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Ambassadeur Pamela Slutz : « La démocratie, ce n’est pas seulement les élections »

05/05/2013 Commentaires fermés sur Ambassadeur Pamela Slutz : « La démocratie, ce n’est pas seulement les élections »

La Rédaction du Groupe de presse Iwacu a accueilli Mme Pamela Slutz, ambassadeur des Etats-Unis au Burundi, qui se dit confiante quant à l’avenir du Burundi même si elle craint le retour au monopartisme. Avec la rédaction d’Iwacu la diplomate revient dans ces colonnes sur les grandes réalisations et les perspectives de son pays au Burundi. Bons et mauvais souvenirs ne manquent pas aussi.

<doc2950|right>{A la veille de votre départ, quel bilan faites-vous du processus démocratique au Burundi ?}

Je pense qu’il a été un succès. La démocratie est un processus toujours en évolution et il n’y a pas de démocratie parfaite. Même aux Etats-Unis, nous avons toujours besoin d’améliorer. Je rappelle que la démocratie, c’est le gouvernement par le peuple et pour le peuple. Et je pense que vous avez cela : un parlement élu et qui doit jouer son rôle. Peut-être le gouvernement devrait travailler encore plus à apprendre à ses fonctionnaires à servir la population et non le contraire. Je sais, cela prend le temps parce que cela demande un changement de mentalités. Chez nous, dès que vous acceptez d’être fonctionnaire de l’Etat (d’autant plus que beaucoup ne le veulent pas), vous devenez un agent public et défendez les intérêts de la population.

{Pensez-vous que c’est l’esprit qui prévaut au Burundi ?}

Je pense que vous avez fait un pas dans ce sens-là, et il reste encore à faire. La fonction publique devrait être accessible sur mérite et non parce qu’on est tel. Je note aussi qu’il y a beaucoup de composantes de la démocratie, et que celle-ci ne se réduit pas seulement aux élections. Et l’un des grands défis du gouvernement, c’est la protection des droits de l’homme.

{Quelle appréciation faites-vous des relations entre le Burundi et les Etats-Unis ?}

Notre présence au Burundi depuis 50 ans n’a jamais été interrompue, même si elle a été réduite, parfois. Je constate que nos relations avec le Burundi s’améliorent et s’approfondissent. Un exemple de cet état, c’est l’ouverture par les Etats-Unis de l’espace appelé « American Corner » ou « Coin américain », un nouveau Centre Culturel américain. Nous réalisons aussi que le Burundi a intégré la Communauté Est Africaine économiquement, politiquement et peut-être même militairement, un espace où la langue anglaise est très utilisé. C’est dans ce cadre que le gouvernement américain va appuyer la venue des formateurs pour ceux qui souhaitent apprendre l’anglais. D’autre part, nous avons maintenant une association regroupant une centaine de ressortissants burundais qui ont étudié brièvement ou longuement aux Etats-Unis.

{Quel est son rôle ?}

Cette association a déjà mené différentes activités, notamment l’organisation d’une table ronde autour de laquelle des personnalités ont parlé des défis de la démocratie au Burundais. De manière générale, nous avons une bonne coopération politique, économique, culturelle, sociale, éducation et même militaire.

{Concrètement, quels sont les domaines de coopération dans lesquels vous intervenez au Burundi ?}

Le gros de notre aide extérieure va dans le secteur de la santé, notamment dans la lutte contre la malaria, le Sida, la malnutrition, ainsi que les problèmes liés à la reproduction sur lesquels nous débutons un programme cette année. Le Burundi connaît des défis liés à la démographie et nous voulons l’aider à affronter ce problème. En outre, les Etats-Unis vont s’intéresser au domaine agricole notamment au secteur du café. Les Américains aiment le café et celui du Burundi est l’un des meilleurs au monde. Bref, notre approche est large. Je m’en voudrais de ne pas souligner l’Amisom, en saluant sincèrement l’engagement du Burundi dans cette mission de maintien de la paix.

