La Banque de la République du Burundi a révisé mercredi 28 novembre le capital social exigé aux banques et institutions financières. A partir de décembre 2025, toute banque doit compter au moins 30 milliards BIF et au moins 18 milliards pour chaque établissement financier.
Trois questions à l’économiste André Nikwigize
Pourquoi cette mesure de la BRB de revoir à la hausse le capital social d’une banque ou d’un établissement social ?
Aujourd’hui, ces institutions sont vides et au bord de la faillite. Elles n’ont d’autre choix que de renflouer les caisses, avec des ressources fraîches, pour financer l’économie et le déficit budgétaire de l’Etat. Par l’augmentation du capital.
Mais, cette opération d’augmentation de capital appelle trois questions essentielles : la première, les actionnaires des banques et institutions financières seront-elles en mesure de mobiliser les ressources nécessaires pour augmenter le capital, dans les délais prescrits par la mesure de la Banque Centrale ?
Certainement, ces institutions devront ouvrir le capital à d’autres partenaires extérieurs, au cas où les actionnaires classiques ne sont pas en mesure d’injecter de nouvelles ressources.
La deuxième question est de savoir si ces nouvelles ressources vont servir à financer l’économie, par des prêts aux investisseurs privés. Ou alors, l’Etat va encore continuer à ponctionner sur ces ressources pour financer son déficit budgétaire, qui augmente chaque année ?
La troisième question : l’Etat va-t-il, enfin, rembourser les importantes ressources qu’il doit aux banques et institutions financières, afin que ces dernières les affectent au financement de l’économie ?
La décision est donc justifiée ?
La mesure de la BRB d’exiger des banques et institutions financières est certainement justifiée, elle vient répondre aux défis multiples auxquels font face ces institutions, dont les caisses sont, aujourd’hui, vides. L’Etat, avec ses difficultés financières, a précipité les banques commerciales et les institutions financières dans la « quasi-faillite ». Leur recapitalisation permettra de les sauver de la faillite. C’est la solution ultime.
Les banques et les institutions financières réussiront-elles à appliquer cette mesure ?
Le premier défi réside dans la valeur réelle du capital de départ. Compte tenu de la dépréciation continue de la monnaie nationale, depuis 5 ans, 10 millions de Francs Burundais de 2018, lorsque le dollar s’échangeait à 1.783 FBU, n’ont plus la même valeur en 2023, alors que le dollar s’échange à plus de 4.300 FBU, sur le marché parallèle. Par conséquent, pour maintenir le même niveau de ressources, en termes réels, il faut augmenter le capital, pour répondre aux besoins du marché financier.
Le deuxième défi est lié aux difficultés financières de l’Etat, avec les déficits budgétaires importants pour lesquels le système bancaire a dû intervenir. La dette intérieure, qui atteint aujourd’hui 6.000 milliards de Francs Burundais, provient pour plus de 40% du système bancaire et financier. Malheureusement, l’Etat n’est pas en mesure de rembourser les montants importants qu’il doit aux banques et institutions financières.
Le troisième défi est lié au super-endettement des banques et des institutions financières. Fin 2022, la dette des banques et institutions financières s’élevait à plus de 1.500 milliards de Francs Burundais.
Ce sont ces trois facteurs qui limitent la capacité des banques et institutions financières dans leurs interventions auprès des opérateurs privés. Car, malgré le coût élevé du crédit, les opérateurs privés manquent de ressources.
L’Etat doit engager des réformes visant, notamment, à libérer les ressources pour financer l’économie, au travers des institutions appropriées, et s’abstenir de continuer à ponctionner les ressources disponibles pour financer ses dépenses courantes. Les réformes en cours avec les institutions de Bretton Woods devraient envisager cette composante, que nous estimons importante.
Propos recueillis par Dorine Niyungeko