En démocratie, la société civile joue un rôle crucial en matière de démocratisation du système politique. Celui de « chien de garde » ou de « redresseur des torts ». Au Burundi, malheureusement, il s’observe, à son sein, « une forme de polarisation politico-ethnique », surtout pendant les moments électoraux. Iwacu fait une analyse nécropsique de la société civile burundaise.
Les organisations de la société civile jouent de multiples rôles dans des régimes démocratiques, chacune suivant son champ d’application.
Selon Faustin Ndikumana, directeur exécutif de Parcem, la société civile incarne le dynamisme de l’action citoyenne, l’exigence de la redevabilité envers les dirigeants par la population, le contrôle de l’action des dirigeants. « La société civile alerte le pays s’il y a quelque chose qui ne va pas. Dans un pays sans une société civile dynamique, la population ne saurait exercer son droit de contrôle citoyen de l’action publique ; son droit d’exiger que les dirigeants rendent des comptes.»
Il estime qu’en jouant son rôle de contrôle de l’action gouvernementale, la société civile est le grand pilier de la démocratie.
Même son de cloche pour le représentant de Capes+, Hamza Venant Burikukiye. « La société civile doit jouer son rôle dans tous les aspects et surtout chacun selon son engagement, son objet et son plan d’action. », indique-t-il en effet. Et d’évoquer que cette société civile doit prendre les devants pour consolider la démocratie et la paix dans notre pays.
Quant à Gabriel Rufyiri, président de l’Olucome, la société civile ne fait que travailler sur base des principes de gouvernance politique, économique, sociale ainsi que de gouvernance culturelle afin de gérer d’une façon équitable la chose publique.
Il fait aussi savoir que la société civile est un groupement d’hommes et de femmes qui sont là pour défendre l’intérêt général.
A en croire ces activistes, la grande question revient à savoir si la société civile burundaise est à la hauteur de jouer pleinement cette mission. Surtout qu’en son sein, il y existe des « factions ». Ce qui la fragilise et la décrédibilise.
Des factions au sein de la société civile ?
Tous les activistes interrogés disent que depuis pratiquement la crise du 3e mandat de feu président Pierre Nkurunziza, il y a eu une dichotomie au sein de la société civile burundaise. « Consécutivement à cette crise, deux factions, l’une pro 3e mandat et l’autre contre le 3e mandat, ont vu le jour. », reconnaissent ces activistes.
Mais il semble que c’est tout à fait normal pour le positionnement sur une question aussi fondamentale que la Constitution. « Il peut y avoir la société civile et une partie des partis politiques qui aient la même position. Cela ne signifie pas que la société civile burundaise est morte pour de bon », souligne Faustin Ndikumana.
Le directeur exécutif du Parcem estime que c’est tout à fait normal qu’il y ait une société civile qui peut se confondre avec le pouvoir actuel.
Ce que semble nuancer Gabriel Rufyiri. Pour lui être derrière tel parti politique n’est pas en effet le rôle de la société civile.
Tout en admettant que les organisations de la société civile peuvent avoir une même position que les partis politiques dans la défense d’une cause, cette position peut tout de même être une source de leur instrumentalisation.
D’ailleurs neutralité exige. La société civile doit se défaire de la casquette de toute idéologie partisane. Une bipolarité au sein de la société civile peut par ailleurs compromettre sa mission première, à savoir celle de construire et de diffuser un discours cohérent. Dans ce cas, cette société civile n’arrive pas à purger l’Etat des pratiques jugées non démocratiques.
Hamza Venant Burikukiye confirme qu’il existe des associations de la société civile qui travaillent honnêtement dans l’objet de leurs missions et d’autres qui sont là à la solde des « ennemis de notre pays ». « Nous avons déjà vu cela », dit-il. Avant de les étiqueter comme quoi il s’agit « des égarés qui se sont dissimulés dans la société civile alors qu’ils sont des acteurs politiques. Et de les accuser qu’ils sont mandatés pour ternir l’image du pays et saper les intérêts communs de la population.
Pour rappel, il y a quelques années, le Burundi figurait parmi les pays qui avaient une société civile et un espace médiatique considérés comme dynamiques par de nombreux observateurs.
Eclairage
Rémy Havyarimana : « La société civile burundaise est confrontée à plusieurs défis »
Selon vous, quel est le rôle de la société civile ?
La société civile est un acteur incontournable du jeu politique. Elle œuvre pour l’instauration d’un climat favorable au pluralisme politique, à la tolérance et au respect des droits citoyens. Son rôle est de travailler en rapport avec les besoins sociaux sans nécessairement être contre ou pour le gouvernement.
