Mercredi 25 décembre 2024

Politique

Afrique : lutter autrement

15/04/2016 10

Invités au Parlement européen par le groupe des Socialistes et Démocrates dans le cadre de la semaine dédiée à l’Afrique, quatre militants de la mobilisation citoyenne en Afrique ont apporté un autre discours, un autre regard et expliqué leur stratégie de la mobilisation et la contestation. Découverte

Légende photo: De gauche à droite. Smockey leader du Balai Citoyen, Floribert Anzuluni de « Filimbi », en RDC, Didier Lalaye, du mouvement« Iyina », Tchad et Floribert Anzuluni du mouvement « Filimbi », en RDC , Didier Lalaye, du mouvement« Iyina », Aliou Sane, de Y en Marre du Sénégal et la Députée Cécile Kienge à Bruxelles
De gauche à droite. Smockey leader du Balai Citoyen au Burkina, Floribert Anzuluni de « Filimbi », en RDC, Didier Lalaye, du mouvement« Iyina » au Tchad , Aliou Sane, de Y en Marre du Sénégal et la Députée Cécile Kyenge à Bruxelles

Ils ne se revendiquent pas de la société civile, mais se définissent plutôt comme un « mouvement social ».

Le plus « vieux » d’entre eux, c’est le sénégalais Aliou Sane, journaliste, 34 ans, membre fondateur du mouvement « Y en Marre » en 2011. Il y a aussi Smockey, de son vrai nom, Serge Bambara, un musicien du Burkina Faso. Lui et ses camarades ont initié le « Balai citoyen », dont on connaît le rôle crucial pour « balayé » Blaise Compaoré. Floribert Anzuluni du mouvement « Filimbi », en RDC et, enfin, Didier Lalaye, du mouvement« Iyina », le dernier né dans cette contestation d’un nouveau genre, défie Idriss Deby au pouvoir depuis 26 ans.

Les quatre militants ont profité de la formidable tribune offerte par cette invitation au Parlement européen pour expliquer leurs combats, leurs stratégies, leurs espoirs. Lors d’une conférence organisée par l’ULB, les militants ont échangé avec un public apparemment conquis. Etudiants, professeurs, des membres de la diaspora  africaine , tous voulaient comprendre « le phénomène ».

D’abord, un dénominateur commun à tous les quatre : la jeunesse. Ils ont en moyenne 30 ans. Un franc-parler. Ils sont directs, sans être crus. Forts et fragiles. Ont-ils peur face à la violence de la répression aux pays des satrapes ? « Oui, mais il faut serrer les fesses et avancer », dira avec humour Smockey.

Ils se veulent proches du peuple et de ses préoccupations quotidiennes. «Idriss Deby a récupéré les intellos », accuse le leader tchadien d’Iyina. La société civile africaine en prend aussi pour son grade. C’est un terme « galvaudé » regrette le sénégalais Alioune Sane, « On dit à la société civile : sois neutre ! Or, il y a des moments où il faut prendre position », martèle Y’en a Marre.

Même méfiance envers les partis politiques. Non seulement dans les partis politiques les risques de récupération sont énormes, mais surtout, les partis sont gangrénés par les luttes intestines et les renouvellements des instances. Chacun veut se positionner pour avoir une place.

Tous sont convaincus qu’il faut renouveler la classe politique. Pour cela, pousser les jeunes à s’engager non pas en brûlant les pneus dans les rues, mais par le vote. « La meilleure manière de se battre c’est de voter, de sanctionner les dirigeants», faire émerger une nouvelle classe politique engagée vraiment dans le changement, affirme Aliou Sane de Y’ en a marre. Et son ami du Burkina Faso de tempérer. Voter ne suffit pas. Il faut « voter et rester ». Surveiller le scrutin. Puis rester alors dans un rôle de « veilleur», explique Smockey du Balai citoyen.

Contre la violence

Même si tous ces militants sont en lutte contre des systèmes répressifs dans leur pays, aucun ne prône la violence. Mais ce n’est pas par manque de courage. D’après eux, face à la violence pratiquée par ces pouvoirs, on ne peut pas gagner. «  C’est une question de rapport de force, ces régimes sont organisés, ils ont plus de moyens, s’ils ont un prétexte, ce sera un carnage », prévient le Burkinabé.

Il faut user ces régimes-là, se créer des alliés, par exemple au sein des forces de l’ordre. Mais toujours avec des manières pacifiques qui ont fait leurs preuves.

C’est le système de Gandhi. « Si les militaires sont capables de tuer des gens sans armes qu’en sera-t-il s’ils sont armés », s’interroge le leader du Balai citoyen. Pour lui, il ne faut surtout pas donner aux forces de répression l’occasion de dire que c’est de « la légitime défense. » Il faut qu’ils soient vus comme ils sont : des hommes qui font tout pour garder le pouvoir,   a lancé Smocky lors d’une conférence à l’ULB, organisée toujours dans la foulée de la semaine africaine au Parlement européen.

