Réfugié à l’étranger, le président du Mouvement pour la Solidarité et la Démocratie, Alexis Sinduhije, réagit aux assassinats des membres de son parti et évoque son retour au pays.
Alexis Sinduhije, vous êtes loin aujourd’hui. Comment vivez-vous les nouvelles des assassinats, notamment ceux des militants du MSD ?
Dans une immense douleur bien sûr. Surtout quand je sais que le gouvernement organise ces assassinats avec des moyens, en principe, destinés à protéger le peuple. Nous sommes bien au courant qu’ils ont dressé des listes des militants à tuer et la réunion qui a décidé ce bain de sang s’est tenue sous la présidence d’un colonel de la documentation. C’est angoissant et difficile pour nous mais ça se gère. Il faut résister, c’est ce qu’on fait chaque jour et tous ensemble avec les Burundais nous y arriverons.
Est-ce que des fois vous ne vous sentez pas coupable d’être parti? Si c’était à refaire vous referez le même choix ?
L’exil n’est jamais volontaire. Il y a toujours une dimension de contrainte réelle, supposée ou psychologique. Le seul remord que j’ai et qui me ronge sans répit, c’est l’emprisonnement des membres du parti, des amis et des collaborateurs… Je pense qu’ils paient pour moi et ceci me rend furieux.
Mais pour vous personnellement l’exil était le seul choix ?
Pour mon cas la contrainte était réelle. Ils ont tenté de me tuer plus de trois fois. Aussi mes collaborateurs m’ont conseillé ou exigé même de partir. Face à la tyrannie tout le monde a dû fuir, je pense à Museveni, à Tambo, à De Gaule, à Kagame (l’enfant des camps des réfugiés), à Karl Marx, à un certain moment, ils ont dû partir pour revenir après.
Aujourd’hui quelle est votre stratégie politique? Pensez-vous à 2015 ?
2015 ne peut pas être dans le schéma des perspectives politiques au Burundi. Les élections des bêtes sauvages, c’est fini ça. A mon humble avis, sauf si il y a miracle, nous sommes embarqués dans un processus révolutionnaire d’au moins 3 ans et donc pas de place pour les élections. J’ignore la forme que cette révolution va prendre mais elle devrait se mener avec gravité et responsabilité car préserver les vies des civiles innocents devra être une nécessité, une exigence même sinon une priorité.
Vous serez impliqué dans cette révolution ?
Je le dis uniquement en tant qu’observateur.
On vous a signalé dans la sous-région… A quand votre retour au Burundi ?
J’ai proposé au président Nkurunziza de sauver le Burundi de la guerre par la dissolution de l’Assemblée Nationale et du Sénat, et l’appel aux élections de mi-mandat. Je l’ai écrit et j’ai distribué partout le document. Cela lui permettrait non seulement de garder le pouvoir mais également de sortir honorablement du conflit. J’imagine qu’il aura la volonté et le bon sens, ce qui est rare, de le comprendre pour prendre une telle décision. A ce moment je vais alors rentrer.
Si on vous demandait votre plus grand rêve aujourd’hui ?
Mon rêve est que le peuple burundais arrive à manger trois fois par jour.