L’ambassadeur des droits humains des Pays-Bas, Wim Geerts a effectué une visite au Burundi du 22 mai au 24 mai. Il a rencontré plusieurs personnalités dont les représentants de la société civile burundaise et certains responsables des médias. A la fin de son séjour, il a accordé une interview au Journal Iwacu.
M. l’Ambassadeur des droits humains pour les Pays-Bas, vous avez rencontré plusieurs personnalités, quel était le but de votre séjour au Burundi à la fin du mois de mai ?
En tant qu’ambassadeur des droits humains pour le Royaume des Pays-Bas, une partie de mon mandat consiste à effectuer des visites bilatérales dans d’autres pays pour discuter et promouvoir les droits humains. Cette fonction existe aux Pays-Bas depuis 24 ans maintenant.
Alors, j’ai pour mission de promouvoir et de renforcer notre politique en matière de droits humains et notre coopération avec nos partenaires. Je m’y emploie de différentes manières.
Au sein du ministère, j’encourage l’imbrication des droits humains dans d’autres domaines. En outre, je discute de la promotion des droits de l’Homme avec d’autres pays.
Il s’agit d’échanger des analyses, d’identifier les possibilités de coopération ou de soutien, de faire part de nos préoccupations le cas échéant et d’encourager mes homologues à relever les défis.
J’entretiens un vaste réseau avec des représentants d’organisations de la société civile, du monde des affaires, de la Communauté internationale, des journalistes, des défenseurs des droits de l’Homme, des jeunes et des partenaires gouvernementaux, tant aux Pays-Bas qu’à l’étranger.
Dans la mesure du possible, j’essaie d’aligner mes messages sur ceux de partenaires clés tels que les organisations internationales de défense des droits de l’Homme, les Nations unies et mes collègues de l’Union européenne, car les messages conjoints peuvent être puissants, la coopération internationale étant essentielle pour améliorer et promouvoir les droits de l’Homme dans le monde.
Dans l’ordre géopolitique mondial actuel, les droits de l’Homme et la coopération multilatérale sont moins appréciés dans différentes parties du monde. Dans certains cas, les progrès sont même inversés. Les régimes autoritaires saisissent l’occasion pour restreindre de plus en plus les droits de l’homme. C’est très préoccupant, car vous voyez que les droits de l’Homme universels ne sont pas un acquis.
C’est pourquoi il est important que nous continuions à investir dans l’amélioration des droits de l’homme au niveau mondial. Les Pays-Bas le font par le biais de leurs priorités en matière de droits de l’homme, – telles que la liberté d’expression, la promotion de l’État de droit et la lutte contre l’impunité -, en unissant leurs forces, en formant des coalitions et en renforçant les collaborations existantes.
Votre visite est intervenue dans la foulée du dialogue entre l’équipe Europe et le Gouvernement burundais, comme pierre d’achoppement il y a notamment le respect des droits de l’Homme, une coïncidence ?
La coïncidence de ma visite avec celle du dialogue des partenaires n’était pas prévue. Toutefois, en tant qu’État membre de l’UE, nous attachons une grande importance à l’approche « Team Europe ».
La promotion des droits de l’Homme dans le monde n’est pas seulement une priorité pour les Pays-Bas, mais pour l’ensemble de l’UE. Je travaille donc en étroite collaboration avec mes collègues européens et je les informerai également des résultats de ma visite. Je n’étais pas présent lors du dialogue, mais je sais que les droits de l’Homme ont été l’un des principaux sujets abordés, ce qui était également le cas lors du dialogue précédent.
Le respect des droits de l’Homme reste un sujet important dans les relations avec le Burundi et la poursuite de ce dialogue est essentielle pour évaluer les progrès réalisés et mettre en œuvre les réformes nécessaires. En effet, le respect des droits de l’Homme est indissociable de la stabilité, du développement économique et du bien-être des populations.
Comment évaluez-vous la coopération entre le Burundi et les Pays-Bas ?
Les Pays-Bas et le Burundi entretiennent des relations bilatérales de longue date : cette année, nous célébrons 60 ans de relations bilatérales ! Les Pays-Bas sont actuellement l’un des principaux donateurs bilatéraux au Burundi. Notre coopération dans de nombreux secteurs – notamment l’agriculture, l’infrastructure, l’entrepreneuriat, la santé (SRHR) et la gouvernance – a été très bénéfique.
Nous avons de nombreux projets à grande échelle dans les domaines de la sécurité alimentaire, de l’entreprenariat et de la promotion des droits de l’Homme au Burundi. Par exemple, les Pays-Bas soutiennent le programme fiduciaire multipartenaires des Nations unies à hauteur de 6 millions de dollars. Grâce à ce programme, les institutions burundaises telles que la CNIDH et l’Ombudsman sont appuyées dans l’accomplissement de leur travail plus efficacement en renforçant leurs capacités.
