Dans son nouvel article intitulé « Floriane Irangabiye : une nouvelle victime d’une justice politisée », sorti ce 8 février, l’Initiative pour les droits humains au Burundi (IDHB) demande aux autorités burundaises de libérer la journaliste et défenseur des droits humains Floriane Irangabiye en veillant à ce que son appel soit conforme à la loi burundaise et aux normes internationales de procès équitables, et en empêchant toute ingérence politique dans les coulisses.
« Si le président Ndayishimiye veut que ses déclarations sur la réforme du système judiciaire soient prises au sérieux, il devrait prendre des mesures pour rectifier les graves injustices dans des procès comme celui d’Irangabiye ; les affaires contre les opposants et les détracteurs du gouvernement sont souvent marquées par l’ingérence de membres du gouvernement, du parti au pouvoir ou du service de renseignement, ce qui porte atteinte à l’indépendance des tribunaux », indique IDHB.
Pour l’IDHB, l’Union européenne, qui a récemment annoncé un nouveau programme de soutien au système judiciaire burundais, devrait demander la libération d’Irangabiye et exiger du gouvernement des garanties que son appel se déroulera sans ingérence, rapidement et dans le respect de la loi. « Les diplomates devraient assister à l’audience d’appel, comme ils l’ont fait pour le procès de Nkina, et appeler le gouvernement burundais à mettre fin à la criminalisation du journalisme et de la liberté d’expression. »
« Un procès entaché d’irrégularités et inéquitable »
D’après IDHB, le procès de Floriane Irangabiye a été marqué par de nombreux défauts et un manque de preuves crédibles pour justifier sa condamnation à 10 ans de servitude pénale. « Aucune preuve d’incitation à la violence. Dans sa conclusion, le tribunal a déclaré que le droit à la liberté d’expression n’autorisait pas Irangabiye à appeler la population à se rebeller contre le gouvernement ni à offenser le gouvernement et ses représentants démocratiquement élus. »
IDHB fait savoir que dans un enregistrement de l’émission qu’elle a obtenu, Irangabiye appelle les Burundais à dénoncer les abus et à se sortir de ce qu’elle décrit comme une situation qui se détériore, et déclare que « partout où nous avons assisté à une révolution, il y a ceux qui se sont sacrifiés, mais peut-être que nous ne devrons pas aller jusque-là. » Cependant, indique cette organisation, elle n’appelle pas explicitement les citoyens burundais à recourir à la violence pour renverser le gouvernement.
Selon le droit international, indique IDHB, la liberté d’expression ne peut être restreinte que pour la protection de la sécurité nationale ou de l’ordre public, si cela est nécessaire et proportionné. « Sur la base de la transcription de l’émission radio obtenue par l’IDHB, cela ne semble pas avoir été le cas. Les commentaires d’Irangabiye ne justifiaient donc pas de poursuites pénales, encore moins une condamnation et une peine de 10 ans de prison. »
Cette organisation parle également d’un parti pris en faveur du ministère public. « Le tribunal n’a pas procédé à une évaluation indépendante ni examiné les preuves. Il a simplement entériné les charges du procureur contre Irangabiye. La partialité manifeste dont ont fait preuve les juges a porté atteinte à la présomption d’innocence. »
IDHB se demande si Floriane Irangabiye a été ciblée pour d’autres raisons. D’après cette organisation, cette théorie peut être étayée par le fait que le ministère public l’a accusée d’infractions supplémentaires sans aucun rapport avec l’émission comme par exemple l’espionnage du Burundi lors de ses fréquentes visites depuis le Rwanda, où elle vit. « Le parquet a également mentionné que des photos d’Irangabiye avec le président rwandais Paul Kagame et l’ancien président burundais Pierre Buyoya ont été trouvées sur son téléphone. Les photos avaient été prises lors d’événements sociaux. Visiter son pays d’origine et prendre des photos avec des dignitaires ne sont pas des infractions pénales. »
Comme autres irrégularités, IDHB indique qu’au cours du procès, Floriane Irangabiye et ses avocats ont demandé au tribunal de ne pas tenir compte des procès-verbaux obtenus au Service national de renseignement (SNR), car elle n’avait pas eu accès à un avocat lors de ces interrogatoires, et ils ont affirmé que sa signature avait été falsifiée. « Le tribunal a rejeté leurs objections et n’a pas ordonné d’enquête sur ces allégations, malgré le fait que les déclarations d’Irangabiye au SNR aient été obtenues sous la contrainte. En raison de la forte présence d’agents de la police et du service de renseignement à l’audience, qu’ils jugeaient intimidante, les avocats d’Irangabiye ont demandé que l’audience se déroule à huis clos. »
L’IDHB évoque aussi l’empreinte du service de renseignement. « Irangabiye, qui vit au Rwanda depuis plusieurs années, a été arrêtée alors qu’elle rendait visite à sa famille au Burundi. Le 30 août, alors qu’elle se rendait à un enterrement, des agents du service de renseignement et de la police ont bloqué la voiture dans laquelle elle voyageait, l’ont arrêtée et l’ont conduite au siège du SNR. Le SNR a empêché les visiteurs de voir Irangabiye et a seulement autorisé qu’on lui apporte de la nourriture et des vêtements. »
Dans son jugement, poursuit IDHB, le tribunal a confirmé que le SNR l’avait interrogée les 30 et 31 août, mais a déclaré à tort qu’elle avait été arrêtée le 8 septembre, jour de son transfert du SNR à la prison de Mpimba à Bujumbura.
D’après cette organisation, le 29 septembre 2022, des agents du SNR ont conduit Irangabiye de Mpimba à la prison de Muyinga, dans le nord-est du Burundi, loin des membres de sa famille vivant à Bujumbura.
Une pratique courante pour les prisonniers politiques, d’après IDHB, car les transferts entre les prisons sont généralement effectués par les autorités pénitentiaires.
IDHB ajoute qu’elle a été conduite avec le Dr Christophe Sahabo, directeur de Kira Hospital, qui est détenu depuis avril 2022 et a également été éloigné de sa famille lors de son transfert à la prison de Ruyigi.
« Fait inhabituel, le 16 décembre, jour de l’audience, ce sont également des agents du SNR qui ont conduit les juges du tribunal de grande instance de Mukaza à Bujumbura jusqu’à Muyinga, où s’est déroulé le procès d’Irangabiye. »
Que tout cela soit fait conformément à la loi. Si irangabiye mérite une sanction,qu’elle soit sanctionnée en respectant toujours la dignité humaine.