Des lacunes, des contradictions, la loi sur les violences basées sur le genre renvoie au code pénal, qui lui enlève son indépendance. Souvent, la souffrance des victimes est réduite en silence. L’association des juristes catholique du Burundi organise en collaboration avec l’alliance stratégique pour le plaidoyer et la Cocafem grands-lacs demandent que cette loi soit révisée.
6 ans après sa promulgation la loi la plus jeune aussitôt née aussitôt morte. Il s’agit de la loi N° 1/13 du 22 septembre 2016 portant prévention, protection des victimes et répression des violences basées sur le genre.
C’est une nouvelle née dans l’arsenal juridique au Burundi. Mais elle observe des lacunes et des contradictions. Ces lacunes tiennent normalement à son statut : « Lorsque vous comparez certaines dispositions du code pénal et comparativement à la loi sur les violences basées sur le genre, vous allez comprendre que cette dernière n’a pas une certaine primauté par rapport au code pénal, voire par rapport à d’autres lois générales » a indiqué le président et représentant légal de l’association de juristes catholiques du Burundi, Me Jean-Claude Nzeyimana.
Les juges, les officiers du ministère public qui utilisent cette loi pour trancher le litige, souvent, ils font recours au code pénal au lieu d’utiliser la loi relative au Violences basées sur le genre : « Nous avons trouvé qu’il serait mieux de réviser la loi », a ajouté maître Jean-Claude Niyonzima.
Dans le cadre de la célébration de seize jours d’activisme contre les violences faites aux femmes et aux filles édition 2022, l’association des juristes catholique du Burundi organise en collaboration avec l’alliance stratégique pour le plaidoyer et la Cocafem grands-lacs un atelier du 8 au 9 décembre pour échanger sur la nécessité de révision.
La loi VBG ou le code pénal
Lors des présentations, les organisateurs de cet atelier ont soulevé certaines lacunes, selon eux qui ne rendent pas justice convenablement aux victimes ces violences : « Exemple, est-ce qu’une violence économique, a-t-elle besoin des expertises médicales ? Il y a aussi à douter sur les expériences médicales et les compétences techniques des infirmiers et médecins rédigeant ces expertises », ont lâché certains juristes présents dans cet atelier.
Un autre se demande à quand le vrai jugement pour éradiquer les violences basées sur le genre sera appliqué : « La loi sur les VBG prévoit des peines, des incriminations, mais au final elle renvoie au code pénal. Des amandes insignifiantes dans différentes infractions. Souvent, dans le code pénal, on exige au coupable de payer une amende de 50.000 ou 100.000 francs burundais. Qu’en est-il pour un nanti ? Il payera cette somme et continuera à opprimer les autres, voire les tuer », déplore-t-il.
Les officiers du ministère public, la magistrature assise, les députés, les organisations de la société civile, présente dans cet atelier convergent : « Nous voulons aussi que cette loi soit spécifique et indépendante. Les pressions de l’opinion publique, des victimes ou des parents des victimes font que des fois le jugement est mal tranché », a insisté le procureur général de la république Sylvestre Nyandwi qui a répondu présent à cet atelier.
Le procureur général revient sur les cas des femmes assassinées. Ces derniers sont devenus nombreux malgré les jugements de fragrance : « Nous constatons que ces cas augmentent. Des fois les coupables se présentent à la cour avec fierté en nous annonçant qu’ils viennent d’ôter une vie d’une personne, car ils savent qu’ils seront emprisonnés et payer des amendes. Pourquoi ne pas restaurer la peine capitale », a-t-il proposé.
Une fois révisée, Quid des cœurs meurtris des victimes ?
La concertation des collectifs des associations féminines de la région des grands-lacs avec l’alliance stratégique pour le plaidoyer avec le soutien financier de Care International au Burundi et de la coopération suisse se posent des questions. Est-ce que si cette loi est révisée, les victimes seront soutenues convenablement ?
Selon Anne-spés Nishimwe, les victimes des VBG ont subi des blessures morales et physiques. La révision de cette loi ne guérira pas les cœurs blessés des victimes.
Cocafem propose un remède. L’approche psychosociale communautaire (APC), sur la guérison des blessures, elle enregistre un impact positif
« Nous sommes témoins des résultats de cette approche. Dans différentes provinces où cette approche a été appliquée, des couples, des jeunes femmes et hommes y compris les adolescents, témoignent combien cette approche a contribué dans la restauration de leurs blessures » a affirmé Anne-Spés Nishimwe chargé du plaidoyer au sein de la Cocafem Grands-lacs.
Et d’ajouter, la beauté de cette approche, poursuit-elle, ne guérit pas uniquement un individu, mais la communauté : « Une fois guéris, ils vaqueront aux activités quotidiennes ainsi le développement du pays sera garanti », a-t-elle conclu.
Le ministère en charge du genre promet le soutien
La représente du ministère affirme, le phénomène de violences basées sur le genre est malheureusement une réalité au Burundi. Et face à ce défi, le gouvernement du Burundi n’a d’autres choix que de tout mettre en œuvre pour parvenir à endiguer ce fléau.
« Six ans après la promulgation de cette, il nous est permis d’évaluer l’étape déjà franchie dans sa mise en application et des difficultés qui subsistent malgré sa promulgation. Le gouvernement burundais soutient les initiatives des organisations de la société civile en matière de lutte contre les violences sexuelles et celles basées sur le genre. En effet leurs actions, si elles sont bien dirigées, encadrées et concertées avec les acteurs étatiques, servent de relais incontournable pour atteindre le bénéficiaire principal qui est la population » Tantine Ncutinamagara représente la ministre en charge du genre.
Cette association des juristes catholiques du Burundi demande aux ministères en charge du genre et celui de la justice de s’approprier cette loi dans les meilleurs délais pour qu’elle soit révisée. Et que tous les praticiens du droit soient associés.