2020 ne se sont pas matérialisées. Selon les organisations signataires, « les violations des droits humains se poursuivent en toute impunité, incluant des exécutions extrajudiciaires, des disparitions forcées, des arrestations et détentions arbitraires, ainsi que des actes de torture et d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants. »

Les organisations mettent en avant plusieurs raisons pour lesquelles le maintien du mandat du Rapporteur spécial est indispensable. Tout d’abord, elles soulignent que « le Conseil des droits de l’homme ne devrait pas récompenser le Burundi pour sa non-coopération. » Elles ajoutent que, depuis sa nomination en avril 2022, le Rapporteur spécial, Fortuné Gaetan Zongo, a vu toutes ses tentatives de dialogue rejetées par le gouvernement burundais, ce qui empêche toute possibilité de suivi indépendant de la situation.

Ensuite, elles alertent sur le fait que « les facteurs de risque de nouvelles violations » restent présents au Burundi, incluant « l’impunité, la faiblesse des structures étatiques et la montée des discours de haine. »

En outre, les signataires rappellent que la crise économique aggrave la situation des droits économiques, sociaux et culturels. « Le Burundi reste l’un des pays les plus pauvres au monde en termes de produit intérieur brut (PIB) par habitant. La plupart des Burundais vivent dans la pauvreté et sont confrontés aux conséquences négatives de l’inflation, ainsi qu’aux pénuries de carburant, de produits de base et d’électricité, et au manque d’accès aux services de santé », affirment-elles, ce qui exacerbe les souffrances de la population. Elles ajoutent que « le gouvernement burundais a échoué à s’attaquer à la crise économique. »

Pour ces organisations, le renouvellement du mandat du Rapporteur spécial est vu comme essentiel pour maintenir la pression internationale sur le gouvernement burundais et pour garantir que les violations des droits humains ne tombent pas dans l’oubli. « Le Rapporteur spécial est le seul mécanisme indépendant ayant pour mandat de surveiller et de rendre compte des violations et atteintes aux droits humains au Burundi, en assurant la mission cruciale de surveillance de la situation, surtout alors que le pays entre dans des cycles électoraux », ont-elles insisté.

Les organisations insistent également sur le fait que tout changement dans l’approche du Conseil des droits de l’homme envers le Burundi devrait être conditionné à des « progrès mesurables et durables » en matière de droits humains, notamment dans la lutte contre l’impunité. Elles exhortent le gouvernement burundais à coopérer pleinement avec le Rapporteur spécial et à rétablir la coopération avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.

Divergence d’opinions sur le mandat

Ce mandat est inutile, selon Gérard Hakizimana, président de la Force de lutte contre le népotisme et le favoritisme (Folucon.F). Il souligne que le Rapporteur spécial n’a jamais mis les pieds au Burundi. « Certaines ONG (organisations non gouvernementales) burundaises ont demandé à ne pas renouveler le mandat de M. Fortuné Zongo, mais cette idée a été ignorée », affirme-t-il. Il ajoute que les rapports du Rapporteur contiennent des informations non vérifiées critiquant l’État burundais.

De son côté, Hamza Venant Burikukiye, représentant légal de Capès+, critique également cet appel. « Ce qui est très dommage, c’est que ces organisations demandeuses du maintien du Rapporteur spécial sur les droits ne sont pas bien placées pour le demander. Certaines ne sont même pas reconnues au Burundi étant étrangères, d’autres ne sont plus reconnues par la loi burundaise », déclare-t-il.

Pour lui, ces organisations étrangères devraient plutôt s’occuper des droits de l’homme dans leurs propres pays, car, selon lui, le Burundi est en avance sur ce point.

