Voici un secteur dans lequel la Belgique intervient activement : à hauteur de 3 millions d’Euros[[<1>Les Pays-Bas, l’autre pays impliqué dans ce processus, participe à hauteur de 2 millions d’Euros]], elle appuie le projet d’Appui à la professionnalisation de la Police Nationale du Burundi[[<2>Que nous nommerons par la suite sous l’acronyme de l’APPNB]]. Objectif central : aider la PNB à devenir une police professionnelle et de proximité.
<doc7292|right>Que donnerait un débat entre ce trio et ceux qui pestent à longueur de journée contre la PNB ? « Ce qui me surprend toujours, c’est cette comparaison constante entre la police et l’armée ici au Burundi », souligne Christophe Aspeel, assistant technique international travaillant sur la professionnalisation du corps. « Or, ce que les gens oublient très vite, c’est que en décembre 2004, la PNB voyait le jour, avec la fusion, en gros, de 10.000 éléments venus des anciennes forces armées régulières et divers corps de police, et 10.000 venus des anciens partis et mouvements politiques armés. Deux mois après, tout ce monde-là était déployé sur terrain pour sécuriser les élections, sans harmoniser les connaissances et pratiquement sans formation policière spécifique», note Roberto Resmini, délégué à la cogestion sur le même projet.
Les résultats de ce processus accéléré de création d’une nouvelle police nationale se font toujours sentir. Certains comportements policiers continuent à poser problème, mais il convient de garder à l’esprit que les policiers sont beaucoup plus exposés au risque que les éléments de l’armée, par le simple fait que les policiers sont, et doivent être, en contact permanent avec la population, alors qu’un militaire devrait, en temps de paix, être caserné. »
Et alors qu’en 2005, les nouveaux éléments de la Force de Défense Nationale intégraient une machine déjà existante avec une structure donnée, « il nous fallait tout inventer de la police burundaise » se rappelle le Commissaire Tharcisse Yamuremye, Directeur d’intervention dans le projet APPNB : « En 2004, il nous fallait fusionner, dans une seule Direction générale, la Police judiciaire (PJ) et la Police pénitentiaire qui dépendaient auparavant du Ministère de la Justice, la Gendarmerie qui dépendait du Ministère de la Défense, la Police de l’Air, des Frontières et des Étrangers ainsi que la Police de la sécurité publique qui, elles, étaient sous tutelle du Ministère de la Sécurité Publique. »
Entre le conjoncturel et le structurel
Chose pas facile ! Il y eut donc, entre 2005 et 2010, des formations d’urgence (une réponse « conjoncturelle », selon le terme de référence) pour donner aux nouveaux policiers les connaissances de base en la matière, avec un atout, par ailleurs : « Les quotas établis avec les Accords d’Arusha et la Constitution de 2005 font que le nouveau corps respecte depuis la nécessité d’être le reflet de la population », se félicite Christophe Aspeel.
En 2010, 5 ans après sa création démarrait une seconde phase de réforme de la PNB : « Une année auparavant, le Ministère de la Sécurité publique commandait un audit, qui allait déboucher sur la publication d’une Lettre de Politique générale sur le ministère de la Sécurité Publique. Ce texte exprimait entre autres la volonté de mise en place d’un corps professionnel, moderne et proche du citoyen », se rappelle Roberto Resmini.
Et c’est là qu’est intervenue encore une fois la Belgique, au côté des Pays-Bas, à travers l’Agence belge de Développement (CTB), en engageant, avec les responsables de la PNB, une longue réflexion structurelle sur la vision de la police burundaise dans le futur. Au bout du travail, un modèle de police de proximité « à la burundaise » s’est fait sentir. Christope Aspeel : « Nous avons étudié la police belge, hollandaise, japonaise et burkinabé, tout en veillant à ne pas copier à la lettre ces modèles et en intégrant des axes spécifiques à la culture et au contexte du Burundi. »
Réorganiser, équiper, former, communiquer, … mais attendre aussi
Dans cette vision de police de proximité, le plus gros effort devra être accompli au niveau des postes de police présents dans toutes les communes (avec des infrastructures, des personnes et des compétences qui suivent), lesquels devront pouvoir assumer les tâches de base (enquêtes judiciaires, circulation routière, etc). Les commissariats provinciaux devront aussi jouer un rôle clé d’appui au poste de police et assumeront quant à eux des tâches plus spécialisées qu’il est impossible de déployer dans tous les postes de police.
Ce projet s’intéresse également à la mise en place d’un système de formations qui poursuivra le policier dès son entrée dans le corps (avec une formation initiale), durant sa carrière pour actualiser certaines connaissances, spécialiser certains fonctions ( comme les chefs de poste, le commissaires provinciaux, …) et accompagner certains changements de grade, jusqu’à sa sortie pour l’aider à se réinsérer dans la vie civile. La communication sera également un point important de la réforme et devra changer, notamment dans un objectif de démilitarisation de la police : « L’équipement doit suivre au sein de la police [matériel radio, moyens de déplacement, tenue policière, armement], de même que le vocabulaire. Il conviendra par exemple de cesser de parler de position de police, une expression qui renvoie à l’univers militaire, mais plutôt d’antenne », note le Commissaire Yamuremye.
Mais alors, à quand l’avènement de cette police de proximité ? « Même en Europe, il a fallu beaucoup de temps pour que cela advienne », temporise M. Aspeel, lui-même ancien policier belge et pour lequel, « l’essentiel est que le travail de conceptualisation ait déjà été bouclé et que l’on sache vers où on veut progresser. En attendant la mise en pratique (qui requiert aussi des moyens), « le policier burundais va continuer à susciter des commentaires, même quand il fait correctement son travail », lance dans un sourire réservé le Commissaire Yamuremye. « Le nombre de fois où j’entends des gens qui se plaignent d’avoir été contrôlés sur la route », lui répond Christophe Aspeel …