L’Union Européenne reste engagée aux côtés du Burundi. Mais de son côté, notre pays doit faire des efforts sérieux dans la bonne gouvernance et s’ouvrir au dialogue.
Un partenaire engagé
« En 2011, l’UE a prévu des décaissements totaux de 48 millions d’Euros au Burundi, dont 15 d’appui budgétaire général, qui seront honorés sous réserve que les conditionnalités contractuelles soient respectées » affirme l’Ambassadeur de l’UE, Stéphane De Loecker, qui parle avec sérénité et retenue.
Le diplomate écoute et analyse. On sent très vite qu’il a une longue expérience. Un long parcours qui compte des postes comme Beyrouth. « J’étais ambassadeur quand le premier ministre Rafic Hariri a été assassiné », se souvient-il. Il y a eu aussi l’Éthiopie, l’Érythrée, puis les Nations-Unies à New-York, Beyrouth, et dernièrement le Caucase et l’Asie centrale, avant de… revenir au Burundi.
En effet, depuis 15 ans il connaît ce pays où il a été chargé d’affaires de Belgique de 1994 à 1997, et ensuite Envoyé spécial de Belgique aux négociations d’Arusha. Le Burundi est un pays qu’il aime profondément. « A l’intérieur du pays, j’admire ce peuple laborieux, qui travaille avec courage dans les champs.» Son objectif est que l’aide de l’UE contribue plus encore à améliorer la vie de tous les Burundais, surtout des plus démunis.
Au moment où des associations de la société civile, les médias, plusieurs observateurs nationaux et internationaux dénoncent les nombreuses violations des droits de l’Homme et des cas de malversations financières, Stéphane De Loecker est catégorique : «Oui, l’engagement envers le Burundi reste là, mais nous avons des préoccupations notamment au niveau des droits de l’Homme et de la corruption ».
Traquer les « gros poissons »
Le chef de la Délégation de l’Union Européenne est très remonté contre la corruption : « C’est un mal qui ronge le pays, qui est le plus grand obstacle au développement, car il affecte le budget-même de l’Etat ; dans un pays pauvre comme le Burundi, où le secteur privé est structurellement faible, il ne mange pas la graisse, il suce le sang »
L’Union Européenne souhaite donc voir le Burundi se battre véritablement contre la corruption : « Tolérance zéro. Nous saluons l’engagement du chef de l’Etat mais insistons sur la nécessité) que les actes joignent les paroles » précise encore l’Ambassadeur De Loecker. L’Union Européenne reconnaît et encourage le travail de la Brigade Anticorruption mais trouve que jusque-là seuls les « petits poissons » sont pris et punis. « Nous demandons que la lutte s’étende réellement à tous les niveaux, même aux gros poissons.»
Et dans un cri du cœur, le diplomate explique plus en avant la position de l’UE. Les Burundais doivent comprendre les changements politiques qui s’opèrent en Europe, c’est à dire le renforcement des partis politiques plus que jamais préoccupés d’abord par leur population, elle-même gravement affectée par une crise économique et financière qui frappe durement le vieux continent.
L’avenir de la coopération au développement de l’UE doit être vu dans cette perspective: les pays bénéficiaires se doivent d’être irréprochables dans la gestion, dans le respect des droits humains : « Le parlement européen compte 726 députés, parmi eux combien connaissent le Burundi ? Si en plus ils entendent que c’est un pays corrompu, où les droits de l’Homme sont bafoués, le risque de désintérêt, avec les conséquences que l’on peut imaginer, ne peut être sous-estimé. C’est une réalité à ne pas ignorer »explique le diplomate.
L’homme qui représente les 27 pays européens souhaite aussi une amélioration des relations entre l’UE et le gouvernement : « Nous sommes le premier partenaire en terme d’appui budgétaire et ceci présuppose une relation de confiance. Nous saluons donc la reprise, le 20 mai dernier, d’un dialogue politique structuré avec le gouvernement burundais, conformément aux dispositions des Accords de Cotonou. »
Le dialogue politique, pas la négociation
Interrogé sur le climat politique qui règne entre l’opposition et le pouvoir, Stéphane De Loecker indique que pour l’UE le pouvoir en place au Burundi est totalement légitime.
C’est un pouvoir issu des élections démocratiques. Quid du dialogue réclamé par l’opposition? Réponse sans ambigüité : « Pour l’UE, il n’est pas question d’un nouvel Arusha, mais nous disons avec force que l’absence de dialogue entre toutes les forces vives d’une Nation est toujours mauvaise pour la population, quelle qu’en soit la raison.»
D’après l’Ambassadeur De Loecker, l’UE avec d’autres partenaires du Burundi, s’efforce de contribuer à recréer un environnement favorable à un tel dialogue national et inclusif, à « renouer les fils » entre tous les acteurs politiques, et à marginaliser ceux qui prônent la violence.
L’UE s’inquiète en effet du regain de violences auquel on assiste dans certaines parties du pays, et l’Ambassadeur De Loecker appelle solennellement toutes les parties à renoncer à la violence qui n’entraîne que d’autres violences et aucun développement du pays.
Le mot de la fin de l’Ambassadeur: « Mon vœu le plus cher est que les hommes et les femmes politiques burundais n’aient qu’un seul objectif: le bien-être de la population dans son ensemble. «