Le Directeur du Groupe de Presse Iwacu faisait partie de [la manifestation de ce matin->http://www.iwacu-burundi.org/spip.php?article4864]. Il nous livre son sentiment après la charge brutale de la police.
<doc7145|left>Iwacu : {Qu’est-ce qui s’est passé ce matin ?}
Antoine Kaburahe : Nous marchions pacifiquement vers le parquet, une manifestation que l’on fait tous les mardis pour réclamer la libération de notre confrère Hassan Ruvakuki. Jusqu’ici la manifestation se déroulait sans encombre, avec l’encadrement de la police.
{Pourquoi ce changement d’attitude de la police aujourd’hui ?}
Personne ne comprend ! La police nous a interdit de nous diriger vers le parquet. Nous avons obéi. Ils nous ont dit de nous diriger vers le Centre Culturel Islamique. En fait, l’objectif était de nous regrouper au niveau de la station dite « Katikati ». La police nous poussait, nous serrait, on ne comprenait pas. Soudain nous avons entendu quatre explosions. La police venait de balancer des grenades lacrymogènes parmi nous !
{Qu’est-ce que vous avez fait ?}
C’était la stupeur, puis la débandade. Les policiers ont chargé, avec des matraques, ils couraient derrière les journalistes, certains sont tombés par terre et les policiers tapaient avec rage sur des hommes et des femmes à terre. J’ai pensé à certaines images que l’on voit en Syrie…
<doc7144|right>{Comment expliquez-vous cette attitude la police ?}
Je ne sais pas. C’était une violence aveugle, gratuite. Visiblement, les policiers avaient l’ordre de frapper, de faire mal. Ce qui m’a effrayé le plus, c’est la haine que l’on lisait dans les yeux des policiers. Comme si nous étions des criminels.
{Quelles sont les conséquences de ce qui s’est passé ce matin ?}
La police a pris ouvertement le choix de la violence. C’est une nouvelle donne. Je crains désormais une crispation des relations entre les médias et la police. C’est dommage car il y avait un climat apaisé. L’autre conséquence est l’image du pays. C’est un désastre sur le plan international, surtout pour un pays qui veut attirer des investisseurs. La police ne sort pas agrandie de cette histoire.
{Et qu’est-ce que les journalistes vont faire ?}
Des concertations sont en cours. Ce qui est sûr, mardi prochain il y aura une grande manifestation, les journalistes seront très nombreux au rendez-vous. Que fera la police mardi prochain ? Je n’en sais rien.
{Quel est votre sentiment personnel par rapport à tout cela ?}
Les journalistes avaient obtempéré à l’ordre de la police et rebroussaient chemin. J’ai le sentiment d’un vrai gâchis. Toute cette violence n’était pas nécessaire. Et puis la violence ne résout rien. J’ai l’impression qu’en utilisant la violence, il y a des gens qui souhaitent une radicalisation de la situation. Ceux-là n’aident pas le gouvernement. C’est une crise dont on aurait pu se passer…