Jeudi 26 décembre 2024

Politique

Aide de l’UA ? Non, merci !

27/11/2018 Commentaires fermés sur Aide de l’UA ? Non, merci !
Aide de l’UA ? Non, merci !

Dans sa 808è réunion, le Conseil paix et sécurité de l’UA a réitéré sa demande au gouvernement burundais de signer un mémorandum d’entente sur le déploiement des observateurs des droits de l’homme et experts militaires sur son sol. Inutile, assure Bujumbura.

Tout remonte au plus fort de la crise de 2015. Après l’échec de faire venir la Maprobu au Burundi, une force de maintien de la paix de 5000 hommes, l’Union Africaine a décidé de déployer dans l’ « immédiat » des observateurs pour prévenir l’escalade de la violence au Burundi. A l’époque, Bujumbura accepte le déploiement de 100 observateurs des droits de l’Homme et 100 experts militaires sur son territoire.

Mais la réalité sur terrain sera toute autre : seuls 32 observateurs des droits de l’Homme et 15 experts militaires ont pu fouler le sol burundais. Et ce avec un retard de six mois sur le calendrier convenu. En cause, la persistance des points de friction sur le modus operandi.

Pour le gouvernement burundais, les rapports des observateurs des droits de l’Homme à destination d’Addis-Abeba doivent d’abord avoir son aval. Inadmissible pour l’UA. Autre point de discorde, l’armement des experts militaires qui doivent être déployés sur la frontière burundo-rwandais. Les autorités burundaises furent allergiques à cette proposition, dégainant aussitôt son arme absolue : sa souveraineté.

Deux ans plus tard, la question est remise sur le tapis dans un contexte particulier. Une nouvelle Constitution est en vigueur, le président Nkurunziza a annoncé qu’il ne briguera pas un autre mandat et le dialogue inter-burundais est toujours en panne.

Analyse

Des signes précurseurs d’une (re)prise du dossier burundais en main?
Recevant un rapport sur l’échec du dialogue inter-burundais du facilitateur Benjamin Mkapa, lundi 19 novembre, le président Yoweri Museveni, le médiateur dans la crise burundaise, a tenu ces propos relayés par ChimpReports, un quotidien ougandais : «Le Burundi devrait élaborer une nouvelle Constitution capable de mettre en œuvre la sécurité et la protection de tout le peuple afin que les Burundais puissent rentrer chez eux et vivre en paix.»
Le Conseil paix et sécurité de l’UA a demandé instamment, le même jour, au Burundi de signer le mémorandum d’entente avec l’UA sur le déploiement des observateurs des droits de l’Homme et experts militaires. Des signes précurseurs d’une initiative en cours de ces deux organisations sous-régionale et continentale après avoir été humiliées par Bujumbura? L’EAC du fait du refus de Bujumbura de participer au « dernier round » du dialogue inter-burundais, invoquant, à la dernière minute, une période de deuil pour tout le mois d’octobre. Et l’UA en raison du rejet implicite de sa proposition d’accompagner le régime burundais dans l'organisation d'élections « crédibles » via notamment la création d’un climat apaisé. Aux dires de son porte-parole, Jean-Claude Ndenzako, le président Nkurunziza avait un « carnet chargé », l’empêchant de rencontrer le commissaire paix et sécurité de l’UA, Smaël Chergui, comme « convenu », lors de sa visite de travail, au Burundi, du 5 au 7 novembre 2018.
Perdre la face ou reprendre la main ?
Dans cette hypothèse, l’initiative devrait s’assortir d’un levier puissant pour infléchir la position de Bujumbura, qui n’a pas bougé d’un iota depuis le 28 décembre 2015 à Entebbe. Brandir la menace d’une mise à terme de la mission du contingent burundais au sein de l’Amisom? Hautement improbable, à court terme, tant remplacer plus de 5 mille hommes au pied levé n’est pas envisageable et même souhaitable pour les uns et les autres.
Pour des raisons différentes. D’autres options seraient à mettre sur la table. Si initiative il devait y avoir, elle sortirait, ces prochains jours, pour tenter d’influer sur le cours des événements, en l’occurrence, pour que le dialogue inter-burundais à l’agonie puisse trouver un second souffle. Enjeu pour la communauté internationale : des élections crédibles, transparentes et apaisées en 2020 pour tourner définitivement la page de la crise burundaise qui a éclaté en avril 2015. Sinon, en 2019, Bujumbura aura d’autres priorités qui induiront d’autres contraintes pour l’opposition. Sans oublier les sentiers funestes que les uns et les autres peuvent suivre en désespoir de cause. Les signataires de la proposition de sortie de crise de l’opposition, l’EAC et l’UA en sont conscients : seul le régime burundais a le temps pour allier.

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Réactions

Alain Diomède Nzeyimana : « Inutile de signer ce mémorandum »
« Inutile de signer ce mémorandum. Qu’est-ce qui s’est passé dans notre pays qui peut justifier la signature de ce document », s’interroge le porte-parole adjoint à la présidence de la République. Il indique que le Conseil paix et sécurité de l’U.A a peut-être une vision erronée du Burundi. « Pour l’heure le cheval de bataille de l’Etat burundais est la lutte contre la pauvreté ainsi que la préparation des élections de 2020». M .Nzeyimana invite plutôt l’UA à envoyer des experts en développement pour aider le peuple à sortir de la pauvreté.
  Hamza Burikukiye : « C’est une distraction »
Le secrétaire général du Pisc, une plateforme d’association de la société civile, (ne faut-il pas préciser « que l’on dit proche du gouvernement » ?) pense que cette demande n'a pas de raison d'être maintenant. « Pour toute personne bien intentionnée, la paix et la sécurité règnent sur tout le territoire du Burundi grâce aux efforts du Gouvernement et de la quadrilogie ». Selon lui, cette question est dépassée. La priorité est au rapatriement des réfugiés, au développement du pays et au renforcement démocratique ainsi qu'à la réconciliation nationale. Le reste serait pour distraire et faire marche arrière.
Léonce Ngendakumana : « Le chef de l’Etat ne l’acceptera jamais »
Le vice-président du Frodebu ne s’attend pas à des miracles. « L'UA connaît déjà la réponse à sa demande. A moins que l'UA ne fasse recours à d'autres formes de pressions que celles déjà utilisées jusqu'ici, le président Nkurunziza n'acceptera jamais cette requête de sa propre volonté».
Il s’appuie sur le fait que l'UA a déjà pris beaucoup de résolutions sur la gestion de la crise burundaise, mais que le chef de l’Etat Burundais s'est toujours opposé à leur mise en œuvre. Il cite notamment le « refus » du président de la République de recevoir le commissaire paix et sécurité de l'UA en visite de travail au Burundi, deux semaines auparavant.
Gabriel Rufyiri : « Un non-événement »
Pour le président de l’Olucome, s’il n’y a pas de mesure pouvant contraindre Bujumbura, cette demande est vouée à l’échec. Il explique qu’il voit mal le gouvernement faire suite à cette requête. D’autant plus qu’il vient de passer plus de six ans sans produire de rapports pour le compte de la Commission africaine des droits de l’Homme. M. Rufyiri estime que la réponse de Bujumbura est connue. Le gouvernement va hisser sa souveraineté. « C’est un non-évènement ».

Editorial de la semaine

Que la compétition politique soit ouverte

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