{Le Burundi est engagé dans l’Amisom mais cette mission crie au manque de moyens logistiques. Les Etats-Unis comptent-ils apporter un appui de ce genre ?}

L’Amisom est une mission de l’Union Africaine. Les Etats-Unis ne fournissent que la formation (nous avons déjà formé 15 bataillons), le transport des troupes et certains équipements pour les militaires, comme une veste de protection et un casque. Le Burundi travaille étroitement avec l’Ouganda et les deux pays reçoivent la même chose de notre part. Je voudrais être clair que nous ne payons rien. Les salaires viennent de l’Union Européenne. Nous n’avons pas de soldats en Somalie mais le Kenya et l’Ethiopie sont aussi là-bas, Djibouti pourrait aussi faire partie. Nous espérons que l’effort conjugué des troupes de tous ces pays permettra de défaire les Al-shabab une fois pour toute.

<doc2951|left>{En parlant sécurité toujours, mais au niveau national, l’opposition extra-parlementaire burundaise parle d’exactions commises à l’encontre de ses membres par les services chargés de la sécurité de l’Etat. Est-ce votre constat aussi ?}

Pour l’année 2011, les Nations Unies ont recensé 61 cas de personnes tuées alors qu’elles étaient dans les cachots de la police ou du SNR (Service National des Renseignements). Tous n’étaient pas membres de partis politiques. En même temps, les Nations Unies ont trouvé une autre quarantaine d’assassinats dont on n’a pas pu établir les auteurs (il n’y a pas eu assez d’enquêtes). Et le constat est que parmi ces personnes tuées, certaines viennent du CNDD-FDD, d’autres du FNL, ou du MSD. Ces meurtres ne sont donc pas unidirectionnels. Pour tous ces cas, nous restons interpelés parce que ce sont des vies humaines qui sont en danger. J’appelle tous les responsables politiques à arrêter l’usage de la violence.

{La même opposition réclame un dialogue avec le pouvoir en dehors du forum permanent de dialogue des partis politiques. Estimez-vous fondée cette revendication ?}

Cela dépend du sens que vous donnez au mot « dialogue ». Je sais qu’en kirundi, « dialogue » peut aussi signifier « négociation » (rires). De plus en plus, le mot politiquement correct qu’on utilise est « débat politique » ou « discussions ». Le gouvernement actuel est formé par trois partis politiques, qui ont gagné les élections. Il est donc légitime. Il n’y a rien à négocier, la population a fait son choix, c’est clair. Il n’y a pas de partage du pouvoir par la négociation. Cependant, ce qui m’inquiète, c’est cette tendance à avoir un système monopartite.

{Qu’entendez-vous par là ?}

C’est triste que quelques leaders politiques aient décidé de ne pas accepter les résultats et choisi de boycotter les scrutins présidentiel et législatif. Si seulement ils étaient restés dans la course, je pense que beaucoup parmi eux occuperaient aujourd’hui des positions politiques et leurs voix porteraient loin dans l’exercice du pouvoir actuel. Mais en même temps, tous les partis devraient être représentés et les partis de l’opposition doivent avoir un moyen de revenir. En revenant à la démocratie, l’une des choses que le gouvernement doit apprendre à gérer, c’est la critique constructive et les points de vue divergents.

{Que faits-vous à cet effet ?}

Nous essayons d’encourager certaines discussions et de rassembler les deux camps, même si ces derniers semblent avoir pris des positions « extrêmes ». C’est le point de vue des Nations-Unis, des pays africains et de la Communauté Est Africaine. Les pays de la région se sont impliqués fortement dans la recherche de la paix au Burundi. Tous ces acteurs restent engagés pour trouver la voie de faire cesser la violence ici, et mettre ensemble toutes les forces politiques.

{Quel est l’appui des Etats-Unis à l’EAC dont le Burundi est membre ?}

L’EAC est l’une des organisations les plus progressistes et solides de l’Afrique. Washington veut soutenir et l’EAC et les Etats qui la composent pris individuellement. Concernant notre appui à l’EAC, un traité économique qui va lier les Etats-Unis et cette communauté est en cours de négociation. Tout ce que je sais, c’est que le Burundi en bénéficiera beaucoup.