Votre lecture de la Société civile burundaise ?
La société civile burundaise, qualifiée de plus libre et dynamique, notamment au regard de son action lors des élections de 2005 a été mise à l’épreuve par la crise politique de 2010 accentuée en avril 2015.
Une partie de la société civile a été contrainte de se positionner du côté du gouvernement et plusieurs organisations se sont retrouvées comme des caisses de résonance du parti au pouvoir, tandis que d’autres se sont classées parmi les acteurs de l’opposition.
Cela a fait que depuis un certain temps, on n’a vraiment pas connu de société civile qui soit réellement société civile.
Parce que même le peu qui tentait de l’être était catégorisé. À un certain moment, les vrais acteurs de la société civile étaient obligés de se taire.
C’est cette situation de fait qui fait que, malheureusement, la société civile burundaise se retrouve dans une situation où elle est en train de se recréer, de se redonner de l’espace dans la vie active de ce pays.
Quelles sont les causes de cette défaillance ?
En plus des blocages liés au positionnement politique et idéologique, la société civile burundaise est confrontée à des problèmes en rapport avec la façon dont leurs leaders intègrent les notions de coopération et de compromis. Entre les deux factions, les relations sont antagoniques.
Un antagonisme accentué par des difficultés financières récurrentes en raison de l’absence, au Burundi, d’une ligne budgétaire consacrée au financement des ASBL. Dans ces conditions, la plupart des organisations dépendent des bailleurs extérieurs.
Il s’agit d’une situation préjudiciable dans la mesure où cette dépendance externe est tellement importante que ce sont en fait les ONG internationales qui décident de l’existence des organisations locales.
Ailleurs ou dans d’autres pays, la société civile est soutenue par des pouvoirs publics qui donnent des fonds de fonctionnement à ces structures sans nécessairement les influencer.
Qu’en est-il des conséquences ?
Les conséquences sont de deux ordres à mon avis. D’abord, c’est que, malheureusement, la population peut se retrouver victime de plusieurs maux en l’absence de celui qui pourrait crier haut et fort.
Il y a des personnes qui sont emprisonnées et d’autres qui sont portées disparues. Il y a des choses qui pouvaient être dites mais qui manquent des personnes pour les dire.
La deuxième conséquence s’observe au niveau du gouvernement. Ce dernier agit seul sans arbitre, sans conseillers et sans savoir si ce qu’il fait est bien apprécié ou pas.
Il se retrouvera au fond du gouffre sans avoir été averti. Ce sont les grands dangers pour moi qui sont là et liés entre eux. Les maux sont là, personne n’en parle d’une façon efficiente et ces maux continuent à être commis.
Des solutions ?
La société civile ne pourrait s’épanouir que lorsque le gros du secteur privé se sera épanoui. Cela ne dépendra que de la compréhension de quelques acteurs du gouvernement qui devront se rendre comptent que finalement, le secteur privé, c’est aussi en leur faveur. Si elle joue pleinement son rôle sans prendre parti là aussi, elle joue en faveur du gouvernement.
Le Burundi est encore malheureux pour quelques années, la méfiance au lieu de la complémentarité domine les esprits et bienvenue la diabolisation et l’autodestruction mutuelles. La Société Civile est calquée sur l’histoire burundaise, nombreux versent dans les extrémismes de telle sorte qu’il est même difficile de faire confiance à qui que ce soit. Parfois, ses membres, la Société Civile, surtout celle engagée sur les sujets politiques, affichent les idées et propos pires que les gouvernants qu’ils sont censés corriger. Elle forme des camps qui ont du mal à constituer le juste milieu pour le bien et bonheur commun. In fine, nombreux de leurs membres sont des agents à la botte de leurs financiers internes et ou externes et leurs OSCs juste leurs gagne-pain à tout prix.
Qu’il y ait une societe civile comprenant les choses de la meme facon que des pouvoirs en place, cela n’est pas un probleme car c’est normal. Mais les doutes commencent A se faire sentir lorsqu’une societe civile voit tout comme rose jusqu’A defendre un cas plus que ne le ferai le concernE. La societe civile doit comprendre que son role principal est de faire des clin d’oeil et denoncer ce qui ne vat pas et c’est moyen d’aider les dirigeants pour rectifier le tire. Il faut des critiques positives ou negatives, le cas echeant. Quoique court, l’eclairage de REMY est » on ne peut plus clair ».
Eclairage clair: c’est clair!