Par le passé, Gitega avait déjà exprimé des réticences concernant le mandat du Rapporteur spécial. Le 3 juillet 2023, le gouvernement burundais a ordonné à sa délégation de quitter une réunion du Comité des droits de l’homme de l’ONU, qui devait examiner le rapport périodique du pays. Prétextant la présence d’un avocat des droits humains pourtant accrédité, la délégation a refusé de répondre aux questions et a quitté la séance. Le Conseil des ministres du Burundi a alors critiqué l’attitude du Comité, l’accusant de « promouvoir l’impunité » et a salué le « comportement patriotique et citoyen » de la délégation. Bien que cette décision soit rare pour un État lors d’un examen périodique, elle reflète un historique de non-coopération avec les mécanismes de l’ONU et une opposition aux défenseurs des droits humains.

Le 6 juillet 2023, lors de la dernière session du Conseil des droits de l’homme, le gouvernement burundais a critiqué le mandat pays, affirmant qu’il était utilisé pour diffuser des fausses informations sur le Burundi.

Le Gouvernement a dit qu’il « [était] grand temps que la majorité des délégations siégeant à ce Conseil se rendent compte enfin que ce Conseil a été manipulé à d’autres fins » et que « ce mandat pays sur le Burundi sert à perpétuer une campagne de désinformation [sur le pays] »

De plus, lors de la 56ème session du Conseil, le 4 juillet 2024, l’ambassadrice Elisa Nkerabirori, représentante du Burundi à Genève, a rejeté le rapport du Rapporteur spécial, le qualifiant de biaisé et accusant les auteurs de mépriser la souveraineté des Burundais.

Gaetan Zongo a été nommé Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Burundi en avril 2022. Son mandat est généralement de trois ans, ce qui signifie qu’il devrait se terminer en avril 2025, sauf si une prolongation est décidée par les instances compétentes.

Liste des 39 organisations signataires

1. Action des chrétiens pour l’abolition de la torture – Burundi (ACAT-Burundi)
2. African Defenders (Réseau panafricain des défenseurs des droits humains)
3. Amnesty International
4. Centre éthiopien des défenseurs des droits humains (EHRDC)
5. Centre Mondial pour la responsabilité de protéger (GCR2P)
6. CIVICUS
7. Coalition burkinabè des défenseurs des droits humains (CBDDH)
8. Coalition burundaise des défenseurs des droits de l’homme (CBDDH)
9. Coalition des défenseurs des droits humains au Bénin (CDDH-Bénin)
10. Coalition ivoirienne des défenseurs des droits humains (CIDDH)
11. Coalition togolaise des défenseurs des droits humains (CTDDH)
12. Collectif des avocats pour la défense des victimes de crimes de droit international commis au Burundi (CAVIB)
13. Commonwealth Human Rights Initiative (CHRI)
14.Defend Defenders (Projet des défenseurs des droits humains de l’Est et de la Corne de l’Afrique)
15. Fédération internationale des ACAT (FIACAT)
16. FIDH (Fédération internationale pour les droits humains)
17. Forum pour la conscience et le développement (FOCODE)
18. Forum pour le renforcement de la société civile (FORSC)
19. Genève pour les Droits de l’Homme – Formation internationale & études de politique
20.Humanists International
21. Human Rights Defenders Network – Sierra Leone
22. Human Rights Watch
23. Institut de Hawai’i pour les droits humains (Hawai’i Institute for Human Rights)
24. Institut des médias pour la démocratie et les droits de l’Homme (IM2DH) – Togo
25. International Bar Association’s Human Rights Institute (IBAHRI)
26. Ligue Iteka
27. Mouvement INAMAHORO
28. Organisation mondiale contre la torture (OMCT)
29. Protection International Africa
30. Reporters sans frontières (RSF)
31. Réseau capverdien des défenseurs des droits de l’homme (RECADDH)
32. Réseau des citoyens probes (RCP)
33. Réseau des défenseurs des droits humains en Afrique centrale (REDHAC)
34. Réseau européen pour l’Afrique centrale (EurAc)
35. Réseau nigérien des défenseurs des droits humains (RNDDH)
36. Réseau ouest-africain des défenseurs des droits humains (ROADDH)
37. Service international pour les droits de l’Homme (SIDH/ISHR)
38. SOS-Torture / Burundi
39. Stichting Global Human Rights Defence

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