Vendredi 5 juin, au lendemain de la validation des résultats par la Cour constitutionnelle, la Conférence des évêques catholiques du Burundi (CECAB) a adressé un message de félicitations au président de la République élu. Simultanément, les évêques ont sorti une déclaration sur un ton beaucoup plus nuancé. Comment comprendre cette succession de messages divergents des évêques au président élu ? Décryptage. Par *Egide NIKIZA
En l’espace de 10 jours, les évêques du Burundi ont envoyé des messages pour le moins contrastés à propos des élections du 20 mai. Le 26 mai, la CECAB a publié une déclaration fracassante sur le déroulement des élections, dénonçant de graves et nombreuses irrégularités, mettant en doute les résultats provisoires proclamés par la CENI. Le 5 juin, les mêmes évêques ont adressé un message de félicitations au Général-Major Evariste Ndayishimiye : « Nous nous réjouissons avec le peuple électeur pour la confiance mise en vous et nous saisissons cette occasion pour vous en féliciter » ! Mais le même jour, la CECAB a fait une mise au point, reprenant pour l’essentiel sa déclaration du 26 mai et sur les ondes de Radio Maria, Mgr Joachim Ntahondereye a tenu en kirundi des propos similaires.
S’il faut en croire Mgr Ntahondereye, l’Eglise burundaise maintient ses critiques du déroulement des trois scrutins. Elle promet par ailleurs de continuer à contribuer à la consolidation de la démocratie dans les années à venir. «Nous persistons à nous interroger comme dans notre dernière déclaration sur les irrégularités observées et la véracité des résultats proclamés », a souligné l’évêque de Muyinga dans une interview à Radio Maria.
Par contre, a-t-il précisé au nom de ses confrères, après la proclamation officielle des résultats par la Cour constitutionnelle, seule institution habilitée pour valider ou invalider l’issue des élections, les évêques se doivent de reconnaître le président proclamé. «Ce n’est pas à nous de proclamer le vainqueur et le perdant […], nous nous contentons de cela».
Appel à aimer la vérité et la justice
Et c’est ce qu’ils ont fait en félicitant le Général-Major Evariste Ndayishimiye, le vendredi 5 mai.
Pour Mgr Ntahondereye, ce message relève de la simple courtoisie envers une autorité importante. Il nous faut néanmoins constater que s’ils écrivent dans le message transmis au président élu qu’ils se réjouissent « avec le peuple électeur », ils ne reprennent pas les mêmes propos dans l’autre déclaration du même jour.
Sur un ton très posé, Mgr Ntahondereye indique laconiquement : « Nous prenons acte des résultats proclamés par la cour constitutionnelle». Ainsi, finalement, les évêques prennent acte, mais ils ne se réjouissent pas! La nuance est de taille.
Par ailleurs, dans leur mise au point du 5 juin, les évêques déplorent que la CECAB ait été considérée « à tort » par la Cour constitutionnelle comme une partie plaignante, alors même qu’elle leur avait demandé, après leur déclaration du 26 mai, une note confidentielle reprenant leurs accusations basées sur plus de 2.700 observations de terrain. Tout cela, selon eux, sème la confusion dans la population. Ils appellent tous les Burundais à aimer la vérité et la justice et à être artisans de paix et d’unité.
N’empêche : dans cette « guerre de communication », le message de félicitations des évêques est une aubaine pour les supporters du candidat élu. Il a été aussitôt récupéré et les communicants en ont extrait ce qui leur convient. C’est de bonne guerre, même si, d’une déclaration à l’autre, les évêques ne se dédisent pas vraiment.
*Diplômé en sociologie, Egide Nikiza est journaliste depuis 2016 à Iwacu où il est chef de service web, et blogueur chez Yaga. Actuellement en formation en science politique à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne (France)