{Quel bilan faites-vous des projets soutenus par les Etats-Unis au Burundi ?}

Sur le plan économique, nous avons des programmes intitulés « self-help fund » où nous octroyons de petits financements à des individus et associations communautaires. L’année dernière, nous avons financé au moins 12 organisations. Il y a aussi un autre programme intitulé « African Developpement Foundation » financé directement par le Congrès et doté de près de 250 mille dollars US annuellement, l’année dernière. Nous avons en outre le fonds de la préservation culturelle : il y a deux ans, nous avons réhabilité le Musée de Gitega. Le ministre des Sports et de la Culture nous a demandés de réhabiliter en plus le Musée Vivant de Bujumbura. Le programme de l’USAID a aussi d’autres initiatives dont les bénéficiaires sont les associations à base communautaire.
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<doc2952|right>{ Sur la corruption… La diplomate américaine reconnaît que « le gouvernement burundais a besoin de ‘redorer’ l’image du pays sur le plan régional et international en vue d’attirer les investisseurs, les hommes d’affaires et les touristes », un effort perceptible à travers « la demande d’accès aux financements du programme US Millenium Challenge Compact ». Tout en « saluant les efforts du Burundi en vue de mettre en œuvre les réformes nécessaires pour être éligible à l’un de ces dons », Mme Slutz regrette « qu’en dépit des progrès réalisés dans le domaine de la santé et de l’éducation pour tous, le Burundi n’a pas été éligible l’année dernière. Il a failli à bien d’autres indicateurs et reçu une faible note dans les tests servant à mesurer si les performances d’un gouvernement répondent aux standards internationaux ». Et de pointer « la performance du gouvernement en matière de protection des droits humains ainsi que la lutte contre la corruption », qui « reste loin en deçà des standards internationaux. » Même s’il y a toujours espoir : « Je crois qu’avec un esprit coopératif et une bonne volonté, les Burundais peuvent et pourront améliorer leur vie et celles de leurs enfants », conclut-elle.}
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{Comment jugez-vous le travail des médias burundais ?}

Nous apprécions ce que vous faites, et la Communauté Internationale, le gouvernement américain est conscient des défis auxquels vous faites face. La population doit savoir la vérité, doit être informée pour avoir une démocratie solide. Dans d’autres pays, il y a des rentrées de revenus en provenance des publicités et autres, ce qui n’est pas le cas ici. Il y aurait probablement un appui en équipements ou en formation notamment dans le cadre de l’International Visitors Program. La Voice of America sera prochainement de retour ici, et ils seront là pour des programmes concernant la jeunesse, l’entrepreneuriat et la santé.

{Les Etats-Unis viennent d’ouvrir un espace culturel au Burundi. Est-ce que cela préfigure la réouverture du centre culturel américain ?}

Oui. En réalité, nous avons rouvert le Centre Culturel américain qui est aujourd’hui jusqu’ici appelé « Coin américain ». Il y a douze ans, les Etats-Unis ont décidé de fermer à travers le monde ce genre de structures, et j’étais en Indonésie. Peut-être qu’à Washington ils se sont rendus compte que c’était une erreur. L’espace que vous mentionnez est actuellement opérationnel et accueille au moins 100 personnes par jour, et il n’est pas le dernier. Nous en aurons un à Gitega, et plus tard aussi à Ngozi. Les gens vont avoir l’opportunité de lire des livres, d’utiliser internet, et les réseaux sociaux, Facebook, Twitter, etc.

{A quand l’ouverture de votre nouveau siège de l’ambassade situé à Kigobe ?}

Les ingénieurs qui sont sur le chantier m’ont informé ce mardi 9 février que nous entrerons dans le bâtiment au mois d’août 2012.

{Sur les élections américaines prochaines. Quels pronostics faites-vous ?}

Les élections seront libres, transparentes, justes et apaisées (rires). Je ne suis ni démocrate ni républicaine, je sers le peuple américain sans considérer l’appartenance politique du président. Je suis une diplomate de carrière, depuis 31 ans. J’ai eu le privilège de servir le président Bush comme ambassadeur, en Mongolie, et le président Obama, au Burundi. C’est comme cela que les choses se passent…

{Parlez-nous de vos grands moments de joie ou de tristesse durant votre
séjour au Burundi…}

J’ai beaucoup aimé ce pays. Vous avez des paysages magnifiques. De ma résidence, j’admire le lac Tanganyika et les montagnes verdoyantes. Je m’en souviendrai beaucoup. Il y a aussi de très beaux oiseaux. Malheureusement, j’ai également vu des enfants au ventre ballonné et maigres lors de mes descentes dans les écoles et hôpitaux à l’intérieur du pays. Cela me touche profondément car c’est un signe de la grande pauvreté qu’il y a aussi dans ce pays.

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