Le ministère de l’Intérieur appelle à la contribution volontaire pour les élections de 2025. Pour nombreux observateurs, c’est presque rançonner une population déjà dans un dénuement total.
« Suite aux demandes incessantes des citoyens, de participer à l’organisation de ces élections par des contributions volontaires pour cette noble cause, le gouvernement du Burundi a ouvert deux comptes à la Banque de la République du Burundi (BRB) à cette fin. » C’est ce qui ressort d’un communiqué du ministère de l’Intérieur, du 4 octobre 2024. Le ministère rappelle que la contribution aux élections n’a aucun caractère obligatoire.
Après l’annonce, certaines questions taraudent l’esprit des Burundais. Est-ce que l’Etat burundais n’a pas les moyens d’organiser les élections ? Interrogé sur la mobilisation des 114 milliards de BIF nécessaires pour les prochaines élections, Prosper Ntahorwamiye, président de la Commission électorale nationale indépendante, Ceni, a indiqué que la collecte des fonds n’incombe pas à la commission, mais à l’État. « Je dois faire un petit rectificatif : la mobilisation des fonds, c’est une affaire de l’État », dit-il en substance.
« Au niveau de la Ceni, nous n’avons pas de doute : le budget sera suffisant ». Son prédécesseur, Pierre-Claver Kazihise avait indiqué qu’un reliquat de plus de 29 milliards de BIF a été enregistré par la Ceni sur un budget de 97 milliards de BIF. Depuis l’année budgétaire 2020-2021, il est prévu une ligne budgétaire intitulée « Provision aux élections ». Jusqu’à l’année budgétaire 2024-2025, il est prévu 120 milliards de Bif. Iwacu a posé la question au ministre de l’Intérieur, du Développement communautaire et de la Sécurité publique, Martin Niteretse, sans succès.
Réactions
Agathon Rwasa : « Les Burundais devraient ouvrir les yeux »
« Si le budget de l’État est suffisamment provisionné pour cette rubrique des élections et que la Ceni déclare qu’elle a besoin d’un montant inférieur à celui que le budget général de l’Etat prévoit, cela signifie que la lettre du ministre en charge de l’Intérieur n’a d’autre sens que de rançonner la population déjà en détresse », réagit Agathon Rwasa.
De là, souligne-t-il, on peut se poser mille et une questions sur à quoi servira la rançon et qui va la gérer dès lors qu’elle ne sera pas injectée dans le budget général de l’Etat.
« Que les Burundais comprennent que ce prétendu volontarisme électoraliste cache mal le désir totalitaire de maintenir tout un peuple sous le joug en prétextant des élections démocratiques qui somme toute ne sont qu’une mascarade. » Selon Agathon Rwasa, les Burundais devraient ouvrir les yeux et faire le bilan de la mauvaise gouvernance du système CNDD-FDD qui n’a que trop duré et responsabiliser des citoyens en lieu et place des partisans.
Patrick Nkurunziza : « Le Premier ministre devrait mettre fin immédiatement à cet appel illégal et injuste. »
Pour Patrick Nkurunziza, président du parti Frodebu, cet appel constitue une couverture du gouvernement pour que le parti CNDD-FDD continue à organiser une collecte des fonds forcée. « C’est dommage. Sous d’autres cieux, le Premier ministre devrait mettre fin immédiatement à cet appel illégal et injuste. Il devrait arrêter cette cacophonie en sa qualité de coordinateur de l’action gouvernementale. »
En effet, poursuit le président du parti Frodebu, le président de la République a annoncé solennellement que le budget pour les élections de 2025 est déjà disponible. « Le Parlement, sur proposition du gouvernement, a voté un budget complémentaire aux 48 milliards de BIF. Le lendemain, le parti présidentiel a lancé une campagne de collecte forcée soi-disant pour le financement de ces mêmes élections. Aujourd’hui, le ministre de l’Intérieur vient de lancer un appel dit volontaire, mais en réalité forcé pour financer les mêmes élections. Que pouvons-nous comprendre de tout cela ? Une incohérence gouvernementale sans nom. »
Pour lui, c’est fatigant pour une population déjà découragée, déçue, et même désespérée par les mauvaises conditions dans lesquelles elle vit. « Il faut sensibiliser et mobiliser la population à s’opposer à ces pratiques qui remettent en cause la parole du chef de l’Etat et qui violent les lois en vigueur en matière de collecte de l’argent jusqu’à ce que le gouvernement demande au Parlement de réviser la loi budgétaire exercice 2024-2025 afin d’y intégrer ces collectes forcées. »
Jean de Dieu Mutabazi : « Une contribution que non seulement le gouvernement a voulu souple, mais surtout légère. »
« Je pourrais dire que depuis que le processus des élections de 2025 a démarré, une partie de l’opinion nationale n’était pas au courant que le budget était déjà disponible. Certains citoyens, dans un élan de patriotisme, ont commencé à poser des questions sur les modalités de cotisation pour ces élections, en faisant référence à 2015 et à 2018. D’autres voulaient mobiliser des fonds sans un cadre formel précis », raconte le président du parti Radebu.
C’est dans ce contexte, d’après lui, que le ministère de l’Intérieur est intervenu pour ramener l’ordre et emmener une réponse claire sur les modalités de contribution aux élections de 2025, en soulignant le caractère volontariste et compte tenu du fait que le budget est déjà disponible.
« C’est volontaire et volontariste. Une contribution que non seulement le gouvernement a voulu souple, mais surtout légère. Toujours dans l’esprit d’entretenir le sentiment patriotique de financer soi-même les élections. »
Kefa Nibizi : « Des biens mal acquis à blanchir ?»