La non-violence reste donc leur crédo. S’il le faut, rebrousser chemin. Résister. Durer. Ainsi, face à un système très violent, répressif en RDC, Anzulini et une partie des leaders du mouvement ont choisi l’exil .
Mais de là, Filimbi s’est restructuré, a adapté des stratégies et continue le combat.

Le combat de ces militants semble porter des fruits. Au Sénégal, Y’en a Marre a joué un grand rôle pour empêcher Abdoulaye Wade de « tripatouiller » la Constitution. Blaise Compaoré a été balayé…

La force de ces mouvements tient d’abord dans leur proximité avec la jeunesse. Ces militants savent parler aux jeunes. Dans ses mots. Smockey reconnaît qu’il utilise l’art, la musique comme un hameçon. « Nos concerts sont des véritables meetings », dit-il. La musique d’après l’artiste permet également de passer des messages forts, mais pacifiquement.

L’autre trait commun à ces grands mobilisateurs citoyens, leur familiarité avec les nouvelles technologies, les SMS, et autres réseaux sociaux. Mais surtout, ils ne se définissent pas comme des « théoriciens » du changement. « Nous mettons les mains dans le cambouis pour chambouler la machine politique», disent-ils en choeur.

Interrogés sur la situation burundaise, où une jeunesse s’était également levée pour dire non au troisième mandat, les militants sont unanimes pour dire que  personne ne pourra libérer les Burundais à leur place. «  Il n’y a que le peuple burundais qui peut mettre fin à ce régime de répression en étant organisé, stratégique et patient ».

Que gardent-ils de cette semaine africaine au Parlement européen. Tous soulignent que cette rencontre leur a permis d’expliquer leur combat, mais aussi de renforcer leurs liens, leurs alliances. « On partage, fait des mises à jour de nos expériences, on n’en sort plus fort », conclut le leader du Balai citoyen.

Article réalisé en collaboration avec Infos Grands, VITA/Afronline (Italie)

Forum des lecteurs d'Iwacu

10 réactions
  1. Abi

    En realite les Sindumuja auraient pu gagner et peut etre chasser Nkurunziza s’ils s’etaient abstenus de manipuler et d’instrumentaliser le genocide fictif. Parler de genocide au Burundi veut dire toucher la corde ethnique. C’est aussi simple que cela. Mon point de vue, anyway! Cette fausse tactique a ete leur faiblesse et cela a pousse la plupart de jeunes Hutu a s’eloigner du mouvement anti-3e mandat. Et pourtant les Sindumujas continuent d’insister sur l’imminence du genocide! Quel dommage. Apres une annee d’alerte, si quelqu’un sentait le genocide venir il a eu le temps de deguerpir.

    Apprenons a reflechir, vraiment!!!! Oublier les blessures que les Burundais n’ont pas encore panse et continuer a logueur de journee a parler de genocide est simplement contre-productif. Ce qui est surprenant c’est le fait que ces gars n’y comprennent rien. Il faut arreter cette carte! Elle affaiblit le mouvement. Federer les jeunes hutu et Tutsi est la cle de la reussite. Se joindre aux vieux loups de la politique burundaise est une autre tactique sans issue. On a besoin de sang neuf.
    Autre chose: On a besoin d’une societe civile reellement impartiale et soucieuse vraiment de defendre les droits de tout homme, quelque soit son appartenance politique ou ethnique.

    Je suis tout a fait d’accord avec ceux qui pronent une lutte pacifique, qui passe par une participation dans les processus politiques et institutions. Penser que l’on va utiliser la violence pour combattre la violence semble chimerique. La non-violence et la patience constituent un chemin dur mais prometteur.

  2. Bagaza

    Les Sindumuja ont été exclus de ces assises car ils ont peur des elections et préfèrent le terrorismes pour accéder au pouvoir. Quelle bêtise?

  3. Mukiza

    Je cite:《 tous sont convaincus qu’il faut renouveler la classe politique. Pour cela, pousser les jeunes à s’engager non pas en brûlant les pneus dans les rues, mais par le vote. « La meilleure manière de se battre c’est de voter, de sanctionner les dirigeants», faire émerger une nouvelle classe politique engagée vraiment dans le changement. Voter ne suffit pas. Il faut « voter et rester ». Surveiller le scrutin. Puis rester alors dans un rôle de « veilleur».》
    Alors les sindumujas et co voient là ils ont fait ce qu’il ne fallait pas faire. Ils ont réédité les anciennes méthodes des tristement célèbres sans échec et sans défaite tout en voulant que tout le monde adhère. Erreur. Actuellement ils lancent des grenades en public, tirent sur les agents public et tuent les leaders locaux; et là aussi ils veulent que tout le monde applaudissent. Et là aussi erreur. A se demander, pourquoi erreur sur erreur! Pourquoi ne pas changer de stratégie? Pourquoi les leaders des sindumujas et co qui sont logés par ailleurs en Belgique n’ont ils pas été invité à cette rencontre alors que ils pouvaient être des bons donneurs de leçons pour ce qui peut être les risques d’échec en cas d’ insurrection voulue être une manifestation pacifique. Est ce que Louis Michel était dans la salle? Au Burundi où tout le monde connaît tout le monde, il faut cesser de mentir. Les extrémistes de tout bord sont ceux qui tiennent en otage l’essor de notre pays. Ils ya ceux qui pensent que tout le monde a oublié qui a fait quoi à une certaine époque et qui veulent se présenter comme des agneaux devant les loups hutu!

