Lin Berahino, un ancien combattant des Forces Nationales de Libération(FNL), a été blessé par balle dans une attaque dans la zone Nyambuye, commune Isare, dans Bujumbura rural, par ses anciens compagnons de lutte. Alors qu’il se faisait soigner dans un centre de santé de la commune urbaine de Buyenzi, la police et le Service National de Renseignement(SNR) se saisissent de lui. Et le transfèrent ailleurs. Motif : pour des raisons de sa santé… mais aussi d’enquête. Cependant, son identité reste un mystère.
Il est bel et bien vivant le jeune Lin Berahino qu’une certaine opinion croyait mort ou enlevé par la police et le SNR. Assis sur son lit d’hôpital, bloc 10 chambre 18 (10-18) de l’Hôpital Militaire de Bujumbura(HMK), il a parlé à Iwacu. Sourire et mélancolie se mélangent chez ce jeune homme de 23 ans. A ses côtés, un policier en tenue civile chargé de le garer. D’autres veillent tout autour. Entre les quatre mûrs de sa chambre, Lin Berahino n’est pas seul. Trois autres malades, également blessés, lui tiennent compagnie. Lin Berahino est à son quatrième jour d’hospitalisation après avoir passé cinq autres au centre de santé Nyota, à la 15ème avenue numéro 1, à Buyenzi. Apparemment, il commence à se sentir mieux. Il sent quelques douleurs quand il soulève son pied gauche blessé toujours sous bandage. Les yeux baissés, il sombre un instant dans ses pensées avant de lancer avec amertume : « Aujourd’hui, je suis ici mais demain je pourrai être ailleurs.»
Le jour maudit
Selon les dires de Lin Berahino lui-même, tout commence le vendredi, 16 septembre 2011. Alors qu’il se repose chez lui au quartier Mirango (commune urbaine de Kamenge), cet ex-combattant des FNL reçoit un appel téléphonique d’un certain Niyo, son ancien compagnon de lutte. Il lui demande de le rejoindre aux alentours de la commune urbaine de Gihosha. Et menace de l’assassiner s’il ne s’exécute pas. M. Berahino s’exécute. Selon toujours sa version, il retrouve son ami avec trois autres combattants et, ensemble, ils se rendent à Gishingano, dans la zone Nyambuye, commune Isare de la province Bujumbura.
C’est entre 18 et 19 heures que le groupe a commencé son sale besogne : ils arrêtent les gens et fouillent dans leurs poches. Un du groupe tire le premier sur Lin Berahino qui, aujourd’hui, dit ne pas se rappeler la suite des événements parce que, dit-il, il avait perdu tout contrôle : « Je saignais beaucoup. » Cependant, il dit se rappeler avoir été transporté jusque dans la commune Gihosha (partie rurale), dans une localité connue sous le nom de « Ku kibarabara », par des jeunes qu’il n’a pas reconnus. C’était au petit matin du 17 septembre 2011.
Il indique, en outre, que ce n’était pas la première fois que Niyo lui intimait l’ordre de regagner le maquis. Il y a quelques mois, indique-t-il, il devrait le rencontrer à la Gare du Nord ; mais M. Berahino a refusé. Une semaine après, les deux hommes se sont fixé rendez-vous près de chez Biha, dans la commune Gihosha ; mais Berahino n’a pas pu suivre son ami. Interrogé sur l’identité de ce groupe armé, le jeune Lin Berahino explique qu’il ne s’agit pas de simples bandits ; car dit-il, ce groupe est bien organisé et a même un commandement. Nostalgique, il regrette que la police ait interdit aux membres de sa famille de lui rendre visite. Et il dit cela avec un brin de pessimisme sur son sort.
«Ils ont tué un agent de la Regideso »
L’autre version est celle du chef de zone Nyambuye. D’après Jean Claude Ntamarerero, tout remonte au vendredi 16 septembre 2011. Vers 18heures 30 minutes, dans le secteur Gafutuza de la colline Gishingano, plus de 7 personnes armées arrêtent des gens qui rentrent de la capitale: « Plus de 30 personnes ont été arrêtées et les malfaiteurs leur demandaient seulement leurs noms. » Après un instant, poursuit le chef de zone Nyambuye, un certain Siméon Mora, agent de la Regideso arrive. Il décline son identité comme les premiers et ces hommes armés libèrent les autres après les avoir dépouillés de leurs biens : « Ils ont alors tiré plusieurs balles sur Siméon Mora. Il est mort sur le champ. »
Jean Claude Ntamarerero affirme que l’un des assaillants a tiré sur Lin Berahino. Par après, raconte le chef de zone Nyambuye, les agresseurs ont évacué Lin Berahino blessé, jusque dans la localité Nyambeho où ils ont intimé l’ordre aux habitants de la place de le transporter jusque dans la commune urbaine de Gihosha. Le lendemain, explique M. Ntamarerero, les militaires de la position Mparo (colline Nyambuye) ont suivi les traces de sang. Arrivés dans le secteur Nyambeho, ils ont arrêté 7 jeunes garçons ayant aidé à évacuer le blessé : « Ils ont été emprisonnés au Service National de Renseignement pendant plus d’une semaine. Six ont été libérés, mais un certain Désiré reste toujours écroué au cachot du SNR parce que c’est lui qui a réveillé les autres pour amener le blessé dans la commune de Gihosha. »
« Ils ont été forcés d’évacuer le blessé»
Pascal Magambo, chef de colline Nyambuye, reconnaît avoir rencontré, vers 4 heures du matin, 7 personnes qui transportaient un malade : « J’ai identifié les 7 garçons ; car nous habitons la même colline mais ils ne m’ont rien dit. » Pour Pascal Magambo, ces jeunes avaient la consigne de ne rien révéler sous peine d’être tués.
Selon le chef de zone Nyambuye affirme que ces garçons n’ont rien à voir dans cette histoire : « Ils n’ont jamais trempé dans les actes d’assassinat.» Il remercie les responsables du Service National des Renseignements d’avoir déjà libéré les six garçons et demande que celui qui reste soit également relâché, car il a été forcé d’évacuer le blessé.
Interrogé par Iwacu, Pierre Channel Ntarabaganyi, porte-parole de la police indique que le jeune Lin Berahino est gardé pour des raisons d’enquête.
Qui est Lin Berahino ?
Natif de la colline Gisagara, commune Mubimbi, Lin Berahino est le fils de Sébastien Nyandwi et de Salomé Ntaconkurikira. Déjà en 2008, alors qu’il n’a que 20 ans, il entre dans la rébellion du mouvement Palipehutu-FNL. Il fait une année comme homme de troupe dans Mbare (Isare), fief d’Agathon Rwasa. En 2009, après la signature de l’Accord de cessez-le-feu entre Rwasa et le gouvernement Nkurunziza, il intègre l’armée régulière. Il fera ses premiers exploits dans le camp Bugarama, poste Rusarenda. Mais soucieux de reprendre ses études pour rehausser son niveau, il déserte l’armée une année après. Il demande une inscription en 8ème année, au Collège communal de Mushikamo (Muramvya). Mais sa demande n’a pas eu de suite favorable. Dans l’attente d’une place ailleurs, il s’essaye à la maçonnerie en devenant aide-maçon jusque le jour où l’un de ses anciens compagnons de lutte tire sur lui.