La préparation des élections pour Kefa Nibizi n’est pas un phénomène accidentel qui nécessite une contribution ad hoc. Il s’agit plutôt d’une activité qui est organisée périodiquement par le gouvernement. Il précise que cela figure dans le budget général de l’Etat.
Selon lui, cet appel à la contribution organisé par le gouvernement est contraire à la loi. « Tout ce qui est fait par le gouvernement devrait passer par le budget général. »
S’il y a des ressources qui s’ajoutent, il précise qu’on devrait recourir à la révision du budget pour les y insérer afin que le fonctionnement de l’Etat s’inscrive dans le cadre légal. Il comprend difficilement qu’il y ait des gens qui demandent de contribuer aux élections alors qu’ils ont déjà payé les impôts et les taxes à travers différents canaux. « Il y a lieu de se demander si ces gens ne sont pas des personnes qui ont eu des biens mal acquis et qui cherchent une façon de blanchir une partie de leurs biens, ou bien des spéculateurs qui chercheraient d’autres avantages après et qui voudraient gagner la faveur des autorités », explique-t-il.
Qu’il y ait des gens qui veulent contribuer et qui ont légalement gagné leur argent, est tout à fait normal, selon Kefa. « Mais, ce qui est étonnant est que le gouvernement a prévu annuellement un certain montant destiné à la préparation des élections, y compris les élections de 2025 », souligne-t-il.
Pour lui, s’il advenait que les autorités mettent une certaine pression pour une contribution volontaire sur la population déjà accablée par la famine, la pauvreté sans précédent et hantée par la dépréciation de la monnaie, ce serait une lourde peine.
Hamza Venant Burikukiye : « Rien d’anormal dans cet appel du gouvernement. »
« Contribuer volontairement pour financer les élections rentre non seulement tout droit dans les devoirs civiques, mais aussi, il s’agit d’un réflexe de fierté citoyenne. Le gouvernement a répondu à l’appel des citoyens épris d’esprit patriotique et fiers de leur citoyenneté. Rien d’anormal donc dans cet appel du gouvernement », répond Hamza Burikukiye, représentant légal de l’association Capes +.
Il dit ne pas être au courant du forcing dans les cotisations. « Si quelqu’un savait au moins un cas bien vérifié, il faudrait le porter auprès des instances habilitées. », propose-t-il.
Faustin Ndikumana : « C’est une charge prévue d’avance où même la provision est possible à constituer. »
Selon le directeur exécutif national de la Parcem, Faustin Ndikumana, chaque élection constitue une dépense, une charge gouvernementale ordinaire. « Ce n’est pas une charge exceptionnelle à l’instar des catastrophes naturelles. Même la Constitution prévoit ce qui doit être fait pour que les citoyens puissent contribuer. Il y a des dépenses exceptionnelles, à savoir la survenance des événements comme des catastrophes naturelles. Les élections sont par contre une charge prévue d’avance où même la provision est possible à constituer. », souligne-t-il. On peut faire, selon lui, une provision annuellement au niveau budgétaire à travers la loi des finances. « Maintenant, on dit que la provision arrive à 120 milliards de BIF et que la Ceni prévoit d’utiliser 114 milliards de BIF. On voit qu’il y aura un surplus. »
Pour ce qui est des élections de 2025, Faustin Ndikumana rappelle que le président de la République lui-même a déclaré que le gouvernement va supporter à lui seul les charges liées aux élections. « Je tiens compte du passé amer où les gens ont été amenés à contribuer. Ce qui a créé un mécontentement chez certains », rappelle-t-il.
Déclarer que c’est volontaire ne change rien parce que, selon lui, certains administratifs manifestent des excès de zèle en forçant leurs administrés ou leurs subalternes à contribuer. Et d’ajouter que là où le bât blesse, ce que l’autorité au niveau supérieur ferme les yeux. Il fait savoir qu’il y a même des messages informels qui invitent les gens à contribuer.
Selon Faustin Ndikumana, le gouvernement devrait rompre avec ces habitudes et aussi penser à organiser des élections en les combinant parce que, pour lui, l’élection présidentielle peut coûter plus cher que les législatives.
Est-il vrai que le Ministre a fait la demande officielle des contributions « suite aux demandes incessantes des citoyens… »? Si je comprends, ce n’est pas l’Etat qui demande ou impose des contributions, mais c’est nous le peuple, tous sans exceptions, qui demandons avec insistance de puiser dans nos maigres bourses pour financer les élections alors même que ce n’est pas nécessaire vu que le budget de l’Etat pour cela est suffisant.
Ça aurait été très juste si le Ministre avait fait la nuance en parlant de certains ou quelques citoyens. C’est très important,car aujourd’hui les demandes qu’on entend le plus, de façon générale, ce sont celles qui concernent la hausse des prix des produits de première nécessité, la difficulté de joindre les deux bouts, la misère des salaires qui stagnent alors que le coût de la vie monte au quotidien, la hausse du taux de chômage.., bref une longue liste de lamentations qui mettent à mal cette idée que la population réclame de financer les projets financés habituellement par l’état.
iMIGAMBWE IGOMBA GUTWARA NIYATANGE, TUBONE NEZA KO BAGOMBA GUTWARA IGHUGU. NIBATAYARONKA BAREKE UWUTWARA UNO MUNSI YIBANDANYIRIZE. nONE MUGOMBA TUBIGIRE GUTE KO MBONA UBUKENE ARI BWISHI MUBANYAGIHUGU. ARAVAHE KO NABO BIGIRA NGO LES DEMOCRATES AMERICANO-EUROPEENES BIGOREWE BIBEREYE MUBINDI.