En 2023, les Pays-Bas ont lancé leur nouvelle stratégie pour l’Afrique 2023-2032. Cette stratégie définit la manière dont les Pays-Bas entendent collaborer avec succès avec leurs partenaires africains, aujourd’hui et à l’avenir, pour favoriser la stabilité, la paix et la sécurité du continent voisin.
La création de partenariats égaux et mutuellement bénéfiques avec les pays africains est au cœur de cette stratégie. La coopération avec nos partenaires africains est nécessaire.
Une relation bilatérale égale et étendue, telle que celle que nous entretenons avec le Burundi, constitue une base solide pour discuter également de sujets sensibles ou de besoins d’amélioration.
En ce qui concerne les droits de l’homme, le Burundi est confronté à de nombreux défis et doit prendre des mesures. Les Pays-Bas et la communauté internationale sont prêts à soutenir et à encourager le Burundi dans ses progrès.
Un message aux gouvernements néerlandais et burundais et quelle place pour les médias ?
Comme je l’ai dit lors de ma réunion au ministère des Affaires étrangères, les Pays-Bas sont particulièrement intéressés à soutenir les efforts du Burundi pour établir un climat où les conditions pour l’avancement des droits de l’Homme, des libertés fondamentales et la consolidation de l’espace démocratique, sont réunies.
La liberté d’expression en est un élément essentiel. Au cours de mes entretiens, j’ai donc souligné l’importance de la liberté d’expression et de l’espace civique. D’autant plus qu’à l’approche des élections législatives et communales de 2025 et présidentielles de 2027, l’indépendance des médias et la liberté d’expression sont essentielles pour garantir la transparence du processus électoral.
Les droits de l’Homme sont un élément important et incontesté des relations entre le Burundi et les Pays-Bas. Comme je l’ai dit lors de mes rencontres, nos deux pays sont actuellement membres du Conseil des droits de l’Homme et nous nous réjouissons de poursuivre notre relation de travail à Genève.
Le message que j’ai transmis lors de mes rencontres avec le gouvernement burundais et ses institutions est qu’il est de la plus haute importance de poursuivre les progrès réalisés par le Burundi en matière de protection des droits de l’Homme.
Nous continuerons à travailler avec le Burundi pour mettre en œuvre les réformes nécessaires à l’amélioration de la situation des droits de l’Homme.
En outre, au cours de mes réunions, j’ai soulevé plusieurs cas individuels de violations des droits de l’Homme et j’ai exprimé mes préoccupations à ce sujet.
Un message au peuple burundais ?
Un point important qui a été discuté lors de plusieurs de mes réunions, et qui constitue également mon message au peuple burundais, concerne le lien intrinsèque entre le développement durable et les droits de l’Homme.
En effet, le gouvernement a travaillé dur sur son PND révisé pour l’aligner sur sa vision du Burundi en tant que pays émergent en 2040 et pays développé en 2060, en se concentrant avant tout sur les questions socio-économiques.
De nombreux Burundais sont confrontés à des défis économiques, à l’insécurité alimentaire, à des pénuries de carburant et à des besoins essentiels.
Il est important de rappeler aux autorités que la durabilité des progrès ne peut être garantie si l’environnement des droits de l’Homme et des libertés individuelles n’est pas au cœur des réformes.
Les Pays-Bas, ainsi que la Communauté internationale, encouragent le Burundi à prendre des mesures concrètes pour respecter ses engagements en matière de droits de l’homme.
Propos recueillis par Abbas Mbazumutima
Un connaisseur du langage diplomatique a dit qu’il faut savoir lire entre les lignes du discours. Le diplomate néerlandais parle dans cet article de la nécessité pour le Burundi d’entreprendre des réformes visant à créer un environnement des droits humains et des libertés individuelles. Ce même langage a été tenu en Ouganda. Le président Kaguta s’y est fortement opposé car il était question de promouvoir les droits des homosexuels. Après il a été sanctionné par l’occident. Voici donc notre tour arriver. Le président de notre Eden est averti.
Le message le plus important dans tout cela est le suivant » Il est important de rappeler aux autorités que la durabilité des progrès ne peut être garantie si l’environnement des droits de l’Homme et des libertés individuelles n’est pas au cœur des réformes » .
Je connais particulièrement les Néerlandais , en l’absence du respect des droits de l’homme et des libertés individuelles , de la liberté d’opinion dans les média , de l’ouverture de l’espace politique ainsi que de la lutte contre la corruption , rien ne viendra d’eux et non plus de l’UE .
Ca ne vaut donc pas la peine que le Burundi insiste en quémandant l’aide , si il ne change pas sa politique dans les domaines clés énumérés ci dessus.