    • Bakari

      @Mukiza
      « Au Burundi où tout le monde connaît tout le monde »
      Arrêtez cette chanson: au Burundi se trouvent 10 millions d’habitants; même un éléphant avec sa mémoire légendaire mémoriserait leur visage avec difficulté.
      Et comment se peut-il que personne ne parvient à identifier le corps de la pauvre personne assassinée à Mutanga nord, pas plus tard qu’hier?
      http://www.igihe.bi/mutanga-ikiziga-c-umuntu.html
      Et ce n’est pas la 1ère fois!

  4. abruzi

    Remarque de taille : On a oublié SINDUMUJA et leur leaders.

  5. roger crettol

    Merci Monsieur Kaburahe, pour cet article qui pourrait donner une « bonne » direction à la lutte pour un Burundi libre, démocratique et convivial. La référence à Gandhi, qui a mûri sa réflexion en Afrique du Sud face à l’arrogance des élites britanniques, est à souligner.

    « La lucha continua », selon les slogans tagués sur les murs de la Havane – mais avec des perspectives à long terme et de meilleures chances de succès. Avec, aussi, d’autres forces qu’une opposition divisée et incapable de proposer une vision à un peuple burundais sous la botte d’ancien maquisards … la belle noblesse !

    Deux articles publiés par IWACU, à quelques jours d’intervalle, pour poser les bonnes questions et inciter à une réflexion constructive. Laissé à sa dérive de mythomane, le pouvoir finira un jour par se prendre les pieds dans le tapis. Et personne ne se précipitera pour l’aider à se remettre sur pattes. Balayé, ce cauchemar.

    La légitimité ne se décrète pas – elle naît du respect des lois et de la rectitude des actes. Le pouvoir est bien assis sur son trône, posé sur un socle de violence et de répression. Mais le soubassement moral est pourri, et ce n’est pas Dieu Tout-Puissant qui va me contredire, ni sanctifier ces magouilles ridicules.

    Ah – j’étais en verve aujourd’hui !

  6. eric

    The only to come out of this cycle wars in africa is to be free fancially from europe and china as well..

    HOW???

    Africa has 1billion people who buy and sell anything evryday.
    with help of technology,if all african transactions dailry are charge 1% of tax or vat for the account of african bank,then will able to collect almost at 200 billion dollar a year.
    this ban can operate like bricks ,it can jsut finace electricity projects,agriculture,indistrualiation,integration and more by rotation.
    In 10years,african can be electrified at its 60%,food hunger free and more attractive to investment than anywhere else.
    Africa should know that europe is diplining and resisting on equalities of 21st centery but it seems that african union is sleeping creating projects of 2065 while people of africa are rich and ready to contribute as we can.

    AFRICA NEED 2ND FINANCIAL FREEDOM.
    This francophonie,anglophonie,chinisopho?,world bank,FMI will never speed up where we want to be anless we do our OWN AFRICAN RICH BANK FREE FROM EUROPE-CHINA-USA.
    More than 1billion commercial transaction happen every single day in africa
    No matter how different are values of our differents africa currencies,we are able to collect at least 100 billion us dollar a year.Much closer to the world bank and 5times more to world bank in africa..
    What is good about it is that this system will increase good relationship among african states .
    this bank can only focus on agriculture,industrialisation,electricity,intergration

  7. kubanankera

    Rejetter le texte ne veux pas dire avoir raison

  8. kubanankera

    Cela est vrai d’autant plus que la majorité du peuple burundais est convaincue que Pierre NKURUNZIZA a raison. Seul un petit groupe qui n’atteint même pas 10% s’est insurgé en terroriste. Le peuple burundais finira, un jours, par le ramener à la raison.

    • John

      Tant que nous serons divises entre soit disant hutu et Tutsi,bye bye la democratie chez nous, bye bye une jeunesse unie contre la dictature, bye bye une vision a moyen ou long terme de ce que peut etre ou sera notre pays. Une jeunesse corrompue par l’ideologie et le « racisme ethnique » ne peut pas lutter ensemble pour se liberer du joug de la mal gouvernance.

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