Le budget général de l’Etat pour l’exercice 2012 a fait couler beaucoup d’encre et de salive ces derniers jours. La société civile le trouve irréaliste et fantaisiste. Iwacu a approché Charles Nihangaza, ancien Ministre des Finances, actuellement consultant en fiscalité et gouvernance. Interview. <doc2704|left>{Le budget général de l’Etat pour l’exercice 2012 est de 1211 milliards de Fbu. Est-ce que ce budget n’est pas trop grand pour le Burundi?} Oui. Il y a une très grande évolution par rapport à l’année passée. Le budget de l’année passé était de 1026 milliards de francs burundais. Le budget d’investissement a beaucoup augmenté, surtout pour les projets des bailleurs de fonds. On peut même se poser la question de savoir si pour tous ces projets, il y aura un tirage. Par exemple, il y a des projets dont le tirage est de plus de 49 milliards comme le Fonds mondial. On peut aussi se poser la question de savoir si tous ces tirages seront réalistes. J’ai vu que l’on a répertorié tous les projets qui étaient en cours. Déjà, le budget d’exécution des projets, pour l’année en 2011, ne dépassait pas 30%. Le meilleur projet était le Fonds commun de l’éducation qui était autour de 33%. Là ; il y a la question de savoir si ce budget sera exécuté tel quel. Au niveau des dépenses courantes, on voit qu’il y a une certaine compression. Les salaires, en 2010, avaient augmenté de 28%. Cette année, les salaires ne vont augmenter que de 3%. On a augmenté le nombre de projets pour satisfaire les besoins de l’agriculture, de l’énergie et des infrastructures. La question, ici, est de savoir si ces projets sont murs parce que, souvent, dans les budgets d’investissement, c’est que l’on présente des projets et le déblocage ne se fait pas à la fin de l’année. Pourquoi on met dans les budgets les montants des projets et non les vrais décaissements ? Par exemple, quand on voit un hôpital pour lequel on met 8 milliards de Fbu, est- ce qu’on a la capacité de les dépenser ? {Qu’en est-il des recettes ?} Au niveau des recettes, les dons ont diminué, surtout les dons courants. Les dons en projets ont augmenté. Les recettes intérieures ont augmenté, surtout certains impôts. Les ressources fiscales ont augmentés globalement de 21% : Les impôts sur le revenu de 43% ; la TVA de 35%, les accises de 20%. Ce n’est donc pas un budget qui augmente en fonction de l’économie normale. On voit que ce sont des mesures administratives qui seront prises. Le problème qu’il y a, c’est que quand on augmente ces taxes, on diminue le pouvoir d’achat de la population et la consommation. Par conséquent, la capacité des entreprises d’engager diminue aussi. On va souffrir parce que l’on augmente la pression fiscale pour augmenter les dépenses de l’Etat alors que, dans d’autres pays, on diminue les dépenses de l’Etat pour diminuer la pression fiscale et permettre au secteur privé d’engager et d’investir. <doc2697|left>{54% des ressources du budget doivent provenir des recettes intérieures. Est-ce que cela est possible dans le contexte économique actuel ?} Quand on regarde les ressources de l’Etat, on a augmenté les impôts sur les revenus de 43%. A moins que l’on change de stratégie et que l’on fasse des recensements et qu’on impose ceux qui ne paient pas, ce taux de 43% est trop élevé. Pour ce qui est des accises, elles sont augmentées de 20,1%. La Brarudi, la SOSUMO ou la BTC ne vont pas augmenter la production jusqu’à 20%. C’est-à-dire que l’on va augmenter les taxes. Il en est de même pour la TVA qui augmente de 35% alors que l’économie n’enregistrera que 4,8% d’augmentation réelle plus 8,4% d’inflation, soit 13,2%. Il y a 21,8% de plus dont on ne voit pas où l’on va les trouver ! L’autre chose concerne les recettes non fiscales qui augmentent de 51%. J’ai peur que, prochainement, l’on ne fasse face à des mesures d’augmentation des taxes pour faire plus d’encaissements. {Le Budget de 2012 accuse un accroissement de 18% par rapport à celui de 2011 alors que celui de l’année passé est resté déficitaire jusqu’à la fin de l’année…} Oui. Depuis 5ans, on vit un endettement auprès des banques. Et chaque année, la dette augmente de plus 100 milliards de Fbu parce que l’Etat ne parvient pas à rembourser les avances de la BRB (Banque de la République du Burundi) et les bons de trésor souscrits par les banques. L’endettement a un effet direct sur la monnaie. Le franc burundais perd de valeur très rapidement. S’endetter pour financer un budget, c’est une grave erreur. Normalement on s’endette pour des investissements alors qu’ici on voit que l’on s’endette pour des besoins de fonctionnement. Ce qui diminue le pouvoir d’achat et par conséquent la diminution de la production des entreprises. {D’aucuns estiment que les aides viennent au compte-gouttes, ce qui serait même la cause du déficit budgétaire ?} C’est vrai il y a beaucoup des déviations à la fin de l’année, par exemple l’Union Européenne ou la BAD (Banque Africaine de Développement). En fait, l’Etat s’endette au courant de l’année et essaie de rembourser à la fin de l’année. Mais, entre-temps, l’endettement a fortement augmenté et la monnaie a perdue de sa valeur. Il y a même des aides qui ne viennent pas. Il y a aussi la manière de suivre ces dons, la manière même de négocier ces dons. A quoi servent ces dons, s’ils viennent à la fin de l’année ? {Les gratifications et autres primes de bilan accordés aux travailleurs des entreprises étatiques et à économie mixte ont été supprimées, semble-t-il, dans l’espoir d’un impact positif sur le budget. Est-ce que le gouvernement ne devrait pas plutôt diminuer le train de vie de l’Etat ?} Les gratifications des entreprises ne pèsent pas sur le budget de l’Etat. Mais c’est plutôt la gestion de certaines dépenses qui pose problème. Les frais de location tournent autour de 20 milliards. Est-ce qu’on ne peut pas construire ? Le carburant est de plus 200 litres par semaine pour certains véhicules. Est-ce que c’est logique ? C’est une mesure qui n’a pas d’importance, car le budget 2012 ne contient pas de gratifications. Par contre, l’Etat a perdu des impôts parce que la gratification est imposable.