Le procès sur l’assassinat d’Ernest Manirumva, ancien vice-président de l’OLUCOME (Observatoire de lutte contre la corruption et les malversations économiques) prend une nouvelle tournure. Actuellement, seuls les membres de la société civile sont convoqués. Iwacu revient sur ces nouveaux « suspects ».
Gabriel Rufyiri : « L’interrogatoire se base sur des tracts »
Le 8 septembre 2010, Gabriel Rufyiri, président de l’OLUCOME a comparu devant le procureur de la République en Mairie de Bujumbura. D’après lui, l’interrogatoire a duré 4 heures 30 minutes : « Il m’a posé 27 questions contenues dans le document publié sur le site {www.abarundi.org}, repris par la radio Rema FM. Ce document relate que j’ai travaillé de mèche avec un certain Jean Marie de Kamenge pour planifier la mort d’Ernest Manirumva.» Gabriel Rufyiri se demande comment un interrogatoire peut se baser sur ce document ainsi que d’autres tracts éparpillés à Bujumbura.
Pour le président de l’OLUCOME, ces questions portaient essentiellement sur les relations qu’il entretenait avec Ernest Manirumva et que ce dernier aurait voulu le remplacer à la tête de l’OLUCOME. Gabriel Rufyiri pense que c’est plutôt une façon de l’intimider pour arrêter ses activités.
Dix membres des organes dirigeants de l’OLUCOME à l’époque de l’assassinat de Manirumva rejettent tout soupçon sur Gabriel Rufyiri. Dans la correspondance adressée au procureur de la République en Mairie de Bujumbura ce lundi, ils indiquent qu’Ernest Manirumva était aussi un consultant indépendant : « Les travaux de consultance lui prenaient beaucoup de temps. »
Ils précisent qu’il lui arrivait de ne pas participer aux réunions du comité exécutif de l’organisation faute de temps : « Feu Ernest Manirumva avait déjà exprimé aux membres du comité exécutif l’intention de remettre le tablier de vice-président parce qu’il n’avait pas de temps. » Ils affirment que toute l’équipe de l’OLUCOME était animée d’un esprit d’équipe et de convivialité caractérisé par le respect mutuel.
Pierre Claver Mbonimpa : « Que les enquêtes soient mieux orientées »
Le 7 septembre de cette année, Pierre Claver Mbonimpa, président de l’APRODH a été entendu par le procureur de la République en Mairie de Bujumbura. Pour le président de l’APRODH, la justice veut brouiller les pistes en se basant sur de faux témoignages. Pour lui, un certain Jean Marie de Kamenge a téléphoné plusieurs fois au siège de l’OLUCOME disant qu’il voulait livrer des informations sur l’assassinat d’Ernest Manirumva. Le président de l’APRODH précise que certains membres de la société civile et Evariste Mbonimpa, un des membres de la 2ème commission se sont réunis pour l’écouter. Cependant, se souvient le président de l’APRODH, il a exigé une somme de 2millions Fbu: «Nous n’avions pas cet argent, mais il nous a promis de revenir. Depuis ce jour, il n’est pas revenu. »
Pierre Claver Mbonimpa indique que Jean Marie est un informateur de certaines personnalités parce que cette rencontre a été évoquée le lendemain sur une radio locale. Il souhaite plutôt que les enquêtes soient orientées vers une bonne finalité.
Gertrude Kazoviyo et David Nahimana eux-aussi convoqués
Au moment où nous mettons sous presse, nous apprenons que Gertrude Kazoviyo vice-présidente de l’OAG est convoquée pour ce vendredi. David Nahimana ancien président de la Ligue Iteka a été également convoqué mais il est en mission en Europe.
Visiblement, le fusil a changé d’épaule dans l’assassinat d’Ernest Manirumva. Tout le monde s’attendait au test ADN d’Adolphe Nshimirimana et consorts tel que recommandé par le FBI (Bureau Fédéral d’Investigation) pour connaître la vérité sur ces hauts gradés de la police souvent cités dans cette affaire.
Par contre, ce sont plutôt les activistes de la société civile qui sont convoqués en cascade. Est-ce une volonté délibérée pour brouiller les pistes ? En principe, le ministère public devrait d’abord explorer cette piste et passer à la seconde si la première ne donne pas de résultats.
Richard Ntawe : « Je suis très surpris »
L’ancien porte-parole et secrétaire exécutif de l’OLUCOME a été convoqué ce mardi pour la même affaire. Il se dit surpris par cette convocation au moment où les hauts gradés cités dans le rapport du FBI ne sont pas inquiétés. Pour lui, personne n’est au dessus de la loi. Il demande à la justice burundaise de convoquer les officiers de la police et de les écouter.
Contacté par Iwacu, Augustin Sinzoyibagira, procureur de la République en Mairie de Bujumbura n’a pas voulu s’exprimer « pour ne pas violer le secret d’instruction ».
Les enquêtes visent désormais la société civile
Actuellement, les soupçons portent sur Gabriel Rufyiri, président de l’OLUCUME. D’aucuns s’interrogent sur ce nouveau rebondissement de ce crime crapuleux. Entre-temps, la société civile avait organisé samedi 7 avril 2011 une marche manifestation pour exprimer sa colère parce que les bourreaux ne sont pas encore identifiés. Cette marche a été interdite alors que la société civile réclamait la lumière sur cet assassinat. Si Gabriel Rufyiri avait trempé dans l’assassinat d’Ernest Manirumva, pourquoi David Nikiza, pointé du doigt dans cette affaire, a-t-il arrêté cette marche et a immédiatement emprisonné Gabriel Rufyiri et Claver Irambona, chargé d’investigations à l’OLUCOME ? Ils sont sortis du bureau spécial de recherche après 5 heures de rétention.
De toutes les façons, mêmes ces hauts gradés cités dans le rapport de FBI devraient exiger le fameux test ADN pour qu’ils soient blanchis. Les enquêtes sont les bienvenues. Mais tous les présumés doivent être entendus. S’acharner seulement sur Gabriel Rufyiri et Pierre Claver Mbonimpa susciteront des inquiétudes et interrogations étant donné que le premier vient d’entamer une campagne contre la vie chère au Burundi et le second vient de révéler le plan d’exécution des opposants, plan dit « Safisha », mot swahili qui signifie nettoyage.
Point de vue du FORSC : « La justice veut distraire l’opinion »
Pacifique Nininahazwe, délégué général du FORSC estime que le procureur devrait d’abord explorer les 1ères pistes avant de convoquer les membres de la société civile. D’après lui, la 3ème commission avait exigé la confrontation de certains hauts gradés de la police : « Il fallait aussi établir un lien entre la mort du Capitaine Pacifique Ndikuriyo et celle d’Ernest Manirumva. » Il ajoute que le FBI avait demandé un test ADN pour certains officiers. Cependant, constate-t-il, rien n’a été fait sauf les convocations des acteurs de la société civile. Il estime que c’est une façon de montrer à la communauté internationale que les enquêtes avancent alors que la piste la plus privilégiée n’est pas explorée.