Le procès de Sandra Muhoza, correspondante au journal en ligne La Nova Burundi, s’est tenu ce mardi 12 novembre au Tribunal de Grande instance de Mukaza. Poursuivie pour « atteinte à l’intégrité du territoire national » et « aversion raciale », la journaliste risque jusqu’à douze ans de prison ferme et une amende d’un million de francs burundais.
Cette affaire a suscité une vive polémique au Burundi et au-delà, mettant en lumière les limites de la liberté d’expression dans un contexte politique tendu.
Il est reproché à Sandra Muhoza d’avoir fait des commentaires dans un groupe WhatsApp de confrères sur une distribution présumée d’armes blanches aux jeunes militants du parti au pouvoir et sur une vidéo datant de la guerre civile en 1996 où l’ancien ministre de la Défense burundaise, le Colonel Firmin Sinzoyiheba avouait avoir ordonné une distribution d’armes à la population afin qu’elle puisse se défendre contre les attaques rebelles.
Selon le ministère public, ses propos « auraient pu nuire à la sécurité du pays ». Les avocats de la défense, Me Prosper Niyoyankana et Me Éric Ntibandetse, rejettent catégoriquement ces accusations, estimant que les propos de leur cliente ne constituent en aucun cas une atteinte à la sécurité nationale et qu’elle exerçait simplement son droit à la liberté d’expression. « Si ce message est une atteinte à l’intégrité du territoire, quel est l’impact sur le terrain ? » a demandé Me Niyoyankana.
Visiblement déterminée, la journaliste Sandra Muhoza a elle-même pris la parole à la barre pour expliquer que ses commentaires étaient motivés par la peur d’une répétition des événements tragiques du passé.
« Mes parents ont été emportés par la tragédie qui a suivi l’assassinat du président Melchior Ndadaye en 1993, j’ai eu peur que cette épisode puisse se reproduire », a-t-elle expliqué. Les avocats de la défense ont plaidé la relaxe de leur cliente, qu’ils considèrent innocente.
Le ministère public, quant à lui, a requis douze ans d’emprisonnement ferme, dont dix ans pour « atteinte à l’intégrité du territoire national » et deux ans pour « aversion raciale », ainsi qu’une amende d’un million de francs burundais.
Le jugement a été mis en délibéré et sera rendu au mois de décembre. Cette affaire est suivie de près par les défenseurs des droits de l’homme et les organisations d’appui aux médias et de défense de la liberté de la presse, qui y voient une nouvelle attaque contre la liberté de la presse au Burundi.
Signalons que la défense de la journaliste Sandra Muhoza a exprimé après cette audience des craintes quant à la politisation de cette affaire. Une autre inquiétude soulevée : la présence parmi les juges d’une dame qui semblait jouer un rôle central dans l’équipe qui a condamné la journaliste Floriane Irangabiye de la radio en ligne ’’Igicaniro’’ basée au Rwanda, à une peine de 10 ans de prison pour ’’atteinte à l’intégrité du territoire national’’ avant de bénéficier d’une grâce présidentielle vendredi 16 août 2024. Elle venait de passer 720 jours derrière les barreaux.
Rappelons que le premier procès de Sandra Muhoza avait été ajourné en raison du manque de carburant pour le véhicule transportant les prisonniers de la prison centrale de Mpimba.
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